Chapitre 23 : Mercure

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Le dénommé Mercure entra dans la pièce sous les applaudissements effrénés des convives. Carmen s'y joint tant bien que mal. Elle était entourée d'amateurs initiés et confirmés tandis qu'elle n'avait que quelques notions rapides de peinture même si elle prenait beaucoup de plaisir à visiter des musées. Mais elle fit semblant pour se fondre dans le moule.

Mercure avait un style vestimentaire atypique. Sa chemise sans manches était bleue et il portait un nœud papillon indigo. Son pantalon avait la même couleur que ce dernier tandis que ses chaussures étaient assorties à sa chemise. Ses cheveux blonds n'étaient pas coiffés et se composaient d'épis platines qui lui donnaient un air d'adolescent étourdi. Il avait de grandes lunettes qui envahissaient la moitié de son visage. Il salua la petite foule d'une modeste révérence. Carmen remarqua que ses yeux gris avaient des reflets cyan à cause de ses vêtements.

Léna lui donna la bise que Mercure lui rendit avec enthousiasme. Puis elle poursuivit son discours, toujours armée de son sourire enjouée.

« -Mercure est, vous vous en doutez, un pseudonyme. Mais quoi de plus charmant que le nom d'un Dieu romain, d'une planète brulante, la plus proche du plus grand des astres, le Soleil ? Brûlante comme les œuvres de notre plus prestigieux invité. Voyez-vous, Mercure, c'est le messager des dieux, la passerelle entre le terrestre et le divin, entre nous, communs des mortels, et les dieux, supérieurs par leur sagesse, leur beauté, leurs pouvoirs. Ce soir, Mercure nous fait l'honneur de remplir son rôle d'intermédiaire : il nous offre ses œuvres dignes d'un dieu, tout droit descendues de l'Olympe ! »

Nouveaux applaudissements, et nouvelle révérence de Mercure. Carmen dut reconnaître que les talents d'oratrice de Léna étaient particulièrement convaincants. Elle était fascinée par la personne qui se trouvait devant elle. Mercure dégageait un charme envoûtant. Quand il sourit, Carmen fit un effort sur elle-même pour ne pas sourire en retour.

Les yeux du messager des dieux balayèrent rapidement la foule tandis que Léna poursuivait son discours avec une présentation rapide de l'œuvre de l'artiste. Mercure semblait scruter chaque invité un par un, comme s'il voulait deviner les secrets les mieux cachés dans leur cœur. Quand ses yeux aux reflets cyan croisèrent les yeux noisette de Carmen, ce fut comme une fusion immédiate : Mercure sourit légèrement, comme s'il savait maintenant tout sur l'existence de la jeune femme. Cette dernière regarda ailleurs, agacée par ce jeu de regards qui la perturbait. Elle se resservit une coupe de champagne.

« -Maintenant, Mesdames et Messieurs, je vous le laisse : parlez d'art, d'amour, de la pluie et du beau temps avec lui si ça vous chante, mais profitez-en ! Quand la soirée sera terminée, je le récupère et il n'y aura plus moyen de lui reparler ! »

L'assemblée était prévenue, et Mercure n'était bientôt plus visible que par ses mèches rebelles qui dominaient tous les groupes de personnes qui l'assaillaient soudainement. Léna, quant à elle, avait rejoint rapidement sa meilleure amie, seule personne qui, avec Théodore, comptait réellement pour elle.

« -Alors ? Qu'en dis-tu ? Je le trouve divin, sans mauvais jeu de mots.

-Je dois lui reconnaître un certain charisme. Il ne passe pas inaperçu.

-Tu es bien sévère. Il est extraordinaire. Je lui achèterais son entière collection si je pouvais.

-En tout cas, ton discours était très bien. Très entraînant.

-Tu trouves ? s'exclama Léna d'un air radieux. Oh, Carmen, je suis si contente d'être ton amie ! »

La jeune fille fondit dans les bras de Carmen qui sourit devant cet élan spontané de tendresse. Léna perdait dix ans quand elle avait de l'alcool dans le sang. Oui, elle aussi avait de la chance. Léna était merveilleuse, merveilleusement attachante. Julien pouvait être médisant tant qu'il voulait, il n'avait pas réussi à percevoir la perle de douceur qui résidait dans le cœur de sa meilleure amie. Ce qui faisait mal à Carmen, c'était que son imbécile de frère, lui, y était parvenu.

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