16 - Est et Ouest à couteaux tirés

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Chapitre 16

Est et Ouest à couteaux tirés

***

Dagnir et Adaeze prirent le temps de revêtir leurs atours cérémoniels avant de prendre place dans la salle de trône.

La Bannie, son masque de cuir dissimulant de nouveau ses traits, se tenait quelques pas derrière le trône, à la gauche de Dagnir, dans une position d'ordinaire réservée à l'Assassin Royal. Ce qu'elle était devenue, de manière assez ironique et tordue.

L'Assassin était censé sacrifier sa vie pour son suzerain et Adaeze était prête à mettre fin à celle du Roi en cas de problème. Si jamais il dépassait les bornes son peuple aurait de bonnes  raisons de l'accuser de régicide.

Loin de se douter des pensées vaguement menaçantes de l'ancienne reine, Dagnir prit place sur le siège lourdement orné et lissa ses fourrures du plat de la main.

Elle aurait dû se hérisser à la vue de la couronne de son père posé sur le front de traître mais cela ne lui faisait ni chaud ni froid.

La couronne ne faisait pas le roi. Ce n'était qu'un objet et si elle devait avoir une crise d'apoplexie pour tous les objets appartenant à Thorondor qu'il avait récupéré, elle passerait sa vie alitée.

Tout le château lui appartenait désormais.

Il pouvait garder ses tableaux, ses fourrures et ses tapisseries. Il pouvait garder ses vêtements onéreux et ses bijoux. Elle n'avait que faire de ces possessions matérielles.

Pourtant, alors qu'elle était de retour dans cette salle immense aux fenêtres colorées et aux tapisseries imposantes, elle avait comme un pincement au cœur.

Ici se dressait son héritage, la preuve que sa famille avait traversé le temps et s'était élevé au-dessus des autres. Son père, comme le sien avant lui, et ainsi de suite depuis des siècles s'étaient dressé dans cette salle et avait marqué de leur présence les murs de ce château.

Ne devrait-elle pas se battre ? Pour récupérer ce qui lui appartenait ? Pour son père ? Sa sœur ? Leurs ancêtres ?

Peut-être.

Peut-être était-ce ce qu'elle devrait faire, si elle était une Jasidog jusqu'au plus profond d'elle-même.

Elle ne voulait cependant pas se perdre encore une fois dans des démarches interminables, perdre la face devant son peuple et ces inconnus qui la toisaient de haut, comme s'ils la connaissaient, comme s'ils savaient tout ce qu'elle avait dû faire, tout ce qu'elle avait sacrifié, tout ce à quoi elle avait renoncé pour en arriver là.

Alors il pouvait garder son trône et ses fourrures et sa couronne. Il pouvait même garder son royaume et sa supériorité et tout ce qui lui revenait de droit, de par sa naissance. Il pouvait tout garder.

Elle voulait plus.

Plus que du pouvoir, plus que des titres, plus que des terres.

Elle voulait...

Adaeze secoua la tête avant de terminer cette pensée. Elle ne pouvait pas penser comme cela. C'était ouvrir la porte à toutes sortes de problèmes.

Oui, elle était en colère, oui elle était blessée, et oui, peut-être que parfois ses doigts la démangeaient de juste prendre les armes pour régler ses problèmes par la force, mais elle ne pouvait pas, ne devait pas laisser libre cours à ses émotions. Elle devait s'en tenir au plan : trouver des réponses à ses questions et aller de l'avant.

Le retour de l'Oubliée (ELT tome I)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant