Blaise s'était endormie après avoir rangé intégralement le fouillis qu'elle avait mis dans la chambre. Richard Lucas rentra alors qu'elle était déjà couchée. Il monta l'escalier de son pas bourru,caractéristique des soirs où il avait écumé les bars. Elizabeth était en train de réchauffer le dîner qu'elle avait préparé en attendant son mari, comme chaque fois qu'il sortait se saouler, et alors qu'elle savait très bien qu'il ne prendrait même pas la peine d'y toucher, l'estomac déjà imbibé d'alcool. Lui, arrivé en haut,sortit la clef de la porte de chambre de Blaise qu'il gardait précieusement dans la poche arrière de son pantalon. Il avisa son« gamin » allongé sur le lit, endormi, toujours vêtu du blue jean et dut-shirt à col rond typiquement masculin qu'il l'avait obligé à enfiler le matin-même. Puis il parcourut la chambre du regard, et vit qu'elle avait été entièrement nettoyée et rangée. Elle avait retrouvé son aspect normal de chambre de bon garçon qu'il affectionnait tant. Il remarqua que des bouts de verres, vestiges de la lampe de chevet, étaient déposés à même le sol, près de la porte, attendant d'être jetés à la poubelle. Il les ramassa et tourna les talons après avoir refermé la porte. Mieux valait mettre ça immédiatement à la benne : c'était dangereux ces trucs-là, et il n'avait pas envie de se couper...
Beth l'accueillit dans la cuisine avec un sourire et lui présenta le plat tout juste sorti du four. Il grommela qu'il n'en voulait pas, et lui reprocha de n'avoir rien d'autre à faire que de l'attendre comme un chien le retour de son maître. Beth ne répondit pas : elle savait très bien que si elle n'avait pas tout préparer avant son retour, il l'aurait accusé de ne pas se soucier de lui comme une femme est censée le faire.Elle soupira intérieurement, mais elle ne lui en voulait pas. Il avait l'esprit de contradiction, c'est tout. Elle commença à remplir une assiette pleine, ce qui lui valut un nouveau commentaire de son mari :
- Eh, depuis quand est-ce que tu manges autant, toi ?
- Ce n'est pas pour moi, dit-elle en reposant la cuillère dans le plat. Je vais l'apporter à Blaise.
Elle voulut rajouter qu'elle devait avoir faim, mais elle se retint instinctivement en remarquant qu'elle allait dire « elle ». Richard ne voulait pas qu'elle dise "elle" en parlant de Blaise. Blaise était « il ». Mais Beth ne voulait pas. Alors elle disait « Blaise », toujours.
- Le gamin dort, il n'a pas besoin de ta pâtée !
Elizabeth s'assit et mangea un peu de l'assiette promise à sa fille. Mais la nourriture l'écœura rapidement comme à chaque fois qu'elle mangeait toute seule alors que Richard et Blaise étaient à la maison. Elle commença à ranger la table, fit rapidement le peu de vaisselle qui attendait dans l'évier, et se dirigea vers l'escalier. Son mari grommela :
- Où est-ce que tu vas ?
Elle répondit sans se retourner.
- Je vais me doucher, je reviens.
Et elle monta. Mais dans le couloir, elle passa devant la porte de la salle de bain sans même la regarder. Elle s'arrêta devant la porte de Blaise et l'ouvrit tout doucement pour ne pas la faire grincer. Elle tendit l'oreille mais rien ne bougeait à l'étage du dessous, alors elle s'assit à coté de sa fille et lui passa affectueusement la main dans les cheveux.Elle pensa que c'était vraiment dommage que Blaise ne puisse pas les laisser pousser, comme Chris. Elle avait des jolis cheveux soyeux pourtant. Et ce blond platine ferait craquer tous les garçons !
La chaise de la cuisine grinça, l'avertissant que Richard s'était enfin levé de table, probablement pour aller s'asseoir dans son fauteuil. Par précaution, elle fit un rapide mais tendre baiser sur le front de sa fille, rassembla les vêtements et se hâta d'aller dans la salle de bain.
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Rendre ses larmes à la pluie
Narrativa generaleDepuis sa naissance, Blaise est travestie en garçon par un père machiste et violent. Raillée pour sa différence par la plupart des enfants, elle est pourtant acceptée par le jeune Gabriel. La prenant sous son aile, et au fil des années, il comprend...