Maman, comment était-ce quand ton coeur a cessé de battre ?
Pour moi c'était horrible maman. Cela a commencé par d'éternelles nausées, des pics de douleur dans la cage thoracique. Alors tu testes vainement les positions conseillées par le médecin, les mains sur la couette les bras tendus et les genoux repliés. Tu attends et tu suffoques encore plus. Le cœur ne tambourine pas mais tu l'entends battre au rythme d'une procession funèbre.
Le paysage se renverse puis tu comprends que tu es tombé du lit, que tu convulses presque. Tu n'entends pas à quel point ta respiration est forte et désespéré. Tu ne perçois que le sifflement de tes oreilles dû au manque d'oxygène et ta vue se brouille. Bradycardie. Tu sens que ton cœur va te lâcher.
La porte de ta chambre qui s'ouvre en grand et vient percuter le mur, un cri étouffé par tes halètements, tu n'es plus seul. Mais tu te sens seul. Seul face à cette mort qui est en toi et qui te dévore.
La position fœtale soulage un peu, tandis que ton père te caresse le dos pour apaiser la panique. Tu te sens prêt à partir. Prêt à te laisser emporte car mourir dans les bras de ses parents est sans doute le plus doux des linceuls.
Tu ne penses plus à autre chose qu'à ta respiration, à tes battements de cœur qui ralentissent
Ralentissent
Sonores
Ralentissant encore
Puis muets
Et je me dis que c'est ta silhouette qui se découpe dans l'embrasure de la porte maman. Que tu viens enfin. Que c'est toi qui masse mon torse pour m'apporter un nouveau souffle. Que ce courant électrique violent est douloureux n'est que la dissociation de mon corps et de mon esprit.
Mais le processus a échoué. Mon corps était presque derrière la porte. Mon esprit ne voulait pas revenir. Alors je suis resté dans cette indécision. Incapable de bouger, d'ouvrir les yeux, de parler. De me réveiller.
Incapable de mourir tout simplement.
Une demie-mort maman. Tu sais ce que c'est hein. Toi qui errais comme un spectre.
Tu vivais dans un coma spirituel et la le monitoring de ton âme demeurait et demeurera à jamais plat.
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Au Nom de ma Mère
PoetryOn se cabre, on s'insurge et on crache. Jusqu'au jour où ses yeux remplis de larmes coupables se ferment et que nos voix se taisent. La douleur de notre premier souffle surgit alors du plus profond de nos entrailles, lancinante et cruelle. Et nous...