Chapitre 39. Nous ne sommes pas comme eux

6 0 0
                                    

Richard chancela avant de s'écrouler lourdement sur le sol. Chris avait détourné instinctivement les yeux en criant tandis que Blaise avait porté ses mains à son visage. Notre regard allait du corps inerte de Richard Lucas à la vieille bourgeoise.

- C'est tout ce que tu méritais, ordure... dit-elle au dos de sa victime.

Quand elle constata nos bouches bées et les yeux éberlués posés sur elle, sa froideur s'évanouit.

- Ne me regardez pas comme ça... murmura-t-elle tendrement. Je suis désolée.

Puis elle ajouta en se tournant vers moi :

- Que vous l'ayez fait sciemment ou non, je vous remercie de ne pas avoir manifesté votre éclair de lucidité. Il fallait qu'il ne se doute de rien. Il ignorait votre venue : c'est moi qui vous ait laissé la lettre.

Cela expliquait la surprise de Richard en nous voyant arriver dans la loge. Il devait se demander comment nous étions parvenus jusqu'à lui, avant d'y trouver son compte. À aucun moment il n'avait soupçonné la trahison de celle qu'il croyait sa complice.

- Olivia... commença Blaise.

- Je dois m'en aller maintenant, l'interrompit la bourgeoise. J'ai appelé la police. Elle ne devrait plus tarder.

- Est-ce qu'il est... demanda Chris en fixant son père d'un air horrifié.

D'un seul coup, le bras de Richard s'anima et attrapa le revolver que sa fille avait laissé tomber au moment du coup de feu. Il roula sur le côté, s'arrachant un cri de douleur, et sans qu'Olivia eut le temps de riposter, l'impact la toucha en pleine tête.

Chris poussa un cri. Je me précipitai et donnai un grand coup de béquille dans la main de Richard, envoyant à l'autre bout de la pièce. Blaise avait couru vers Olivia et avait pris le revolver que sa main inerte n'avait pas lâchée. Richard continuait de se rouler par terre et se mit à rire grassement en traitant la vieille bourgeoise de « salope » et de « traîtresse ». Quand je me retournai, Blaise pointait l'arme d'Olivia vers son père, son doigt déjà posé sur la gâchette.

- Blaise ? Tu as entendu Olivia : la police va arriver... dis-je doucement.

- Quelle importance Gaby ? Regarde ce qu'il a fait ! Combien de personnes doivent encore tomber pour que tu payes ?! hurla-t-elle à Richard.

Ce dernier se tordait d'un rire hystérique, un filet de sang coulant à la commissure des lèvres.

- Blaise, s'il te plait... Chris, je t'en supplie, dis-lui qu'il ne faut pas !

Il suffisait de la regarder pour deviner que je n'obtiendrai aucune aide de sa part. Chris était toujours au même endroit, tremblante, et ses yeux révulsés passant du corps tristement immobile d'Olivia à celui, frénétique, de son père.

- Blaise, repris-je en m'approchant, jusqu'à me placer tout à côté d'elle. Tu ne l'as pas fait la dernière fois. Il n'y a aucune raison que tu le fasses maintenant.

C'était faux bien sûr. Tout ce qui venait de se passer justifiait amplement la détermination de Blaise.

- Peut-être que tu aurais dû... susurrait Richard.

Son corps commençait à convulser. Il crachait des glaires sanguinolents entre deux hoquets.

- Vas-y gamin, tire ! Qui sait ? Je pourrais peut-être encore faire du mal à quelqu'un... À « Gaby », dit-il d'un ton méprisant. Ou même à Simon. Après tout, je n'ai plus rien à perdre.

Chris eut soudain un sursaut en entendant le nom de son fils. Elle le répéta plusieurs fois en essayant de se lever, mais ses jambes semblaient peiner à la porter.

Rendre ses larmes à la pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant