Chapitre 31 : On ne voit pas la lune

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Quand elle rentra chez Julien, ce fut un retour assez brutal à la réalité. Le visage tuméfié de son amant, son corps étendu sur le canapé, dans une pièce encore peu rangée, avec les déboires de l'autre nuit, les traces de la bagarre. Un sentiment de culpabilité l'envahit. Alors qu'elle prenait du plaisir avec Max, l'homme qu'elle aimait souffrait et ressassait des chimères peut-être pas si chimériques dans son cerveau blessé.

Il lui sourit faiblement quand elle entra dans la pièce. Il était heureux de voir qu'elle allait bien.

« -Il est comment ?

-Grand. Barbu. La quarantaine, peut-être moins, c'est dur de lui donner un âge précis, dit Carmen en s'asseyant sur le canapé aux côtés de son amoureux.

-Et son caractère ?

-Comme les mails. Le mail, pardon. Carmen oubliait que Julien n'était pas au courant de ses échanges tumultueux avec Max.

-Innocent ?

-Il ne sait pas mentir. Il est prévisible. »

Elle hésita quelques secondes, puis décida de lui raconter l'épisode de L'Ange déchu et la filature avec Sabine, ainsi que les révélations à propos de la famille Saint-Roméo. Julien en resta bouche bée.

« -Ca s'arrêtera quand, ces histoires ? Je commence à avoir ma claque des rebondissements à tout bout de champ. Il est gonflé, Philippe, il aurait pu laisser une lettre, quelque chose de plus consistant qu'un carnet à moitié vide !

-Surveille ton langage, jeune homme, c'est de mon mari que tu parles.

-Ton mari qui ment comme il respire... grommela Julien. Enfin, bref, j'imagine que tu as eu ta dose d'enquête pour aujourd'hui... »

Il s'assit sur le canapé en passant sa main dans ses cheveux bouclés et changea de sujet.

« -Au fait, Léna a appelé, dit Julien. Elle n'arrivait pas à te joindre, je lui ai dit que tu étais avec Max.

-Qu'est-ce qu'elle voulait ?

-Elle organise un petit dîner chez elle ce soir, avec Théodore et le peintre que tu as rencontré lors du vernissage.

-Mercure ? Carmen se leva et fit les cent pas. Tu es sûr qu'il sera là.

-Il sera là, et je sais à quoi tu penses. Je pense qu'il vaut mieux suivre les conseils de Léna. Ne lui parle pas de son frère.

-Je suis persuadée qu'il n'est pas là par hasard, s'entêta Carmen. Léna est connue dans la région, certes, mais s'il vivait au même endroit que son frère, alors c'est à l'autre bout de la France. L'occasion de venir sans éveiller les soupçons est arrivée, il a saisi sa chance. Il sait peut-être des choses qui peuvent nous aider.

-Et s'il ne sait rien ? Tu ne peux pas lui annoncer des mauvaises nouvelles en plein dîner mondain.

-On verra bien comment ça se goupille. »

Mais Carmen avait pris sa décision. Elle s'arrangerait pour se retrouver seule avec Mercure et lui en toucher deux mots. Elle voulait mettre en commun les informations qu'elle avait avec celle du jeune homme.

Carmen se prépara pour le dîner. Elle enfila un pantalon noir et un pull blanc simple. Julien mit une chemise et un jean. Ils commandèrent un taxi. Comme habituellement à S. lors d'un mois de novembre, il pleuvait des cordes.

Carmen appréhendait ce dîner. Elle n'était pas heureuse de retrouver Théodore, et elle allait devoir travailler Mercure sans que Julien ou Léna ne s'en rendent compte. Il fallait être prudente.

Dix TatouagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant