Prise au piège !

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Le retour à la maison se fit dans un silence assez pesant. Ciela marchait la tête basse. Ses pattes noires s'enfonçaient dans la neige, mais elle ne faisait aucun effort pour aller plus vite. Elle se laissait presque traîner tellement elle était abattue. Sable, qui avançait à ses côtés, avait renoncé l'idée de la réconforter et se contentait juste de la pousser gentiment du museau pour la guider lorsqu'elle s'écartait du chemin, sans dire un mot. Derrière eux, Lys ruminait sa dispute avec Pierre. Elle avait conscience de ses propos qui l'avaient blessé, mais elle ne voyait pas comment faire pour se faire pardonner. Elle ne s'engueulait que très rarement avec le jeune homme parce qu'ils n'avaient aucun sujet de mésentente entre eux deux, ils étaient si complices... Même lorsque Pierre a su qu'il devenait un Oméga, elle avait été la seule de ses amis Alphas à continuer à lui parler comme si rien n'avait changé. À s'incruster dans son groupe d'amis Omégas avec qui il s'était très vite bien entendu. Et même à l'accompagner pendant ses parties de chasse alors qu'elle n'en avait pas le droit. Comment pouvait-il croire maintenant, simplement à cause d'une parole malheureuse prononcée sous l'effet de la surprise de surcroît, qu'elle ne voulait pas être avec lui parce qu'il était un Oméga ? C'était incompréhensible ! De tristesse, la jeune louve soupira une nouvelle fois, aussi déprimée que sa petite soeur.

Lorsqu'ils furent tous rentrés, Sol reprit sa forme humaine puis verrouilla la porte. Ses trois enfants se métamorphosèrent à leur tour avant de s'assoir à la table de la salle à manger. Ils avaient compris qu'il n'était pas encore tout à fait l'heure de se coucher. Effectivement, leur père vint les rejoindre et prit place en face d'eux, le visage inhabituellement grave. Il s'éclaircit la gorge, l'air de chercher ses mots, puis déclara :

- Ciela, ma petite fille, tu n'as pas à avoir honte. Tu as entendu Luva, les Omégas ont autant de mérite que les Alphas et nous sommes tous fiers de toi. Tu fais partie de la meute à part entière maintenant.
- Oui, en tant qu'Oméga seulement... soupira la jeune fille, malheureuse comme les pierres. Toute la famille est Alpha, vous, maman, tantie, grand-mère et même nos arrières grands-parents​ ! Je suis la seule Oméga alors que je suis une des filles du Chef !

- Mais ce n'est pas un drame, ma chérie ! Au contraire, tu devrais être fière ! insista Sol, inquiet.

Elle lui adressa un regard larmoyant, et renifla bruyamment.
- Plus aucun de mes amis ne voudra m'adresser la parole, gémit-elle. Et je n'aurai plus le droit de rester avec vous ! Et je ne pourrai pas protéger la meute comme vous, je ne serai qu'une... qu'une vulgaire chasseuse...

La claque que Lys asséna sur la table en bois fit sursauter tout le monde. Elle s'était brusquement mise debout et fusillait sa soeur du regard.
- Lys ? s'étonna le chef des Katériens, les yeux ronds. Que se passe-t-il ? Que t'arrive-t-il ma chérie ? Tu ne te sens pas bien ?

- Ça suffit Ciela ! gronda-t-elle en ignorant ses injonctions. Arrête de pleurnicher et te lamenter sur ton sort ! Tu es une Oméga ; et alors ?! Qu'est-ce que ça peut faire ? En quoi c'est une honte ? T'es une Louvane, non ? C'est tout ce qui compte ! Une vulgaire chasseuse ? Et puis quoi encore ?! Les Omégas sont très importants pour notre communauté, ils nous permettent de nous nourrir parce qu'ils chassent pendant que nous nous entraînons au combat ! Chacun a sa place parmi les Katériens et celui qui a honte de ce qu'il est ne mérite pas de faire partie de notre meute !!

Et, avant que quelqu'un n'ait le temps de réagir, la belle jeune fille repoussa violemment sa chaise puis quitta la pièce. Un bruit sourd leur indiqua qu'elle montait les escaliers puis elle claqua la porte de sa chambre qu'elle verrouilla pour la nuit.

* * * * * *

Le lendemain matin, Lys se leva de très bonne heure, d'une part pour être certaine de ne pas croiser un membre de sa famille, et de l'autre, elle avait une multitude de choses à faire. Se réconcilier avec Pierre en faisait partie. Le soleil n'était pas encore levé lorsqu'elle sortit de chez elle, et un silence spectral régnait sur tout le village endormi. La neige était tombée une nouvelle fois pendant la nuit, recouvrant les alentours d'une épaisse couche blanche. La jeune fille avait bien pris soin de s'envelopper dans son manteau en fourrure, et d'enfiler ses bottes en daim afin de se protéger du vent qui hurlait dans ses oreilles mais elle grelottait quand même. Prenant son courage à deux mains, elle partit en direction de la maison de son meilleur ami qui se situait à l'exact opposé de la sienne en essayant de ne pas trop s'enfoncer dans la poudreuse qui collait à ses chaussures. Elle savait que Pierre devait sûrement encore dormir lui aussi mais c'était le seul moment de la journée où elle pourrait lui parler sans être dérangée constamment. Une fois arrivée, Lys constata avec surprise qu'il y avait de la lumière à la fenêtre de sa chambre ; soit il s'était endormi la veille à la lueur de sa lampe, ce qui était tout à fait possible, soit il était déjà debout, comme elle, à cinq heures du matin. Elle espéra que la deuxième option fut la bonne tandis qu'elle commençait à grimper le long du vieil arbre placé pile devant la chambre de son ami. Depuis qu'elle était toute petite, elle avait pris l'habitude de le rejoindre de cette manière sans que personne ne le sache. Pierre n'était pas très d'accord avec cette méthode qu'il jugeait beaucoup trop dangereuse mais évidemment, elle n'en faisait qu'à sa tête. Arrivée à la hauteur de la fenêtre, à califourchon sur la branche, elle toqua à la vitre et remarqua avec soulagement qu'il était déjà levé puisqu'il lui ouvrit presqu'aussitôt. Il ne semblait plus aussi fâché visiblement.

L'Alpha et le ChasseurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant