Au Nom de ma Mère

Cauchemars

   J'ai fait un cauchemar cette nuit. Non pas que ce soit la première fois -au contraire leur récurrence les transforme petit à petit en un rituel macabre- mais celui-ci était particulièrement effroyable. Dois-je vous le conter ? En aurai-je la force ? 

    Réveillé en sursaut par son abominable fin j'ai noté quelques mots afin de m'en souvenir. Si vous permettez que je vous en fasse part... Ce récit tout comme "Maman... Réponds" est véritablement glauque voir plus du moins je l'ai ressenti comme tel et je ne pense pas avoir lésiné sur le morbide lors des textes précédents. 

"Une tour d'immeuble flamboyante, déchirant le ciel crépusculaire. Un balcon bas duquel s'amusaient à sauter les adolescents, exécutant des figures pittoresques et vertigineuses. Mieux qu'une aire de jeux selon trois madones. Une noire, une mama portant un jésus encore un peu fripé, une Marie arabe drapée de bleu et de blanc et une autre plus effacée, occidentalisée et frêle, une vierge humble à l'accent râpeux. Tout en criant leur fierté à travers leur regard aimant, elles contemplaient leur trois filles comme trois saintes. 

   Marie Salomé bascula la première en un salto éblouissant et atterrit sur ses deux pieds sans presque vaciller. 

   Marie Jacobé s'effondre joliment à l'arrivée, les bras en croix et le rire puissant 

    Marie Madeleine apparaissait tellement plus fragile. Elle se tenait penchée en avant, envieuse de se déchoir de sa condition angélique, animée d'une curiosité précoce. La petite se laissa glisser. Mimétisme. Reproduire cette fameuse acrobatie que les mères aimaient tant à applaudir. Bien trop légère et minuscule. Bien trop près du bord. Elle a tournoyé à l'envers. Mais trop prêt. Ses ailes ont fondu. Le blanc est devenu rouge. Son crâne a violemment heurté l'angle du balcon, à l'endroit où il se prolongeait sous la bâtisse. Son cou resta latéralement tourné vers le ciel tandis que le reste de son petit corps, dont les tournoiements avaient été interrompus par la collision, s'écrasait contre une colonne de béton. Ultime étape de Satan pour être sur que la chérubin ne se relèverait pas. Coup du lapin. Terrible vision. Mais mon Dieu que le bruit fut pire. Tellement pire. Mat et fort il me semblait pointu et strident de cruauté. Un claquement sonore. Fatidique. Effroyable.  

   Les Maries en Une n'osaient pas bougé. Peut-être le temps s'était-il arrêté ou le choc  les avait rendues hiératiques. 

   Et l'Enfant répandait son sang blanc et sa cervelle sur l'herbe grasse. 

   Le ciel pleura son ange fugueur." 

J'ignore pourquoi je vous en parle, pourquoi je le publie et surtout pourquoi je l'ai fait, ce rêve. Ce cauchemar. La signification je l'ignore. Je suis resté en état de stupeur aussi bien dans mon songe que dans la réalité. La nausée a duré un bon quart d'heure. Une angoisse terrible, une haine profonde envers moi-même pour avoir faire ressortir de telles ignominies. 

 Qui était cette petite fille ? Ou petit garçon au final je ne m'en souviens plus vraiment. Ma mère ? mon frère ? Mon envie de protéger ? Ma peur de le voir sombrer ? 

Je ne sais pas

Merci à @agrumentation  pour la couverture. Vive toi honney !