Chapitre 33 : Comment se préparer pour un rendez-vous

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Carmen s'était endormie juste après être rentrée du commissariat en compagnie de Julien. Ce dernier n'avait rien dit et l'avait bordé. Tandis qu'elle s'endormait, elle entendit quelques sanglots qu'il essayait de dissimuler.

Le lendemain, elle avait la sensation que toute forme de détermination s'était envolée de son corps. Elle n'était qu'une épave échouée dans son lit, sans ressources et sans volonté. Même fumer ne lui donnait pas envie. Julien se démenait pour la faire lever du lit.

« -Il faut que nous lisions les dossiers de Sabine, ma belle, dit-il doucement. C'est le seul moyen d'avancer.

-Je n'ai pas envie, dit-elle d'un ton morne.

-Je peux le faire à ta place, mais il faudra que tu t'y plonges également.

-Je n'ai pas envie, répéta-t-elle. »

Au fond d'elle-même, elle souhaitait que la Carmen au revolver réapparaisse pour lui tenir le même discours qu'elle avait brillamment déclamé devant un commissaire Bouvardet abasourdi. Pour motiver sa pâle copie enfoncée dans des draps moelleux et bien décidée à ne pas en sortir.

Julien lui apporta un café qu'elle but en fumant une cigarette. Ce remède, censé la réveiller, lui fit l'effet d'un somnifère et elle dormit pendant trois heures, incapable d'ouvrir l'œil malgré les tentatives de Julien pour la secouer.

Quand elle émergea, sa motivation était retombée dans ses chaussettes. Elle se rendit compte qu'elle avait faim. Julien lui prépara un sandwich. Elle l'engloutit en deux minutes, puis décida de regarder un film sur son téléphone. Mais, au bout de vingt minutes, elle s'en désintéressa pour de bon. Toute forme de loisir, tout ce qu'elle aimait habituellement, ce qui la réconfortait quand elle allait mal, les livres, les films, le sport, toutes ces activités lui donnaient maintenant la nausée. Elle n'avait plus envie de rien.

La mort de Sabine avait marqué un coup définitif à son désespoir. Personne n'était à l'abri. Les tatoués pouvaient être n'importe qui. Peut-être était-elle sur la liste, Julien l'était surement d'après Sabine, il pouvait s'agir de Léna, de Mercure ou encore de Théodore. Même la mort de ce dernier serait un coup dur pour elle.

Elle savait qu'elle ne pouvait pas gagner. Il avait prévu son plan au millimètre près. Il n'y avait aucune faille dans laquelle elle pouvait s'engouffrer. Il n'avait fait aucune erreur. Tout avait été prévu bien à l'avance, et elle n'avait aucune chance de s'en sortir. Pourquoi se battre, dans ces conditions, pourquoi se diriger vers une mort certaine, comme Sabine ? Elle n'était plus sûre de rien.

Vers le milieu de l'après-midi, Julien s'assit brutalement sur le coin du lit. Elle sursauta, car elle était en train de somnoler. Il avait entre les mains la pochette marronne qu'elle avait trouvée dans le bureau de Sabine et le carnet rouge de Philippe. Il l'observait d'un air consterné.

« -On a du boulot. J'ai trouvé des trucs intéressants là-dedans. Et notre mystérieux assassin a de nouveau gribouillé quelques pages obscures dans le manuscrit.

-C'est inutile, Julien. Bouvardet et Mercure ont raison, après tout, pourquoi se battre comme ça ? On a perdu, de toute manière. Depuis le début, c'est un combat perdu d'avance.

-On aura perdu quand on sera allé au bout, dit Julien en s'asseyant sur le lit. Pas si on abandonne en cours de route. Tu vois ces marques sur mon visage ? Tu penses que je me suis laissé fracasser pour que tu baisses les bras devant le moindre obstacle ? On est tout près du but. Tu as ce rendez-vous avec Mercure, tu vas y aller et on aura enfin des réponses concrètes. Et si tu ne te motives pas pour sortir de ce lit, j'irai à ta place. »

Dix TatouagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant