Le retour de l'Oubliée (ELT tome I)

21 - Que savez-vous d'Eryn ?

Chapitre 21

Que savez-vous d'Eryn ?

***

Anar, Dagnir et Adaeze s'enfermèrent dans le bureau du Roi sitôt la réunion achevée.

Allongée sur le sofa, l'ancienne souveraine regardait le plafond et passait les doigts sur les cicatrices de sa joue sans même s'en apercevoir. Son successeur était assis derrière son bureau de bois massif, la tête entre les mains et Anar cherchait vainement le cabinet à liqueur.

— Tu ne le trouveras pas, intervint Dagnir sans relever la tête.

Anar se laissa tomber sur un fauteuil avec un grognement de dépit.

— Cela s'est plutôt bien passé, non ? demanda-t-il avec espoir.

Adaeze renifla dédaigneusement.

— Si tu penses cela mon chou, tu n'as pas dû assister à la même chose que nous.

— Pourquoi ? J'ai pourtant eu l'impression qu'ils t'écoutaient.

— Oh ils m'écoutaient, il n'y a pas de problème. Mais cela ne veut pas dire que j'ai réussi à les convaincre. Il n'est pas certain que le gain soit suffisant pour les encourager à nous aider.

— Pourquoi ? réitéra Anar en se redressant. Tu leur offres la possibilité de devenir des sujets du Royaume de leur choix, cela devrait les intéresser.

— Je leur ai déjà offert cela. Le leur promettre maintenant est redondant. Je les ai sortis d'Eryn, ils ont tous une situation, une maison et un avenir.

— Tu veux dire que tous ces gens habitent à Laïmé, qu'ils ne sont pas sortis de la forêt pour t'entendre parler ?

— Ils n'étaient pas si nombreux que cela, dit-elle avec un geste négligent de la main. Et il aurait été suicidaire pour eux de sortir d'Eryn juste pour m'entendre parler. Non, ils habitent tous à Laïmé ou sont éparpillés dans le Royaume.

Anar la regarda avec des yeux écarquillés et Dagnir laissa échapper un rire amer. Ouais, il comprenait le sentiment.

La Bannie ne releva pas leurs réactions, toujours focalisée sur le plafond.

— Et combien de Bannis as-tu sorti de la forêt exactement Isil ?

Cette fois-ci elle lui accorda toute son attention, mais son visage était fermé.

— Même à toi, je ne peux révéler une telle chose.

— Ce sont des meurtriers, des voleurs et les Dieux seuls savent quoi d'autre et tu leur as offert leur liberté ! Es-tu donc complètement folle ?! s'indigna-t-il.

— Des meurtriers ? Comme moi tu veux dire ? dit-elle d'une voix froide. Il y a toujours deux versions de la même histoire Anar, tu devrais le savoir pourtant. Ce sont mes gens, plus que le peuple de Laïmé l'a jamais été. Que sais-tu des Bannis ? Que sais-tu de la vie qu'ils mènent ou des raisons pour lesquels ils ont été exilés ? Que sais-tu de leurs combats, de leurs tourments, de leur pénitence ? Que sais-tu de leurs regrets et de leurs remords ? Que sais-tu des enfants qui naissent dans ces bois, vierges de tous les crimes de leurs parents mais punis malgré tout ? Que sais-tu de nous, Anar ?

— Ils ont été exilés pour une raison !

D'un mouvement souple, comme un prédateur se rapprochant silencieusement de sa proie, elle se retrouva à genoux devant son siège. Elle posa les mains sur ses genoux, leur poids à peine perceptible.