J'avais rendez-vous avec Blaise au début de l'après-midi. Il faudrait patienter d'ici là. Alors plus par obligation et pour tromper mon ennui teinté d'impatience que par souci d'assiduité, je pris le chemin de l'université.
À midi, je mangeai sans appétit un des paninis trop grillés de la cafétéria. Je pensais m'asseoir à l'une des tables jusqu'à ce que je remarque un visage familier dans la foule d'étudiants. Fabrice Lantier m'aperçut aussi et s'apprêtait à lever le bras pour me faire signe quand je détournai le regard. Feignant de ne pas trouver de place, je pris le couloir en sens inverse, abandonnai mon plateau sur le comptoir et quittai le bâtiment.
La première – et dernière – fois qu'il m'avait parlé, Fabrice m'avait horripilé au plus haut point...
Dans l'amphithéâtre à peine à moitié rempli d'étudiants en manque de motivation, il m'avait interpellé pour me demander un stylo. Je lui avais tendu l'objet de ses désirs et, décidé à oublier sa présence, je m'étais attardé sur les autres personnes présentes. La petite centaine d'élèves encore fidèles à notre cours en amphithéâtre n'avait pas l'air plus motivée que moi. La plupart naviguaient sur les réseaux sociaux ou jouaient aux jeux à la mode sur leur ordinateur portable. D'autres, comme moi, dessinaient avec plus ou moins de talent sur des feuilles volantes ou dans la marge de leurs feuilles de cours. Une poignée d'entre eux l'écrivait encore à la main sur des blocs-notes. Quoique, je ne suis pas certain qu'ils recopiaient vraiment ce que déblatérait le professeur. Moi-même, je n'étais pas sûr de savoir ce que je faisais là.
Raison officielle : j'essayais d'être un élève sérieux.
Raison officieuse : je n'avais rien de mieux à faire pour m'occuper l'esprit.
Quand la fin du cours arriva, je rangeai mécaniquement les quelques affaires étalées sur mon bureau, attrapai mes béquilles posées par terre à côté de moi, et remontai l'allée principale pour gagner la sortie.Mon voisin de table me rattrapa avant que j'atteigne la porte de l'amphithéâtre et m'interpella par mon prénom. Il se planta en face de moi, m'obligeant à m'arrêter, et me tendit le stylo qu'il m'avait emprunté plus tôt.
- Garde-le, dis-je d'un air las.
- Ha, merci Gab' !
- C'est Gabriel.
- Et moi Fabrice, mais tu peux m'appeler Fab'.
- Peut-être plus tard Fabrice.
Je me décalai pour le contourner et m'en aller, mais il me suivit et marcha à côté de moi. Je le vis fixer mes béquilles un court moment avant de demander :
- Tu dois les garder combien de temps ? Ça doit être drôlement chiant !
- Probablement toute la vie.
Il écarquilla les yeux, déconcerté par ma réponse, et je vis qu'il hésitait à continuer.
- Un accident comme il en arrive tous les jours. Ça aurait pu être pire, dis-je dans un soupir, comme pour le rassurer.
Alors que Fabrice continuait de me suivre en faisant à lui tout seul une conversation que je n'écoutais que d'une oreille, je fus heureux d'apercevoir une jeune femme blonde au bout de la rue.
Chris.
Elle m'adressa un bref signe de la main pour me montrer qu'elle m'avait vu. Je reconnus derrière elle la silhouette de David, portant le petit Simon à bout de bras pour qu'il admire les pâtisseries multicolores dans la vitrine de la boulangerie. Remarquant que j'avais ralenti, mon camarade se tut, suivit mon regard et, apercevant Chris, émit un léger sifflement avant des'esclaffer :
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Rendre ses larmes à la pluie
Ficción GeneralDepuis sa naissance, Blaise est travestie en garçon par un père machiste et violent. Raillée pour sa différence par la plupart des enfants, elle est pourtant acceptée par le jeune Gabriel. La prenant sous son aile, et au fil des années, il comprend...