Chapitre 10 : Liens de Meute

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« Luna ! On se réveille ! Qu'est-ce que je viens de dire ? me lance Flavia en tapant sur ma table.

-Gné ? » je grogne, à moitié endormie.

Où suis-je, déjà ? Pourquoi ne suis-je pas dans mon lit, chez moi ? Je tourne la tête frénétiquement pour essayer de retrouver mes repères.

Ah oui, ça me revient. Lorsque l'Alpha Suprême me disait, hier, que ses Bêtas avaient beaucoup de choses à m'apprendre pour m'accommoder à mon rôle de Luna, il ne mentait pas. Mon apprentissage a en effet commencé à sept heures du matin, lorsque Flavia a débarqué en grandes pompes dans ma chambre pour m'arracher à mon précieux et moelleux édredon. Mon gémissement de désespoir face à cette douloureuse séparation a dû retentir dans tout le chalet, mais pour le peu que j'en ai vu, Flavia n'est pas du genre à s'attendrir face aux états d'âmes des autres.

Il faut dire qu'après l'accueil luxueux de la veille au sein de la Meute Suprême, je ne m'attendais pas à un tel réveil en fanfare. A vrai dire, en tant que Luna, je m'attendais à une vie de pacha comme j'ai pu en lire dans les livres. Peuh. On voit bien qu'ils ont été écrits par des humains en plein fantasme sur les loups-garous. Dans leurs œuvres, on la voit participer à des bals, se faire cajoler par son âme-sœur et se la couler douce. Quelle fumisterie !

Dans mon cas, j'ai à peine eu le temps de grignoter quelques morceaux de viande préparés pour moi avant que Flavia ne me traîne dans une salle de classe improvisée dans un des salons du chalet.

« L'Alpha Suprême a décidé de vous former au combat. Comment allez-vous faire en situation de danger, si vous ne savez pas quelle stratégie adopter parce que vous avez dormi ? » me demande-t-elle, agacée.

J'essaye vainement de me tenir droite sur ma chaise, mais c'est sans espoir. J'ai à peine pu me reposer, cette nuit, et ce n'est certainement pas parce que j'ai passé ma soirée à tester le délicieux matelas de ma chambre.

Au contraire, j'ai passé la nuit allongée à me tourner, puis me retourner dans mon lit, à songer aux mots de Lucy et Lewis à propos de mon lien d'âme-sœur avec Ash. A vrai dire, après ces quelques paroles, j'ai refusé d'en entendre plus en prétextant être trop fatiguée pour poursuivre la conversation. Evidemment, c'était un pieu mensonge : trop de questions m'assaillaient en même temps pour que je puisse dormir. Toutes concernaient les liens que je possédais avec Ash.

Après tout, Lucy, Lewis et les autres sont des loups à part entière. Peut-être que ma nature d'hybride ralentit le processus de liaison ? Personne ne pouvait m'avancer de preuves contraires : on entend peu d'histoires d'hybrides trouvant leur moitié.

A vrai dire, jusqu'ici, je m'étais résignée au fait de ne jamais trouver mon âme-sœur. J'avais lu cette révélation dans les yeux de ma mère. Quand, à douze ans et avec la tête pleine de rêves d'amour procurés par les vieux romans trouvés chez ma grand-mère louve, je lui avais demandé quand viendrait mon âme-sœur, elle m'avait répondu : « Ma puce, tu es déjà si forte... Qui a besoin d'âme-sœur quand on est aussi tenace que toi ? »

Ces mots de consolation me semblaient déjà étranges à l'époque. Quand ma mère, qui habituellement passait sa vie à me rappeler à quel point j'étais une hybride incapable de contrer les loups qui me persécutaient, disait que j'étais « forte », c'est qu'il y avait du mensonge dans l'air. Mais avec l'âge, j'ai appris à lire entre les lignes : ma mère employait simplement des mots détournés pour me dire « Ma chérie, ta nature est tellement particulière que je doute fortement que tu aies une âme-sœur. »

Maintenant que l'Alpha Suprême me prouve le contraire, je n'ai pas envie d'entendre une nouvelle fois le fait que ma nature aberrante est sur le point de me priver d'amour.

L'héritier du Grand Méchant LoupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant