o4||°Montdesbois, un village pas si mort que ça}

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Vélo, n. m. : Moyen de transport plus que dangereux, surtout lorsque l'on s'appelle Darla Vallois.

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AI-JE DÉJÀ MENTIONNÉ QUE LE VÉLO N'ÉTAIT PAS DU TOUT FAIT POUR MOI ?

Nous avions quitté la ferme des Devignet depuis plus d'un quart d'heure désormais, et en l'espace de quinze minutes, le vélo rouillé, que m'avait refilée Fanny, avait déjà déraillé deux fois. À chaque fois, j'avais poussé un soupir d'agacement, et à chaque fois j'avais essayé de remettre la chaîne comme elle se devait d'être. Seulement, rien n'y faisait, et bientôt, je me retrouvai à marcher à côté de mon vélo, observant au loin ma cousine et ses amis.

La gêne s'était en partie dissipée depuis l'épisode catastrophique de ce matin, qui en réalité n'était pas si grave que cela : c'était comme si j'étais en maillot de bain après tout, ce n'était donc pas autant la honte que ça. Adrien semblait même complètement avoir oublié ce qu'il avait vu ce matin, et tant mieux : ainsi, s'il voyait un de ses potes dans le village, il n'irait pas le voir en lui disant qu'il avait vu un soutien-gorge vert fluo ce matin, et ce serait tant mieux.

D'ailleurs en parlant de village, le panneau rouge et blanc, indiquant en lettres majuscules noires "Montdesbois", venait de se dresser devant nous, sale et tagué dans le coin en bas à droite. La route vallonnée laissait apercevoir une vue plongeante sur le petit lopin de terre perdu qu'était le village de Montdesbois. Devant moi, les pieds dans le vide, ne tenant que son guidon, Fanny se laissait porter par la légère pente, jetant quelques coups d'œil dans ma direction, probablement pour s'assurer que je les suivais toujours malgré mon refus de pédaler.

Chloé était tout devant et ouvrait la voie. Ses longues mèches brunes frappaient brutalement l'air, laissant une vue dégagée sur sa nuque au teint de porcelaine. Le dos de son chemisier à bretelles était gonflé par les bourrasques de vent qui s'y engouffraient. Elle virevoltait doucement, jetant des regards circulaires aux alentours. Près de moi pédalait Adrien, les bras croisés sur son torse, il regardait la route calmement, sans se soucier du fait que son vélo partait en direction du fossé entourant la route. Il tourna également la tête vers moi, et réprima un petit rire face à ma tête de déterrée.

Enfin, après ce qui me parut une éternité, nous arrivâmes au centre du village, et les trois compères descendirent de leurs vélos, avant de les poser près de la fontaine circulaire, qui se trouvait au centre de la place. Je rangeai le mien également et m'avançai à contrecœur vers eux : je n'avais pas envie d'être là. Je n'avais pas envie de me balader dans un village mort et où les joueurs de pétanque sont les seuls humains présents à des kilomètres à la ronde. Sérieusement, on ne pouvait pas faire plus inanimé comme endroit : la place était déserte et rares étaient les passants qui sortaient des petits commerces aux alentours ; au loin, attroupé autour d'un terrain long comme une piscine privée, s'exclamant à chaque fois qu'un des leurs réussissait un beau lancer, se trouvait un groupe de retraités en train de jouer, avec le peu d'ardeur qu'ils possédaient encore, à la pétanque ; enfin, le clapotis de l'eau dans la fontaine régnait en fond sonore, donnant un côté zen à cette scène, mais également un côté abandonné à ce village pourtant habité.

- Bienvenue dans le centre du village, Darla ! s'exclama Fanny en s'emparant de mes épaules. Tu vas voir, c'est trop cool ici !

- Surtout quand y a du monde, parce que là c'est vraiment mort, ajouta Adrien en glissant un regard vers les dix grands-pères en short.

- Youpi. J'ai vraiment hâte de voir ça, lançai-je peu convaincue alors que tous s'en allaient déjà vers une petite rue.

Je les suivais en traînant des pieds, me lamentant silencieusement sur mon sort : pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Je n'arrivais même pas à formuler la moindre question tant j'étais perdue. Alors je marchais, jetant des regards peu convaincus aux alentours, tout en essayant de suivre la bande de losers avec qui j'étais forcée de traîner, n'ayant pas d'autres choix. La ruelle que nous traversions était légèrement ombragée, ce qui n'était pas un mal en soit tant la chaleur était insupportable. Le crépis ocre des petites maisons de ville s'accordait avec le crissement des grillons dans une symphonie incessante et plutôt relaxante. La Provence... C'est vrai que c'était bien. Et cela aurait pu l'être encore plus si je n'étais pas obligée de rester dans une ferme puante et grouillante de moustiques toute la journée.

MOI, DARLAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant