Chapitre 11 : A moi

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Est-ce qu'il existe seulement assez d'adjectifs et d'états d'esprit pour exprimer tout ce que je ressens à ce moment précis ?

C'est comme s'il existait trois Phoebe distinctes, trois moi nées au moment précis où Lewis est tombé dans ma baignoire.

Il y a la Phoebe hargneuse, celle ayant conscience que je suis nue dans ce baquet d'eau. Elle n'a qu'une envie : noyer Lewis avant qu'il ne prenne conscience de ma nudité. A défaut de pouvoir le faire, je me fais petite dans l'eau chaude afin que le liquide brûlant qui m'enveloppe m'arrive au moins jusqu'au menton.

Il y a la Phoebe terrifiée, celle qui a conscience que Lewis se trouve en la demeure de son pire ennemi. L'arrivée du fils du Grand Méchant Loup dans ma baignoire a réveillé en plus d'une gêne intense une terreur sans fin : quand je repense à la doctrine de la Meute Suprême dont le souhait le plus cher est de mettre fin aux jours de la Meute Férale, mes cheveux se dressent encore sur ma tête.

Et enfin, bien qu'elle soit moins importante que les autres, il y a la Phoebe heureuse. J'ai l'impression de devenir schizophrène. Le chef de la Meute clandestine à laquelle j'appartiens débarque dans ma baignoire, baignoire appartenant à l'Alpha Suprême cherchant à le tuer, et je trouve un moyen de me réjouir de l'arrivée de Lewis ! Je ne l'avais pas revu depuis sa crise lorsque j'ai été choisie par l'Alpha Suprême, et je suis... oui, je suis contente de le revoir.

Pendant mes réflexions sur la schizophrénie et l'attitude à adopter quant à l'arrivée de Lewis, ce dernier tourne sur lui-même, dans la baignoire. Avec ses longues dents et ses poils, on dirait un gros chien dans un état second : trempé jusqu'aux os, il ne semble pas comprendre ce qui lui arrive et tente de retrouver ses repères.

Tout à coup, il repère ma tête, seule partie émergeant de l'eau chaude de la baignoire. Avec mes cheveux trempés par les éclaboussures et ma peau rougie par la chaleur ambiante, je dois avoir l'air d'une grosse pastèque rouge flottant à la surface de l'eau. Pourtant, il se rapproche d'un air quasi animal, puis me toise longuement, l'air réjoui.

Ok, il y a un problème. Je n'ai pas côtoyé Lewis très longtemps, mais je sais bien que « réjoui » n'est pas un des premiers mots que j'emploierais pour le décrire. Il n'est pas dans son état normal.

« Phoebe ! aboie-t-il, l'air heureux.

-La ferme ! » je susurre entre mes dents, bondissant sur lui pour lui plaquer une main sur la bouche.

Je lui saute quasiment dessus, arrivant à retomber dans l'eau avec lui juste à temps pour éviter que ses yeux tombent sur certaines parties de mon corps que je préfère garder cachées. Son air ahuri me fait sortir de mes gonds : des trois Phoebe, c'est la Phoebe hargneuse qui prends le dessus.

« T'es complètement malade, ma parole ! je murmure, furieuse. Comment est-ce que tu es rentré ? Pourquoi tu es tombé dans ma baignoire ? Tu vas te faire tuer !

-Wouf. »

Une seconde. Est-ce que ce crétin congénital vient d'aboyer pendant que je l'accable de reproches ? « Wouf ! Ouaf ! » continue d'aboyer Lewis avec le même air d'imbécile heureux. Je grimace. Non seulement il est bruyant, mais en plus, le Lewis que je connais n'aurais jamais accepté de m'adresser un sourire pareil. Aux grands maux, les grands remèdes...

« Je suis désolée, Lewis ! » je m'excuse.

Je lui colle une gifle monumentale, et manque de m'arracher la main au passage. Je pousse un petit cri plaintif. Soit j'ai réellement une force d'allumette, soit Lewis a une mâchoire digne d'Iron Man. Cela dit, cela semble avoir réveillé ce chien fou, qui se touche vaguement la joue avec l'air de quelqu'un venant de sortir tout droit du sommeil. Je profite de sa torpeur pour bondir hors de la baignoire et me vêtir d'un peignoir.

L'héritier du Grand Méchant LoupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant