Le retour de l'Oubliée (ELT tome I)

7 - Murmures dans la nuit, ennemis à minuit

Chapitre 7

Murmures dans la nuit, ennemis à minuit

***

La nuit était tombée sur le campement et seule Adaeze et les gardes étaient encore debout.

Les enfants dormaient à poings fermés, tout comme leurs parents, et même les affreuses montures élevées à Eryn Toss avaient arrêté de piaffer quelques heures auparavant.

L'ancienne reine était dans une des roulottes et revoyait la carte de la ville et déplaçait quelques figurines sur le papier. Oui, ici ils pourraient installer la taverne de Tria, ici l'échoppe de Brack et là encore l'atelier des Ghroshi. Et si ce quartier était inhabité (et surtout inhabitable) la dernière fois qu'elle avait été en ville, peut-être serait-il encore disponible et elle pourrait y installer ses hommes. Ils avaient vécu à Eryn, ils n'auraient aucun problème à remettre un quartier insalubre en état, pas vrai ?

Parce que loger des dizaines de personnes aller demander une certaine logistique. Trouver des écoles pour les enfants et des activités pour ceux d'entre eux qui ne travailleraient pas dans les ateliers ou les boutiques... Elle allait également devoir trouver un endroit reculé et abandonné pour continuer d'entraîner ses troupes.

Personne ne les verrait jamais venir.

Le temps que quelqu'un se rende compte que quelque chose n'allait pas ils seraient déjà intégrés à leur société et au-delà de tout soupçon. Et lorsque le moment sera venu, ils sortiraient de l'ombre et frapperaient sans un bruit. Des années passées sous couverture allait leur permettre de connaître la ville sous ses moindres recoins, de connaître les ponts et les rues et les failles dans les défenses de la ville et du palais.

Ils seront prêts et personne ne les arrêtera.

Un bruit devant sa roulotte lui fit relever la tête et froncer les sourcils. Elle replia avec soin la carte et la rangea dans le tiroir du bureau avant de le fermer à clé. Elle passa la chaîne autour de son cou et cacha le petit bout de métal sous sa tunique. Il était froid contre son ventre et elle frissonna.

Ada passa la main sous sa tunique et referma les doigts autour de la clé pour la réchauffer.

Qui pouvait bien rôder dans le camp à cette heure indue ?

— À tous les coups, c'est Irine qui vient me chercher et va râler jusqu'à ce que j'accepte d'aller me coucher avec elle, sourit Adaeze.

Sa compagne était insistante comme cela, une vraie mère poule. Elle trouvait qu'Adaeze ne mangeait pas assez, ne dormait pas assez, travaillait trop dur et se mettait trop de pression, et ces quelques sujets pouvaient lui tenir un bon bout de temps.

La veille Vanà avait trouvé refuge dans la roulotte de l'ancienne reine, fuyant les lamentations d'Irine qui essayait de la convaincre de parler à Ada. La voyante avait secoué la tête et lui avait dit que c'était inutile parce qu'elle était bien trop têtue pour écouter qui que ce soit, avant de fuir à toutes jambes.

La Bannie ricana toute seule en y repensant.

Franchement, depuis qu'Irine avait dépassé sa méfiance vis-à-vis de la voyante elles s'entendaient comme l'huile sur le feu et Adaeze avait parfois l'impression que si jamais elles décidaient de s'allier pour dominer le monde, personne ne serait en mesure de se dresser en travers de leur route.

Le monde n'y survivrait d'ailleurs probablement pas.

Entre la folie rampante de Vanà et l'envie qu'avait Irine de materner tous les êtres vivants qui croisaient sa route, on ne pouvait pas faire plus différent. Et pourtant elles avaient apparemment trouvé un point d'accord, même si Ada était bien en peine de déterminer ce dont il pouvait s'agir. Qu'avaient-elles en commun exactement ? Mis-à-part le fait qu'elles aient été Bannies bien avant Adaeze et qu'Eryn avait été leur foyer plus que la prison qu'elle avait été pour l'ancienne reine ?