Chapitre 35 : Donne-moi ce nom

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Une nouvelle fois, Carmen ne fut pas étonnée par cette révélation. Le lieu du rendez-vous n'était pas anodin. Il était rempli de symboles. Si la jeune fille aux cheveux gris avait réussi à échapper aux ravisseurs, cette maison devait la faire frissonner. Carmen l'admirait. Elle était son ennemie, mais elle ne la détestait pas. C'était incroyable, elle parlait de choses si graves un ton si ferme, si assuré, si léger. Elle était le contraste en lui-même.

« -L'association de prostitution a été fondée par Mathilda et Siméon Julliard qui voulaient écouler le stock de bijoux qu'ils avaient volés à mon père il y a quarante ans. En réalité, il aurait été bien plus simple pour les Julliard de monter un trafic de bijoux clandestin, sans y ajouter un réseau sordide qui compliquait terriblement l'affaire. Mais quelques difficultés s'ouvraient à eux. Ils savaient que les Solis n'avaient pas disparu. Le mari était vivant, le fils également. Mais ils ne parvenaient pas à les retrouver. Un soir, j'étais alcoolisée dans un bar, comme souvent. Je pensais être uniquement en compagnie de mes amis, mais je n'avais pas remarqué le couple qui se trouvait juste derrière moi. Plus tard, j'ai fini par faire le rapprochement. Le trafic a été créé à cause de moi. Les autres filles ont été enlevées pour m'effrayer, pour que j'ai peur, pour que je comprenne que c'était pour moi qu'ils étaient là, et pour personne d'autre. Ils voulaient m'enlever pour mieux m'humilier, et me contrôler. Me réduire au silence, voire me tuer. Mais ils n'ont jamais réussi à m'attraper.

-Comment as-tu fait pour leur échapper ? demanda Carmen, qui ne perdait pas une miette de ce que lui racontait la jeune fille.

-Je connais du monde à S. En trois ans, j'étais devenue amie avec tous les dealers et toutes les prostituées de la ville. Quand j'ai eu besoin d'aide, ils ont répondu présent. Ils m'ont offert une planque, un endroit où personne ne pourrait me trouver. Et ils ne m'ont pas trouvé. En revanche, ils ont détruit la vie de onze filles innocentes, que j'avais malgré moi entrainé dans ma chute. Alors, quand on m'a proposé de me venger, j'ai accepté. Le tueur... Le tueur m'a dit que, dans sa liste de victimes, il y avait des gens qui pouvaient m'intéresser. Annette Jeannet, qui était responsable de l'arrestation de mon père. Les Andreani, qui étaient les premiers clients du réseau. Henri Jugson, qui avait revendu les bijoux du cambriolage qui avait tué la mère de Philippe.

-Tu connais l'identité du tueur ? dit Carmen en lui attrapant fébrilement le bras.

-Oui, je la connais. Mais je ne te dirai rien, Carmen. Tu n'as pas encore compris que je ne parlerai pas ?

-Tu t'es déjà beaucoup confiée, dit doucement la jeune femme pour ne pas brusquer Lynn. Pourquoi t'arrêterais-tu maintenant ?

-Parce que tu es là, Carmen. Tu sais quoi ? J'étais prête à tout dire à Mercure. C'est pour ça que je lui ai donné rendez-vous. Je voulais tout lui dire et disparaître. Parce que cette histoire est allée trop loin. Je voulais me venger, certes, mais je n'étais pas prête à tuer des gens pour y parvenir.

-Mais tu ne les as pas tués, Lynn ! Tu n'es pas coupable.

-Mais je suis complice, Carmen. Tu es avocate, tu sais mieux que moi ce que je risque.

-Qu'est-ce que tu as fait exactement ?

-Tu le sais déjà. Cette personne... cette personne m'a donné une liste de noms que je devais convoquer à S. au plus vite. J'ai usé de stratagèmes pour les attirer jusqu'à moi, mais je suis parvenue à les réunir dans cette bibliothèque où je ne suis jamais venue. Ensuite, mon objectif était d'entrer en contact avec toi pour établir un lien de confiance. Le soir où tu es sortie du commissariat après ta garde à vue, je t'ai suivie. Je restais régulièrement devant ton immeuble, à faire le guet. Quelques jours plus tard, tu t'es enfin décidé à faire une petite balade nocturne. Je t'ai donc suivie à distance, puis j'ai vu Jérôme t'interpeller. J'ai décidé que c'était le bon moment pour intervenir. Enfin, le jour de l'exposition de Léna, j'avais pour mission de te retenir le plus longtemps possible chez elle pour que le journal puisse être avancé.

Dix TatouagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant