Épilogue

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♫ « Dream On » - Aerosmith ♫

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♫ « Dream On » - Aerosmith ♫


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Harry
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Il existe des pulsions qui traversent les barrières. Elles viennent toquer à votre porte au moment où vous vous y attendez le moins. Elles sont comme un poison qui se fond en vous, se développe dans votre esprit, s'octroient le droit de vous manipuler comme une marionnette vivante. Le temps d'assouvir cette pulsion, le corps est dépossédé de son propriétaire. Il n'y a plus de pilote, mis à part un double contre lequel il est impossible de s'opposer. Celui-ci vous impose ses décisions et fonce droit devant, à vive allure, parfois même en plein mur. J'ai le sentiment que c'est ce qu'il m'est arrivé. Que quelqu'un d'autre est né depuis que je m'épanouis de nouveau dans la musique.

En me rencontrant, Sasha a décelé mes intentions et d'une certaine manière, c'est ce qui l'a attirée vers moi. Elle s'est laissée guidée par mon addiction en sachant pertinemment ce qui l'attendait. Mon addiction. Le mot est lâché. Je ne peux pas le nier. Naïvement, je suis tombé dans le panneau et j'ai simplement écouté mes envies, sans me préoccuper des conséquences que pourrait avoir notre liaison, alors que je détruisais tout ce que je venais de bâtir avec Joy durant les mois précédents. Au fil des années, ce besoin de venir en aide aux femmes est devenu ma solution pour me prouver que le monde est à ma portée, que je suis capable d'atteindre n'importe qui en usant de mon pouvoir de séduction pour y parvenir.

Prendre conscience que l'on a un problème est déjà vraisemblablement un pas en avant vers la rémission, mais je suis incapable de m'en sortir seul. L'idée de m'exiler dans ma famille quelque temps m'aidera à faire le point sur tout cela et me concentrera sur des priorités plus décisives.

Je referme ma maison avec l'idée que j'ignore combien de temps je la délaisse et jette mon sac de voyage dans le coffre de ma voiture. Le portail s'ouvre alors que je ne l'ai pas enclenché. Juste derrière apparaît celle qui occupe mes pensées à chaque seconde. Je me fige en la voyant arriver vers moi d'un pas intrépide et décisif.

Joy s'élance dans mes bras avec une assurance qui me déconcerte totalement. Ses lèvres se posent contre les miennes et reconsolident les fragments éparpillés depuis des semaines dans ma poitrine. C'est une délicieuse épreuve que je voudrais pouvoir revivre jusqu'à en perdre haleine.

Ce baiser inespéré s'arrête soudainement, m'obligeant à émerger.

- Je veux que tu te souviennes de ma bouche. Murmure-t-elle d'une voix à peine audible. Je veux t'embrasser jusqu'à en effacer la sienne.

Ma témérité flanche face à ses confessions. Je ne trouve aucun mot juste à lui dire. Des larmes à peine perceptibles commencent à rouler sur ses joues avant qu'elle n'accède de nouveau à cette convoitise réciproque. J'ai passé tant de temps à espérer qu'elle me touche. Tant de jours à me languir de son odeur, de sa chaleur.

Joy cesse ce second baiser, mais n'éloigne pas sa bouche pour autant, comme pour se prémunir de mon regard.

- J'ai parcouru ton journal jusqu'à en connaître chaque passage sur le bout des doigts. Déclare-t-elle à bout de souffle.

Elle l'a donc lu. Le simple fait de me l'avouer enlève un énorme poids de mes épaules. J'ai le sentiment qu'elle a encore énormément de choses à me dire, alors je préfère me taire.

- « Quand on aime, c'est pour se brûler les sens jusqu'au petit matin et regretter qu'il faille s'arrêter. C'est s'arracher le cœur à pleines mains avec une volonté terrifiante de souffrir plus que l'autre en souhaitant que rien de tout cela ne soit réel, alors que s'il s'agissait d'un rêve, on en crèverait. »

En récitant ces mots écrits quelques heures seulement après notre rupture, je ne pensais pas qu'ils auraient un tel impact sur elle, surtout en considérant l'état dans lequel j'étais. Elle se détache de moi. J'ai l'impression que le chagrin que je lis dans ses yeux n'a rien de négatif. Il est simplement là pour accompagner sa délivrance. Le fait qu'elle prenne de la distance me donne le sentiment que l'apogée de son discours semble avoir été mûrement réfléchi si j'en juge à son regard obstiné. Ses yeux débordants de sincérité captent les miens dans l'attente des paroles gardées prisonnières de ses lèvres.

- Je t'aime. Confesse-t-elle sans détour. Et bon sang, je regrette déjà de te le dire, mais c'est ni plus ni moins que la vérité.

Nos mains se désunissent après sa réplique. Je suis conscient de l'effort que lui coûtent ces mots qu'elle n'a jamais dit à quiconque auparavant. Ses sanglots ont raison de mon inertie. Mes mains rejoignent aussitôt ses joues et cherchent à apaiser ses larmes qui ont bien trop souvent franchi la barrière de ses yeux pour moi.

- Tu n'imagines pas à quel point je...

Joy se prémunit de mes mots en posant son index sur ma bouche.

- J'ai juste besoin de temps, Harry. M'interrompt-elle en voulant conclure notre échange.

Je la sens de nouveau se dérober, mais étrangement, l'éclaircie qu'elle me laisse entrevoir m'aide à la laisser partir. En tournant les talons, Joy emporte avec elle la conviction que notre amour mérite d'être sauvé. Ma frustration redouble cependant lorsqu'elle disparaît définitivement de mon champ de vision sans m'avoir offert la possibilité de m'exprimer. Mais la garantie qu'elle est venue chercher me redonne de l'espoir.

En m'installant au volant de ma voiture, je réalise que cette scène aurait très bien pu ne jamais avoir lieu si Joy était arrivée après mon départ. Je saisis aussitôt mon téléphone.

Moi, 14:27 : « Je tiens simplement à te prévenir que je quitte la ville pendant plusieurs semaines. J'offre un de mes reins à Robin et me fais opérer après-demain à Manchester. Le temps n'a plus de limite pour moi, alors, dès que tu es prête, je m'empresse de revenir. »

Je n'attends aucune réponse de sa part et entame mon long voyage le cœur léger.

Joy me permet d'être tel que je suis et non ce qu'il me plaît de paraître ou d'afficher à travers différentes façades. Pour cela, non seulement je l'en remercie et j'aime et admire cette femme plus que tout désormais. S'il existe différentes façons d'aimer, je sais de source sûre que la nôtre se range du côté de la passion dévorante qui ne trouve de limite que dans ses propres retranchements.

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YOURS. // Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant