20. ♩Je ne serai jamais

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Kyle

J'appréhende de voir Jordan aujourd'hui. Je sais qu'elle sera dans le bus ce soir car Bill m'a dit qu'elle l'avait pris hier, et ce matin. Je me demande bien où elle a pu passer toute une semaine. Une semaine qui m'a paru si longue. Si vide... Je me suis rapidement habitué à sa présence, et le simple fait de ne pas l'entendre ces derniers jours m'a frustré. Sa voix me fait tellement de bien, qu'elle chante, ou qu'elle me parle simplement. Elle me donne l'impression d'être normal, et j'oublierai presque toute la souffrance qui me ronge quand elle est là.
C'est étrange de se dire que je la connais à peine et qu'elle a une telle emprise sur moi. Jordan a pénétré dans mon âme pour laisser ressortir un Kyle plus serein. Mais lorsque je me retrouve seul, la réalité me frappe à nouveau. Cole est mort. Et j'en suis en partie responsable. La seule chose que je mérite : souffrir, et souffrir encore...

Depuis que j'ai parlé de Jordan au Docteur Williamson, cette dernière n'arrête pas de m'en demander davantage. À tel point que je me demande si, finalement, je ne vais pas me mettre à parler de Cole. Comment pourrais-je en dire plus à Williamson ? Je ne sais rien d'elle, à part qu'elle vient d'Atlanta, qu'elle aime la musique, les dessins animés et la pizza. Ah oui ! Et que son poisson rouge s'appelle Damon.

Abby m'a prit pour un dingue lorsque je lui avais demandé : « T'aimes bien Damon ? De Vampire Machin ? » Et qu'elle m'a répondu : « J'aime bien ? Nan mais, est-ce tu entends sérieusement la question que tu me poses ? Damon Salvatore, c'est l'homme de ma vie ! Pourquoi ? Toi aussi il te fait kiffer ? ».
On a bien rit au moins deux minutes avec ça. Et quand je lui ai avoué que Jordan avait nommé son poisson rouge ainsi, elle m'a sorti : « j'adore cette fille ».

Depuis la soirée que nous avons passé tous les quatre, Abby ne cesse de me parler de cette rockeuse en tailleur. Et Jared, n'en parlons pas... c'est bien ma veine. À croire qu'ils se sont tous donné le mot.

Comme tous les jours, je vais pour m'asseoir derrière Bill, mais la place est prise. Alors je me dirige vers l'arrière du bus jusqu'à trouver un siège libre. Je m'installe silencieusement, et anxieux.

Tac, tac, tac...

My time spent there it only made me see
Le temps passé là-bas me fait juste réaliser
That I don't event wanna be like you
Que je ne voudrais jamais être comme vous
I never wanna do the things you do
Je ne voudrais jamais faire les choses que vous faites
I'm never gonna hear the words you say
Je n'entendrai jamais les mots que vous direz
(The anthem - Good Charlotte)

Elle est enfin là... Mais apparemment, pas de très bonne humeur... Mon cœur s'emballe au fur et à mesure que ses talons se rapprochent de moi.

- La place est libre ? dit-elle tout près de moi.

- Salut Jordan... Bien sûr...

Alors qu'elle s'assoit sur le siège d'à côté, je me laisse enivrer par son parfum fruité. Son odeur m'avait manqué... Je réalise soudain qu'elle ne m'a pas repris lorsque je l'ai appelé « Jordan ». Oui, quelque chose ne va pas...

- De retour de vacances ? dis-je innocemment, mais désireux d'en savoir plus.

- Si passer quatre jours avec son boss névrosé et un putain de pervers sont des vacances... Alors oui ! dit-elle agacée.

Elle soupire lentement alors que je n'ose plus rien dire.

- Désolée, dit-elle. Je suis sur les nerfs en ce moment. Tout va de travers et plus les jours avancent, plus j'ai l'impression que ça ne passera pas.

- Je comprends, t'en fais pas, dis-je désolé pour elle.

- Pourquoi t'es si gentil ? dit Jordan tout bas.

Je ne réponds pas à sa question qui me surprend. Ensuite, je sens sa tête se poser sur mon épaule. C'est tellement bon de la sentir si proche de moi. Elle ne sait pas à quel point elle me fait du bien. Une vague de chaleur envahi mon cœur ainsi que mon âme. Une fois de plus, cette femme me transperce et me surprend. Je voudrais que cet instant reste gravé à jamais dans ma tête.

- Ma famille me manque, ajoute-t-elle. Ça ne t'arrive jamais de te dire que tu n'es pas là où tu dois être ? Que cette vie est trop difficile pour que ce soit la tienne ?

- Tous les jours, dis-je soudainement bouleversé de la savoir triste.

- Comment on sait si on a fait le bon choix ?

- Je suppose que, peu importe les choix que tu fais, tant que ça te rend heureuse, c'est que t'as pris la bonne voie.

Voilà que c'est moi qui joue le psy. Moi qui donne un conseil que je ne respect pas moi-même. Depuis que j'ai choisi de tourner le dos à ma famille, je ne suis pas heureux. Donc si j'en crois ce que je viens de dire à Jordan, je n'ai pas pris le bon chemin. Mais c'était si dur d'être auprès d'eux, et de savoir que le simple fait de me regarder dans les yeux leur rappellerait la mort de Cole, de leur fils.
Je me demande souvent ce qu'ils deviennent. S'ils ont réussi à guérir de leurs blessures, ou s'ils sont toujours aussi torturés que moi. Ils me manquent souvent...

La tête de Jordan se retire de mon épaule et je me sens immédiatement vide. Comme si mon âme avait quitté mon corps.

- T'es arrivé, dit-elle.

Je ne supporte pas de la savoir malheureuse. J'ai l'impression d'être déchiré en petits morceaux, et que la seule façon de remettre le puzzle en place, c'est de rester près d'elle.
Je me lève et tends la main vers elle.

- Viens avec moi, dis-je sereinement.

Elle saisie ma main tendue tout en se levant, et m'accompagne hors du bus.

Nous marchons main dans la main en silence jusqu'à chez moi. Je me sens si bien près d'elle. J'aime ça, mais ça me fait aussi peur. Je me suis tellement refusé le bonheur que je suis terrifié par ce que cette fille fait ressortir en moi. J'ai envie de la protéger, de lui dire que la vie est belle et qu'il vaut la peine de se battre pour ce qu'on veut. Mais je ne serai qu'un hypocrite... Je ne serai jamais capable de la protéger. La vie est affreuse et ne nous offre qu'un lot de tristesse et de déceptions.

À travers toi [EN CORRECTION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant