Chapitre 19 : Braver les interdits

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En pénétrant dans l'appartement, Carmen trouva Julien assis sur le canapé, un roman dans les mains. Elle décida de l'ignorer et se dirigea dans la cuisine pour se servir d'un verre d'eau. Mais elle sentait sur son dos les coups d'œil incessants que lui jetait le jeune homme. Elle ignorait si c'était de la culpabilité ou simplement de l'agacement, et ne souhaitait pas en savoir davantage. Julien l'avait fortement énervée.

Elle s'enferma dans la chambre sans dire un mot et sortit son téléphone. Elle constata avec surprise qu'elle avait reçu un mail de Max.

De Max à Carmen Saint-Roméo

Alors ? Bonne journée ?

Carmen réprima un ricanement sarcastique. Max ignorait probablement qu'il était mal tombé, et la situation en devenait presque comique. Elle décida d'enfoncer le clou :

De Carmen Saint-Roméo à Max

Comment dire... C'était l'enterrement de mon mari cet après-midi, tout s'est bien déroulé jusqu'à ce qu'une femme à demi-morte se traîne jusqu'à nous et expire sur nos pieds. Sinon, je me porte à merveille, et toi ?

La réponse de Max ne se fit pas attendre.

De Max à Carmen Saint-Roméo

Woh... Je suis désolé. Je me rends compte à quel point mon premier message était maladroit. Mais j'ignorais que... Laisse tomber. Je n'ai pas envie de m'enfoncer. Je voulais juste parler un peu. Je m'ennuie, là où je suis. Le temps se fait long.

Carmen excusa automatiquement Max et répondit :

De Carmen Saint-Roméo à Max

Tu te caches toujours ?

De Max à Carmen Saint-Roméo

Oui. Je sors peu de chez moi. Mais j'ai moins peur qu'avant. Je t'avoue que les premières nuits ont été pénibles. J'avais peur de sortir, je restais tapi dans l'ombre, je mangeais peu. Je n'osais même pas aller aux toilettes. Maintenant, ça va mieux. Je sors même pour faire des courses. Je pense que je ne suis pas suivi, et que l'assassin de ton mari, s'il m'avait vu, m'aurait probablement déjà tué. Je pense que je suis un peu paranoïaque, mais on n'est jamais trop prudent.

Et toi ? Du nouveau sur le meurtre de Philippe ?

De Carmen Saint-Roméo à Max

C'est un peu long à expliquer. Manifestement, le meurtre de Philippe est lié à d'autres assassinats qu'il aurait découvert et reporté dans un carnet. Ces meurtres colleraient avec la comptine que tu as reçue. En fait, le meurtrier s'amuse à reproduire le schéma mis en place par le juge Wargrave dans les Dix Petits Nègres, d'où la comptine. C'est tout ce qu'on a pour le moment. La plus grosse lacune dans notre raisonnement, c'est l'absence de mobile. On n'arrive pas à connecter les morts entre eux. Outre le fait qu'ils aient tous vu leurs meurtres maquillés en suicide par la police, ils n'ont aucun point commun. Ça nous complique la tâche.

Je pense que tu ne crains rien. Tu devrais sortir un peu plus. Ça t'aérerait l'esprit. D'ailleurs, à ce propos, ça fait quelques temps que je pense à ça mais je n'ai encore pas osé t'en parler. Il y a un moment où je commence généralement à en avoir marre de parler. Tu restes un immense mystère pour moi et je pense qu'il est temps que nous dépassions la barrière de l'écran et que nous nous rencontrions enfin. Qu'en penses-tu ? Je pourrais enfin vérifier si tu as vraiment les yeux noisette comme tu le prétends 😉

Carmen trouva la tournure de ses dernières phrases extrêmement maladroites. Mais cette demande était également un test pour voir si Max était vraiment celui qu'il prétendait être. Voir s'il hésitait à répondre, s'il trouvait des excuses pour ne pas la voir. Elle n'avait pas voulu se l'avouer au commissariat, mais elle ne faisait pas cette démarche uniquement pour plaire à Sabine Meyer. Elle mourrait d'envie de rencontrer Max. De lui parler, d'entendre sa voix, de prendre ses mains, de le serrer dans ses bras. Pour le remercier pour ce qu'il avait fait, et pour autre chose aussi. Pour voir ce que ça faisait. Pour revivre ça. Braver les interdits.

Dix TatouagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant