YOURS. // Tome 3

Chapitre 6

♫ « Rocket Man » - Elton John ♫

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Harry
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J'en suis encore à me demander comment nous en sommes arrivés là. Des mèches tombent en pluie de part en part de mon visage, telles des fleurs fanées. Je suis en train de changer de saison. Armée d'une paire de ciseaux, Joy s'affaire à me débarrasser de quelques centimètres de ma longue et indisciplinée chevelure qui, selon elle, commençait à ne plus ressembler à grand-chose. Elle n'avait pas tort. Le kit de toilette du luxueux hôtel que nous avons réservé pour notre Nouvel An à Las Vegas contenait l'ustensile en métal à l'origine cette idée.

- Comment tu trouves ? Me demande-t-elle en soufflant sur les lames comme si elle venait de dégainer un fusil chargé.

Si elle compte me laisser avec seulement le côté droit de coupé, je lui prends un rendez-vous chez l'ophtalmo. Mon silence lui fait réponse, mais quand je vois la fierté qu'elle affiche, je ne peux retenir mon sourire.

- Ça va repousser, ne t'en fais pas ! Ajoute-t-elle en poursuivant sa tâche. Ils seront encore plus beaux qu'avant.

Un nombre incalculable de boucles noires jonchent désormais le sol en marbre de notre salle de bains du Bellagio.

- Tu sais, ce n'est pas dans mes habitudes.

- Comment ça ? Tu ne vas jamais chez le coiffeur ?

- Non, pratiquement jamais.

Je laisse généralement mon amie Lou décider de cette nécessité. C'est elle qui d'ailleurs, se charge de faire évoluer cette toison. Si elle était témoin de la scène, je pense qu'elle crierait au blasphème de sa profession de coiffeuse. Joy y met pourtant tellement de cœur que je n'ose pas la reprendre sur sa façon de faire.

Ma chérie analyse scrupuleusement chaque mèche avant d'utiliser les ciseaux et jauge mon ressenti lorsqu'elle les met en action.

- Relève la tête. M'ordonne-t-elle en guidant mon regard vers elle. C'est presque terminé.

Les ultimes longueurs cèdent sous ses doigts et elle retire une immense satisfaction en regardant le résultat de son travail.

- Fini ! S'exclame-t-elle en déposant les armes.

Son sourire à ce moment précis vaut tous les sacrifices que nous faisons depuis notre départ.

- Et regarde, ils restent suffisamment longs pour que tu les attaches. Ajoute-t-elle en les ramenant en arrière.

Mes mains se posent sur les siennes. Joy reste figée un instant et profite que je la dévisage pour en faire de même. Mais tandis que j'analyse son regard, quelque chose retient mon attention. Son teint semble avoir perdu de ses couleurs en une poignée de secondes, lui donnant un air vidé. Cette nuit, j'ai rattrapé mon sommeil manqué des cinq derniers jours passés en Colombie. La chaleur était épouvantable à longueur de temps et ne faisait qu'entrecouper notre sommeil. En revanche, j'ignore si Joy est parvenue à fermer l'œil aussi lourdement que moi. Peut-être que nos nombreux trajets en avion et le décalage horaire entre les différents pays accentuent son état ?

- Tu as réussi à dormir cette nuit ?

- Ça a été. Répond-t-elle simplement en levant les épaules.

Ce qui signifie certainement que non. Soudainement, prise d'un manque d'équilibre évident, Joy sépare nos mains et s'adosse au lavabo en tentant de faire comme si son rattrapage était naturel. Ses yeux bravent furtivement les miens pour y déceler un signe d'analyse de ma part.