Le retour de l'Oubliée (ELT tome I)

19 - L'union des Bannis

Chapitre 19

L'union des Bannis

***

Le lendemain, Irine fut surprise de trouver un jeune page derrière la porte de leurs appartements.

— Adaeze n'est pas là, dit-elle dès qu'elle l'aperçut.

Elle ne pensait pas une seule seconde qu'il puisse être venu pour elle. Personne ne venait jamais la voir, elle. Dagnir faisait mander Ada et les Bannis venaient voir Vanaélite, même maintenant, alors qu'ils avaient quitté Eryn depuis des années. Ils aimaient lui demander conseil. À la grande frustration de la voyante qui aimerait pour sa part que, pour une fois, on la laisse tranquille.

Si Irine devait l'écouter se plaindre encore une fois elle allait commettre un meurtre.

Personne ne voulait jamais voir Irine parce que, comparée aux deux autres, elle n'avait rien de spécial.

Elle n'était ni une ancienne reine à l'esprit stratège ni une voyante aux prédictions claires comme de l'eau de roche. Elle n'était ni un génie militaire ni même une recluse vieille de plusieurs... siècles ? Quel âge avait donc Vanà ? Peu importe, la vérité était qu'elle ne faisait pas le poids face à Adaeze Jasidog et Vanaélite.

Elle était juste... elle-même. Elle s'assurait que Vanà se baigne, mange et dorme régulièrement maintenant qu'Adaeze n'avait plus le temps de s'occuper d'elle et elle prenait l'ancienne reine dans ses bras et lui faisait oublier ses soucis pour quelques instants dès qu'elle avait l'impression que sa compagne était sur le point de perdre pied.

Elle était celle qui prenait soin des deux autres, qui s'assurait qu'elles restent à peu près saines d'esprit et bien nourries.

En dehors de leurs quartiers en revanche personne n'avait besoin d'elle.

Aussi fut-elle particulièrement surprise lorsque le page lui annonça à mi-voix qu'elle était bien celle qu'il venait chercher.

Elle le regarda avec un peu plus d'attention. Il y avait quelque chose dans sa voix, dans sa posture...

Il avait les épaules courbées et gardait la tête baissée, ce qui empêchait Irine de voir en détail les traits de son visage ou aucun autre signe distinctif.

Il y avait quelque chose...

Rien dans son apparence ne le désignait comme un Banni et pourtant, Irine le sentait dans ses os. Il était l'un des leurs.

Lorsqu'il releva finalement la tête ses soupçons furent confirmés par l'éclat sauvage qui brillait dans ses yeux.

Adaeze avait le même. Ses années dans la forêt l'avaient conditionnée et lui avaient enlevé tout semblant de civilité lorsqu'elle baissait sa garde. Le jeune homme en face d'elle avait le même problème et même quatre années complètement immergé dans la société Laïmienne n'avaient pas réussi à affaiblir cette énergie presque animale qui se dégageait de lui.

Il avait raison de garder la tête basse.

Une fois que l'on apercevait ses yeux il devenait évident qu'il n'était pas un sujet normal du Royaume.

Ses yeux montraient sa véritable allégeance et le Roi était suffisamment paranoïaque comme cela. Il savait qu'Adaeze n'avait pas agi seule le soir de l'attaque, il savait qu'elle avait ses propres hommes et des alliés stratégiquement placés dans le château. Il savait que les Bannis la suivraient jusqu'au bout du monde et, sur ce coup-là, Irine devait bien reconnaître qu'il était plus observateur que la principale concernée.