Chapitre 18 : Confrontation

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« -Je vous ai fait peur, Madame la commissaire-adjointe ? Vous m'en voyez navré, railla un homme qui avait dépassé la cinquantaine depuis un certain temps et dont le ventre était plus volumineux que les coussins du sofa de Julien.

-Cette manie que vous avez d'arriver sans faire de bruit, grommela Sabine qui reprenait ses esprits. Vous voulez entrer ?

-Non, je vous remercie. Je n'en ai pas pour longtemps. »

Le commissaire Bouvardet balaya l'endroit de ses petits yeux noirs. Carmen trouvait qu'il ressemblait à la fois à un cochon et à un corbeau. Ses petits yeux porcins semblaient analyser comme des infrarouges chaque millimètre carré. Quand ils se posèrent sur Carmen, elle eut l'impression qu'il lisait en elle comme dans un livre ouvert. Instinctivement, elle se força à faire le vide dans son esprit, et à ne surtout pas penser au cambriolage qu'elle avait commis dans son appartement quelques jours auparavant. Elle eut l'impression que Sabine tentait de faire la même chose. Manifestement, le commissaire procurait une forme de crainte mêlée de mépris pour quiconque le rencontrait.

Car Carmen n'oubliait pas le fait qu'elle avait face à elle son ennemi principal, celui qui avait ordonné la fermeture de l'enquête de Philippe et qui avait enterré les affaires Andreani et Martinez. Ce commissaire miteux qui gérait les affaires de S. comme un petit business et qui s'en mettait plein les poches. Lui n'avait pas le sens de la justice, c'était certain. Il avait accepté ce poste pour s'enrichir, pas pour servir les autres.

Carmen avait un profond mépris pour ses collègues qui ne voulaient pas servir une cause qu'elle considérait comme noble. Le piston, les arrangements, la corruption, c'est ce qu'elle haïssait par-dessus tout. Elle avait longtemps idéalisé le droit, les tribunaux. Elle pensait défendre des innocents accusés à tort, refuser la tête haute des cas bien payés mais contre ses principes, coincer des corrompus. Au lieu de cela, elle avait dû se confronter à des histoires peu passionnantes et s'était retrouvée à défendre des personnes dont elle était persuadée de la culpabilité.

Le commissaire Bouvardet faisait clairement partie des personnes qu'elle désirait voir croupir en prison pour le restant de ses jours. Elle savait que ce sentiment était entièrement subjectif, mais elle ne pouvait s'empêcher de le haïr. Lui enfoncer ses ongles dans les joues était ce dont elle était prête à mourir pour.

« -Que voulez-vous, commissaire Bouvardet ? demanda Sabine d'un ton neutre. Carmen admira son calme et sa maîtrise face à un homme qu'elle ne devait pas porter dans son cœur.

-Oh, je viens juste aux nouvelles, Sabine, sourit-il, sans cesser de dévisager Carmen, ce qui la mit rapidement très mal à l'aise. L'interrogatoire s'est bien déroulé ?

-Ou... Oui, dit Sabine en tentant d'être crédible. Il... Il semblerait que les versions des trois témoins concordent... Il faudrait une enquête plus détaillée pour arriver à une conclusion solide.

-Voyons, Sabine, dit le commissaire Bouvardet en lui tapotant l'épaule avec une fausse bienveillance. Regardez-vous. Vous êtes exténuée. Vous devriez prendre quelques jours de repos. Je vous mets des congés payés, si vous voulez.

-Je vous remercie de vous soucier de ma santé, commissaire, mais je me porte à merveille. Je voulais juste vous signaler qu'il ne me semble pas judicieux de fermer le cas Deshayes car nous n'avons même pas soulever la première difficulté.

-Je regrette, mais nous n'avons pas de temps pour ça, dit le commissaire en secouant sa tête de droite à gauche. Bouclez donc l'affaire Voltaire. Vous ne serez pas performante si vous vous occupez de deux cas en même temps.

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