Chapitre 16. Et sortir d'un long sommeil

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- Gabriel ! Chris est venu te voir ! cria ma mère depuis le bas de l'escalier.

Quelques secondes plus tard, ma visiteuse entrait dans la chambre. Le sourire qu'elle avait sur les lèvres s'effaça immédiatement au profit d'une grimace d'indignation lorsque son regard croisa le mien, ensommeillé, empli de résignation. Avachi sur mon lit, le haut du corps enfoncé dans de gros édredons qui le dissimulaient à moitié, j'avais l'air d'un animal marin échoué sur une plage.

Chris posa les mains sur ses hanches dans une posture clairement moralisatrice.

- Tu peux m'expliquer ce que tu fais ?

- À ton avis ? demandai-je en levant un bras mou en direction de ma jambe attelée.

- Bien sûr, c'est ta jambe qui t'oblige à te comporter comme un mollusque... Ça fait plus d'une semaine que tu es rentré de l'hôpital et que tu restes comme ça, sans bouger. Ce n'est pas en te comportant comme ça que ta jambe va aller mieux !

Je m'enfonçai un peu plus dans les oreillers.

- Laisse-moi tranquille, Chris. J'ai le moral dans les chaussettes...

La porte s'ouvrit à la volée et Marie entra à la suite de Chris, en nous faisant tous les deux sursauter au passage.

- Gabriel !

Elle avait un ton autoritaire que ni l'un ni l'autre ne lui connaissions.

- J'en ai assez que tu passes tes journées à te morfondre dans ton lit, commença-t-elle. Chris est venue à ma demande parce que je pensais que tu accepterais de lui parler, à elle. Elle a eu la gentillesse de passer alors qu'elle a bien d'autres choses à faire que de s'occuper d'un ado déprimé qui se comporte comme un petit garçon ! Alors tu vas me faire le plaisir d'écouter ce qu'elle a à te dire !

La tirade enflammée de Marie nous prit tous deux au dépourvu. Une telle intervention était inattendue de la part de Marie. En constatant dans quel état nous avaient mises ses imprécations, ma mère parut un instant gênée,avant de se tourner à nouveau vers moi d'un air déterminé qui voulait dire : « Tu as bien compris ?! ». Ne sachant pas quoi faire, j'acquiesçai légèrement de la tête. Alors Marie se redressa, prit un air satisfait et quitta la chambre sans rien ajouter. Au bout de quelques secondes, Chris se détendit et eut un rire nerveux.

- Eh bah ! Jamais je n'aurais cru que ta mère serait capable de me foutre les jetons comme ça...

Tout en riant, elle regarda dans ma direction et me trouva tourné du côté de la fenêtre, et donc dos à elle.

- Non mais tu te fiches de moi ? s'exclama-t-elle. Ta mère a raison : tu te comportes comme un gosse !

Je décidai de l'ignorer en espérant qu'elle se lasserait. Mais, comme j'aurais dû m'y attendre, cela produisit l'effet inverse.

- Le petit Gaby boude parce qu'il ne peut pas aller jouer dehors à cause de sa jambe ? Mais il y a des choses bien plus graves que ça dans la vie, mon petit Gabriel ! Tu es en vie - c'est déjà pas si mal ! - et si tu te bouges un peu les fesses, tu t'en resserviras comme avant de ta jambe !

- Je m'en fous de ma jambe ! m'écriai-je en me redressant d'un seul coup. Elle me fait un mal de chien mais ce n'est pas ça le problème ! À cause d'elle je ne peux rien faire sans prendre un foutu fauteuil roulant ! Et je ne peux pas aller voir Blaise !

Ravie de m'avoir une fois de plus poussé à bout, Chris éclata d'un rire triomphant.

- Nous y voilà ! Enfin tu craches le morceau : évidemment que tout ça concerne Blaise. Mais ne te trompes pas, Gaby. Elle est au fond du trou et tu crois que je vais te laisser lui rajouter des inquiétudes en lui montrant dans quel état tu es. On s'était mis d'accord : elle ne doit pas savoir pour ton accident, pas maintenant ! Elle n'est pas en état de le supporter, tu entends ?

Rendre ses larmes à la pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant