Chapitre 13 : La fille de Notre-Dame

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Carmen repassa à l'appartement de Julien avant le dîner qu'il lui avait proposé. Elle avait fait l'effort d'acheter une nouvelle robe et des talons avant de se rendre au restaurant. Toutes ces robes qu'elle avait portées auparavant... chacune était un souvenir, chacune rappelait Philippe. Il suffisait qu'elle en effleure le tissu pour qu'un lieu, une conversation, un geste lui revienne en tête. Elle n'avait jamais porté de robe en présence de Julien. Ils n'étaient jamais allés au restaurant tous les deux. Ils n'étaient, à vrai dire, jamais sortis de chez le jeune homme. Julien lui avait proposé plusieurs fois d'aller au cinéma, de se promener dans un parc, de prendre un café... Mais Carmen avait toujours refusé. Elle n'aurait pas supporté de croiser le regard de Philippe.

« -Tu es prête, ma belle ? »

La voix de Julien résonna derrière la porte de la salle de bain dans laquelle Carmen s'était enfermée. Elle venait à peine d'enfiler la robe noire et commençait tout juste à se maquiller.

« -Pas encore, chéri, répliqua-t-elle. »

Elle s'activa et traça rapidement quelques traits d'eye-liner sur ses paupières. Elle ajusta ses extensions de cil et sortit un rouge à lèvre couleur chair et discret. Elle avait pris soin de se maquiller d'une manière... différente. Elle était différente maintenant.

La Carmen de Philippe ne pouvait pas être la Carmen de Julien. Chaque geste qu'elle allait reproduire, chaque vêtement qu'elle allait porter lui rappellerait Philippe. Elle avait tellement vécu à travers lui... trop vécu à travers lui. Etait-ce cet étouffement qui l'avait tué ?

Elle noua ses longs cheveux noirs en une queue de cheval rapide et désinvolte. Les boucles noires tombaient sur son dos jusqu'au creux de sa taille. Elle se dit qu'il serait peut-être judicieux de les couper. Pour tout recommencer.

« -Ma belle ? toqua Julien. Il faut y aller. On va être en retard. »

Carmen ouvrit la porte de la salle de bain. La tenue de Julien était plus sobre. Il avait simplement revêtu une chemise noire et un jean de la même couleur. L'obscurité qui émanait de ses vêtements renforçait l'éclat perçant de ses yeux verts. Il était vraiment beau. Elle passa une main dans ses cheveux pour mettre de l'ordre dans les boucles rebelles du jeune homme.

« -Tu es superbe, souffla-t-il.

-Toi de même, murmura-t-elle. Mes chaussures sont dans la chambre. Je les mets et on y va.

-Je t'attends dans l'entrée. »

Julien s'éloigna. Carmen le suivit du regard. Il était si jeune. Parfois, elle culpabilisait de l'avoir séduit. Il aurait pu avoir une vie si paisible, une vie calme, une vie normale, avec une petite amie de son âge, où ils étudieraient ensemble à la bibliothèque universitaire après les cours, où ils prendraient des cafés au Starbuck, où il l'inviterait à dîner le soir après les cours et où ils dormiraient ensemble, dans les bras de l'autre. Il lui offrirait des bijoux, elle dormirait dans son sweat shirt... Elle chassa ces pensées de sa tête. Julien était avec elle parce qu'il l'aimait.

Elle enfila des talons de quelques centimètres, prit un manteau noir et rejoint Julien qui envoyait quelques textos sur son canapé. Quand il l'aperçut, son regard s'illumina soudainement.

« -Tu es une perle.

-Et toi donc, dit-elle en souriant. Je me demande où tu peux bien m'emmener, jeune enfant.

-Je suis grand maintenant. J'ai bientôt vingt-deux ans, dit Julien en gonflant la poitrine, comme s'il s'en vantait. »

Carmen eut un petit rire.

Dix TatouagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant