Le retour de l'Oubliée (ELT tome I)

6 - Le traître

Chapitre 6

Le traître

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Adaeze marchait lentement à travers le camp, évitant avec aisance les enfants qui se précipitaient entre ses jambes, perdue dans ses pensées. Elle s'arrêta quelques instants pour les regarder, ces jeunes elfes aux corps maigres et noueux et aux visages émaciés qui regardaient autour d'eux avec une profonde méfiance teintée d'émerveillement. Elle pouvait comprendre leur suspicion et leur joie, après tout c'était un nouveau monde qui s'offrait à eux.

Un monde empli de lumière, loin des ombres menaçantes des hauts arbres et des créatures rodant dans la nuit. Un monde où ils seraient en mesure de trouver leur place. Un monde qui avait tant à leur offrir, s'ils leur en laissaient la chance.

Un monde qu'elle avait abandonné.

Un monde qu'elle avait laissé plonger dans la corruption et la terreur. Un monde dont elle avait trahi les habitants et bafoué les espoirs. Un monde qu'elle ne méritait plus, pas plus qu'il ne la méritait, elle. Un monde qui la regarderait avec peur et colère et lui donnerait envie de se cacher, de disparaître, tant sa honte et ses regrets étaient immenses.

Elle ne méritait pas d'y retourner, peu importe ce que disait sa compagne, et elle savait qu'elle avait raison de s'inquiéter. Rien ne se déroulait jamais comme prévu.

Après tout, Adaeze n'avait jamais prévu d'être l'héritière d'un royaume ou de perdre son père des mains d'un de ses conseillers, pas plus qu'elle n'avait vu venir son Bannissement et les années de pénitence qui allaient lui succéder. Même la mort de sa sœur l'avait prise par surprise et elles étaient liées par quelque chose de plus ancien et potent que tout ce qu'elles avaient pu voir.

Elle avait été incapable de prédire, de prévoir ou d'empêcher la mort de sa jumelle, alors comment était-elle censée empêcher des dizaines et des dizaines de Bannis de se faire exécuter pour ses fautes ?

Ils allaient tous y rester, elle en était persuadée.

L'ancienne reine passa la tête dans l'embrasure de la porte d'une des roulottes servant d'atelier et sourit lorsqu'elle vit Irine, installée derrière un fuseau qui tissait la soie des Aranéides vénéneuses avec habileté tout en babillant avec les autres tisseurs.

Certains filaient de la laine ou toute autre matière et Adaeze pouvait voir sur les étagères en bois que les caisses regorgeaient de pelotes de laines et de dizaines d'autres matériaux pas encore préparés.

Elle connaissait sa ville et, si rien n'avait changé dans la guilde des tisserands et des couturiers, ils allaient s'arracher les produits d'Eryn.

— Ah ! rit Adaeze en entrant dans la roulotte en en se posant à côté de sa compagne.

Irine haussa un sourcil dans sa direction sans cesser son ouvrage.

— Ce n'est rien, j'ai juste eu une idée un peu stupide, lui expliqua Ada.

— Et ? Tu vas partager avec la classe ? la taquina son amante.

Les autres tisseurs sourirent à leur chef lorsqu'elle tira la langue à l'insolente elfe.

— Non, vraiment c'est stupide, protesta-t-elle.

— Je sais ce que tu fais, lui répondit Irine en levant les yeux au ciel.

— Oh vraiment ? Et que suis-je donc en train de faire ?

— Tu prétends que ce n'est rien alors qu'en réalité tu attends juste que j'insiste encore. Alors ?