Chapitre 38. Ils se croisent et se perdent au coin de la rue

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« Vous êtes bien sur le répondeur de William. Laissez un message ! »

Olivia raccrocha avant que le « bip » ne retentisse. Depuis une semaine, elle essayait de joindre son fils sans succès. La première fois, elle avait bien laissé un message, mais il n'avait pas rappelé. Il avait sa vie après tout, sans doute pas le temps de se préoccuper de sa vieille mère. Elle non plus ne faisait pas beaucoup d'efforts pour garder contact, mais chaque fois elle se vexait qu'il refuse ses appels. Qui sait s'il la rappellerait ou même s'il écouterait son message ? Ils étaient aussi têtus l'un que l'autre...

Quelques jours plus tard, elle reçut un appel. Mais pas celui qu'elle attendait.

- Olivia Strauss ? demanda une voix d'homme.

- C'est moi. Qui est à l'appareil ?

Le policier l'informa qu'on avait retrouvé le corps sans vie de son fils, William Strauss. Ils venaient seulement de mettre la main sur son téléphone et son portefeuille, dissimulés dans la doublure de sa veste. Il fallait qu'elle vienne au poste, où tout lui serait expliqué.

Olivia n'avait rien entendu que la première phrase.

Le jour-même, elle partit pour Paris.

Elle ne retint pas grand chose du commissariat hormis les murs clairs qui lui parurent pourtant si austères et l'assise inconfortable de la chaise sur laquelle on la fit patienter. Son regard, d'habitude si franc, fuyait celui du policier assis en face d'elle pour s'accrocher sur le badge qu'il arborait à la poitrine. Le patronyme inscrit lui était inconnu, mais elle avait entendu un autre policier l'appeler « Willy ». Peut-être portait-il le même prénom que son William...

C'est de lui que l'agent lui parlait. Il disait être désolé, que son fils avait été retrouvé battu à mort dans un immeuble désaffecté qui lui servait visiblement de logement. On avait d'abord cru à une bagarre entre sans abri, bien que ses vêtements ne reflètent pas encore l'extrême pauvreté des sans domicile fixe. Un nouveau, avaient-ils alors supposé. Ils n'avaient aucune piste, et Olivia comprit qu'ils n'en cherchaient pas. Affaire de peu de panache que le passage à tabac d'un supposé SDF...

Elle répondit cependant à toutes les questions qu'ils purent lui poser : non, elle ne lui connaissait pas d'ennemi, mais elle ne l'avait pas vu depuis longtemps alors... Des années même ! Non, ils n'étaient pas très proches, plus autant qu'avant en tout cas. Elle ignorait tout de sa situation, elle ne savait pas ce qui l'avait conduit à vivre ainsi. Il ne lui avait jamais demandé d'aide. Elle en était même venue à se demander s'il ne s'était pas marié et avait eu des enfants sans qu'elle soit au courant. Elle était si loin du compte.

- Est-ce que vous voulez qu'on prévienne quelqu'un d'autre ? finit par demander Willy.

Olivia secoua la tête humblement, les mains croisées sur les cuisses.

- Non. Il n'y a plus personne.

Dans les maigres faits personnels qui lui furent rendus, Olivia ne reconnut rien que le vieux portefeuille élimé que William avait toujours possédé. Elle fut heureuse de trouver une photo jaunie d'elle, tenant par la main William bébé, dans une des poches. Son fils tenait encore un peu à elle malgré tout... Elle tomba ensuite sur une autre photographie, plus grande et pliée en quatre. Curieuse, elle examina avec attention les deux personnes immortalisées en couleur cette fois. La jeune femme, elle ne la connaissait pas mais elle la trouva très jolie. Elle regardait amoureusement l'homme assis à côté d'elle et qui riait à l'objectif. Il lui sembla n'avoir jamais eu la chance de voir son fils aussi heureux. Qui que soit cette femme, elle la remerciait d'avoir octroyé à William quelques moments de bonheur. Des larmes lui montèrent enfin aux yeux et elle renifla bruyamment pour les chasser. En parcourant les autres poches du portefeuille, elle trouva une carte qui ne l'aurais pas interpellée si elle n'avait pas été la seule. Pas de cartes de fidélité de magasins ou de restaurants, à part celle présentant le Vieux rempart, un bar du XIIème arrondissement.

Rendre ses larmes à la pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant