Chapitre 15
Immobilité sans fin
***
Diriger depuis les ténèbres était beaucoup plus compliqué que ce qu'Adaeze avait d'abord pensé.
Non, pire que cela, diriger tout court était difficile. Pire que tout ce qu'elle avait pu imaginer lorsqu'elle était l'héritière : écouter les doléances, passer les lois, revoir les budgets, tout cela lui tapait sur les nerfs et la liste de ce que devait faire un souverain était sans fin.
Diriger était un métier infect et ingrat, ce qui expliquait probablement que Dagnir s'épanouisse autant sur le trône puisque ces deux adjectifs le décrivaient parfaitement.
Petit con prétentieux ! râlait mentalement Adaeze en traversant à pas furieux le couloir menant aux appartements du souverain.
Elle entra sans frapper, sourde aux protestations des deux gardes postés devant la porte.
Depuis sa baignoire Dagnir grogna et s'enfonça sous l'eau avant d'émerger de nouveau pour la garder à l'œil. Pas fou le bestiau.
Il avait bien appris sa leçon : ne jamais lui tourner le dos ou l'abandonner où que ce soit. Cela ne faisait que l'énerver davantage et l'encourager à essayer de vous poignarder.
Pas qu'elle ait réellement besoin d'une excuse, mais tout de même, mieux valait ne pas prendre de risque.
— Qu'est-ce que tu veux ? geint-il. Je suis nu, tu pourrais au moins frapper !
La seule bonne nouvelle de toute cette affaire était que, si cette cohabitation la rendait lentement chèvre, elle désespérait également Dagnir qui était même prêt à lui céder entièrement le trône si cela signifiait se débarrasser d'elle de manière définitive.
Malheureusement pour eux Adaeze n'avait nullement l'intention d'accepter.
Plutôt mourir.
Vanà avait eu raison, elle ne voulait pas du trône, n'en avait jamais voulu et regarder Dagnir souffrir était beaucoup plus drôle que s'occuper elle-même du royaume.
— Oh ça va, rétorqua-t-elle. Ce n'est rien que je n'ai jamais vu auparavant.
— Ce n'est pas une raison ! Bon, qu'est-ce que tu veux ?
— Rien n'avance ! Rien ne change !
Elle passa une main nerveuse sur le côté de son crâne, sentant sous ses doigts ses cheveux ras et la cicatrice qui courrait en dessous.
La frustration lui faisait perdre la tête.
Elle voulait hurler, rager, déchirer tout ce qui était à sa portée.
Ada avait été assez civilisée, assez polie, assez châtiée. Elle voulait... Le vent, la pluie, le feu. Elle voulait se sentir elle-même à nouveau. Vivre encore, espérer encore.
Mais elle ne pouvait pas, parce que rien ne changeait.
— De quoi parles-tu encore ? souffla-t-il en se levant sans prendre la peine de se couvrir.
Adaeze se détourna avec un frisson de dégoût.
— Cela fait un mois ou presque que je suis chacun de tes pas, que je te surveille et... honnêtement ? C'est loin d'être passionnant. J'attends toujours mes réponses.
— Je ne sais toujours pas ce qui est arrivé à ta sœur.
Elle balaya son argument d'un geste de la main.
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Le retour de l'Oubliée (ELT tome I)
FantasíaIl faut parfois briser les règles, surmonter les obstacles, ignorer ses peurs avant de les effacer à jamais. Et il faut parfois se battre pour récupérer ce qui nous appartient. Après des années d'exil, Adaeze sort enfin d'Eryn'o'Toss, la sombre for...