Chapitre 23. Garder le silence

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- Écoute Chris, si c'est à propos de ta sœur et moi...

Ce fut à son tour de froncer les sourcils.

- Je pense que l'on se connait depuis assez longtemps pour savoir que je ne lui veux que du bien. Tu n'as pas besoin de jouer le rôle de la grande sœur protectrice avec moi, tu me fous déjà assez les jetons comme ça.

- Gabriel, ça n'a rien à voir avec vous deux – ensemble je veux dire – alors assieds-toi s'il te plait.

Je suivis la direction de son bras tendu vers le canapé et m'exécutai. Une franche appréhension commençait à m'envahir. Chris s'assit sur la table basse en face de moi. En croisant mon regard ahuri, elle se prit la tête entre les mains en vociférant quelques mots inaudibles. Puis elle expira bruyamment et posa ses mains sur mes genoux.

- Okay... commença-t-elle avant de se rétracter aussitôt. Bon, autant te montrer tout de suite.

Elle sortit un morceau de papier de sa poche de pantalon, que je reconnus être une photographie pliée en quatre. Elle me la tendit, et j'eus l'impression que cela la déchargeait d'un énorme poids, un fardeau qu'elle avait décidé de partager avec moi et que j'acceptai naïvement en le dépliant.

Je n'avais vu, en tout et pour tout, seulement trois fois l'homme qui y était figé, et malgré la mauvaise qualité de l'image et la barbe de quinze jours qui recouvrait jusqu'à ses joues, je ne pouvais nier que je l'avais reconnu.

Chris continuait de me fixer en attendant ma réaction. Je déglutis.

- Ça a été pris où ? demandai-je calmement tandis que tout mon être criait que cela ne pouvait pas être possible.

- Roissy...

- Il est à Paris...

Formuler à haute voix cette constatation me glaça. Je me levai sans même prendre ma béquille, et commençai à faire les cent pas dans le salon, jusqu'à ce qu'une douleur vive me paralyse la jambe et manque de me faire tomber. Chris bondit de la table basse juste à temps pour me retenir. Je ne demandai même pas d'où venait cette photo. J'avais toujours soupçonné qu'après la disparition de Richard Lucas, David avait fait appel à ses connaissances pour le surveiller. Mais une autre question me brûlait les lèvres.

- Depuis quand es-tu au courant ?

Chris fuit mon regard brûlant.

- Environ deux semaines.

- Ton père est revenu depuis deux semaines et tu n'as pas jugé utile de nous le dire ?! Imagine qu'il se soit pointé chez l'un ou chez l'autre !

- J'ai essayé, Gabriel. Je devais te le dire quand je t'ai retrouvé au Jardin des Plantes mais c'était trop dur. Et cela le devenait de plus en plus : Blaise et toi avez l'air d'aller si bien en ce moment !

Je pris mon téléphone et commençai à écrire.

- Qu'est-ce que tu fais ? demanda Chris.

- Je dis à Blaise de venir nous rejoindre.

- Tu ne dois rien dire à Blaise, répondit-elle d'un ton implacable.

- Chris, ta sœur a découvert aujourd'hui que je lui ai menti sur ma façon de passer les journées ces dix derniers mois ! Et toi, le soir même, tu me lâches cette bombe à la figure en me demandant de le garder pour moi ?! Tu veux que Blaise m'étripe ?

- Et toi, tu veux qu'elle s'effondre à nouveau ?! Elle va mieux Gabriel, et le retour de Richard va forcément la briser ! Il ne faut pas qu'elle le sache !

- Je répète : et si jamais il se pointe devant elle ?

- La police va l'attraper. On sait où il est après tout.

Rendre ses larmes à la pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant