L'Alpha et le Chasseur

Alliance

Lys prit toutes ses précautions afin de pouvoir sortir en douce de chez elle, bien que ce ne soit que le début d'après-midi. Depuis son accident, tous ses moindres faits et gestes étaient surveillés avec attention et elle ne pouvait plus aller nulle part sans que quelqu'un ne le sache dans la seconde. C'était épuisant à la longue !
Cependant, il était impératif que personne ne la suive cette fois. Elle se voyait mal expliquer à ses compagnons pourquoi ils l'avaient surprise en train de libérer leur ennemi ! Il fallait qu'elle se montre discrète et fasse en sorte que son évasion paraisse plausible. Personne ne devait s'imaginer qu'il avait eu de l'aide pour s'échapper. Elle avait conscience qu'en agissant ainsi, elle trahissait son peuple mais elle n'avait pas le choix. L'avenir de tous dépendait uniquement de ses actes désormais. Mais pour cela, il fallait qu'elle parvienne à pénétrer dans la maison des tourments sans se faire prendre. Et ça, cela n'allait pas être chose aisée !

Lorsqu'elle réussit à se faufiler par la fenêtre de derrière, la belle Alpha eut l'horrible impression d'être une ignoble voleuse alors qu'elle était chez elle, en sécurité, parmi les siens. Et elle agissait pour le bien de tous, de son peuple qu'elle chérissait tant. C'était ce qu'elle se répétait en boucle dans son esprit, pour se déculpabiliser alors qu'elle se dirigeait à pas de loup en direction de la prison de Killian. Cette dernière était solidement gardée par Black et Kat ; le premier, sous sa forme humaine, surveillait surtout la porte, comme s'il craignait qu'elle ne s'ouvre soudainement, laissant échapper leur ennemi tandis que le deuxième, transformé, faisait nerveusement les cent pas. Leur présence était parfaitement inutile puisque nul ne songeait une seconde que le Chasseur puisse s'enfuir mais Sol, par mesure de sécurité, avait préféré la prendre. Ce qui allait singulièrement compliquer les choses pour sa fille...

Heureusement pour elle, lorsqu'ils étaient plus jeunes, Pierre et elle avaient beaucoup joué aux alentours de la maison des tourments, qui les fascinait autant qu'elle les terrifiait. Étant donné qu'elle était uniquement utilisée dans les rares cas comme celui de Killian, elle suscitait depuis des siècles une terreur sourde dont personne n'osait parler. Chaque clan Louvane avait sa propre prison mais tous s'efforçaient de l'éviter soigneusement lorsque cela était possible. De nombreuses rumeurs couraient à son sujet, la plus célèbre étant que, une fois la nuit tombée, si l'on passait juste à côté d'elle, on pouvait entendre de longues plaintes lugubres provenant des murs de la maison, qui faisaient tressaillir la moindre parcelle de son âme. On chuchotait qu'il s'agissait là des fantômes des tous premiers Louvanes à avoir été enfermés à l'intérieur sans plus jamais en ressortir. Ils seraient morts de faim et de soif, ou même de froid après avoir été oubliés par ceux qui les avaient emprisonnés des siècles auparavant. La légende racontait même que cela faisait si longtemps qu'ils étaient restés dans la prison que le squelette de leurs cadavres avait fini par tomber en poussière. Les hurlements sinistres que l'on pouvait prétendument entendre avaient valu à la bâtisse le nom de "la maison des tourments" car ceux qui y étaient enfermés allaient se faire tourmenter par les esprits des défunts avant leur exécution.

Les parents utilisaient toujours cette histoire pour effrayer leurs enfants qui n'avaient pas été sages. Ils les menaçaient de les mettre dans la maison s'ils n'obéissaient pas. Pierre et Lys n'avaient pas fait exception à la règle, cependant ils avaient été assez téméraires et curieux pour explorer cette fameuse prison qui faisait frissonner de peur même les plus grands guerriers. Et leurs recherches avaient fini par porter leurs fruits : ils avaient découverts un passage derrière la maison, dissimulé par de grosses pierres, invisible à l'oeil nu. Dans les souvenirs de la jolie blonde, il était assez grand pour qu'elle puisse s'y faufiler mais c'était lorsqu'elle avait onze ou douze ans. Depuis, elle avait grandi et soudain, elle craignit que son idée pour s'introduire dans la prison par ce moyen ne soit irréalisable. Mais elle n'était pas du genre à baisser les bras. Au lieu de cela, elle entreprit de déplacer les pierres une à une, bénissant le fait que la bâtisse soit bien à l'écart des autres maisons du village. Au moins, personne ne s'approcherait d'elle pour lui demander ce qu'elle fabrique...