« Madeleine ! »
Je sursautai. J'étais de retour dans le van de Racine, où Blaise Pascal me fixait, l'air contrit. Soudain, je me rappelai avoir laissé mes alliés en plein milieu du premier étage, et m'écriai :
« Combien de temps s'est-il écoulé depuis que j'ai perdu connaissance ? Vous avez sauvé Molière ?
- Environ vingt-trois secondes, et pas encore.
- Alors il n'y a pas de temps à perdre ! Il faut que je retourne à MotorHeaven pour...
- Calmos ! tempéra le philosophe. Tu es toujours inconsciente. »
Je clignai frénétiquement des yeux, de sorte que mon interlocuteur saisisse mon inquiétude.
« J'ai ramené ton esprit face à moi, continua Blaise ; ton corps est toujours dans le magasin. Ton imprudence nous coûte beaucoup, et nous espérons que ton coma ne sera pas de trop longue durée.
- Mais que puis-je faire pendant tout ce temps ? Je veux me battre !
- J'entends bien. Comprends-tu, mon don de voyance ne me permet pas de surveiller tout le champ de bataille en même temps. C'est pourquoi je vais t'initier à la Pensée. Tu épieras les combats de nos alliés et les conseilleras stratégiquement. »
Je n'eus le temps de m'enquérir des contre-indications d'une telle pratique qu'un terrible mal de crâne m'assaillit. Mon cerveau cria à l'agonie jusqu'à ce que ma conscience me parût se scinder en morceaux. L'œil curieux, je m'affalai contre la banquette du van, étalée de tout mon long. Face à moi, quatre images dansaient, quatre bandes-son défilaient. Pascal rit d'aise, tandis que je sombrais dans mes multiples vies.
Le Grand Méchant Loup
L'une de moi apparut en plein milieu de la cour intérieure de MotorHeaven souillée d'encre, juste en face de Charles Perrault. Le conteur, immobile, jaugeait le fier Sganarelle, qui bandait ses puissants muscles. Le célèbre valet avait fait ressortir ses six griffes de serval, prêt à bondir à tout moment. Je laissai s'échapper quelques mots d'appréhension.
« C'est pas le moment, Madeleine, grogna Perrault. »
Il pouvait donc m'entendre... c'est ainsi que la télépathie pascalienne s'effectuait ! En un éclair, les deux adversaires furent au corps à corps. Aussi agile l'un que l'autre, chacun esquivait les coups meurtriers de l'opposant de façon quasi-miraculeuse. Je frémis : un seul coup de griffes pourrait éventrer Charles... mais ce dernier disposait de bien plus de ressources. En effet, une fois qu'il eut évalué la force de son ennemi, le conteur recula d'un pas, et, avant que l'autre pût se jeter sur lui, des mots fusèrent. Aussitôt, les pieds aériens de l'écrivain se chaussèrent de sabots de fer chauffé à blanc. J'entendais la peau du malheureux crisser, bien que ce dernier n'en fît pas cas.
D'un leste coup de pied ferré, il déboîta la mâchoire du personnage, transperçant sa joue au passage.
La plaie ainsi cautérisée prendrait plus de temps à se régénérer. Perrault renchérit derechef en invoquant sa barbe bleue, accompagnée d'un collier serti d'une série de sept clés rougies de sang.
Conscient du danger, Sganarelle fit pousser quatre autres bras sur ses flancs, chacun équipé d'autant de cotes-griffes. Erreur fatale ! Se changer ainsi l'avait déconcentré suffisamment longtemps pour que Charles organise son plan d'attaque. Aussitôt, il projeta son poing en avant, si fort qu'une bourrasque monstrueuse décapa la terre jusqu'à frapper de plein fouet le personnage sans défense.
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MOLIÈRE BIKER : le soldat des mots
UmorismoL'histoire de Molière. Sauf que c'est un biker. Accompagné de l'ingénue Madeleine, le célèbre dramaturge super-héroïque parcourt les routes en cassant les crânes de ses personnages emblématiques mutinés contre sa suprématie. Violence, littérature...