J'ai mal à la tête. Cette chute sur le sol gelé de la crevasse m'a vraiment donné un sale coup. Si ça se trouve, je suis en train de mourir, et d'être déchiquetée par les loups que j'ai vu au fond de notre refuge, à moi et Lewis.
Est-ce qu'il est vivant ? Si les personnes au fond de la caverne n'étaient pas amicales, j'en doute. C'est bête, je songe. Je commençais à peine à le connaître. Finalement, on n'était pas si différents l'un de l'autre ; je provoquais les loups en dépit de tout bon sens, et lui concevait des plans stupidement dangereux. On aimait bien protéger les autres, mais on n'aimait pas trop réfléchir aux moyens d'y arriver.
J'aurais bien aimé voir Kaleb et les autres, également. Heureusement que mon meilleur ami a trouvé la Meute Férale. Je rate à peu près tout ce que j'entreprends, mais j'ai bien réussi mon coup, pour une fois. Lui trouver une Meute et le défendre des loups le persécutant me faisaient oublier que j'aurais aimé avoir une communauté et une âme-sœur moi aussi, sans réellement pouvoir obtenir ce que je souhaite.
Cela dit, c'est quand même étrange. Si je suis en train de mourir, pourquoi est-ce que j'ai le temps de penser à tout cela ?
« ...Elle regagne conscience ! Vas-y, Ian. Tente une nouvelle injection. Et vas-y doucement, cette fois ! sermonne une voix familière à la tonalité sage.
-Est-ce que c'est de ma faute si cette fille a des veines totalement introuvables ? rétorque une voix bourrue.
-Evite juste de lui charcuter le creux du coude comme pour la première piqûre ! »
Cette voix... Non seulement je la connais, mais en plus, elle vient d'évoquer une piqûre. Qui dit piqûre dit aiguille. Et chez moi, qui dit aiguille, dit aussi terreur intense. L'évocation de cet ignoble concept me fait l'effet d'une décharge électrique et j'ouvre les yeux brutalement, encore un peu patraque à cause de ma chute.
« Une piqûre ? je hurle. Jamais ! Bas les pattes ! »
Je gigote comme beau diable sans rien y voir, mes yeux peinant à s'adapter à l'obscurité ambiante. Je me débats dans le vide pendant une éternité, jusqu'à ce que la voix bourrue m'interrompe :
« Kaleb, je la laisse encore s'agiter toute seule alors que je ne l'ai pas encore touchée ou je l'assomme pour la deuxième injection ?
-Phoebe ! »
Deux petits bras se serrent autour de mes épaules et je cesse de me débattre. Je reconnaîtrais cette étreinte entre mille, même si j'ai un peu de mal à réaliser qu'il s'agit bien de cette personne. Le hasard fait bien les choses.
« Kaleb ? je fais, hésitante.
-Tu m'as fait une de ces peurs ! gémit-il. A un moment, tu ne respirais plus ! Heureusement, Cara avait encore quelques remèdes pour loup-garou... Cela dit, j'avais peur que tu ne les tolères pas à cause de la partie humaine de ton corps, et...
-Hé ! Est-ce que tu pourrais reprendre depuis le début ? Je ne comprends absolument rien... Où est-ce qu'on est ? Où sont les autres ? » je bafouille, confuse.
Je regarde autour de moi, perdue comme jamais. Je suis dans l'habitacle d'un véhicule en très mauvais état : ses rideaux un peu vieillots servent à boucher des fenêtres brisées, la porte côté conducteur est complètement enfoncée, sans oublier le plafond qui lui aussi est bouché avec un t-shirt pour éviter que le froid extérieur ne pénètre par le trou qui a été percé dans sa paroi.
En tournant la tête, je sursaute en voyant Lucy, le bras en écharpe. Le levier de frein à main a été arraché pour lui servir d'attelle. Elle a l'air complètement abattue, et ne m'adresse même pas un regard.
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L'héritier du Grand Méchant Loup
Werewolf"On va tuer l'Alpha Suprême." Quelques mots, un grand plan. Aussi simple que ça, et pourtant, ces paroles de la part du loup-garou le plus recherché de la Terre vont bouleverser ma vie. Comment résumer ma situation ? En deux mots : un bazar sans nom...