43||°Orage et abri de fortune}

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Orage, n.m. : Intempérie préférée de Darla, cette psychopathe qui adore regarder les éclairs fendrent les cieux près d'elle.

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IL Y A DE L'ORAGE DANS L'AIR. Au sens propre du terme.

Je relevai la tête, faisant face à l'immensité grisonnante et légèrement violacée qui menaçait de me tomber dessus. Les nuages épais s'amassaient les uns aux autres, tels une horde de soldats romains prêts à conquérir un nouveau territoire. Je n'ai jamais eu peur de l'orage, je trouvais même cela cool par moment. Les déflagrations lumineuses fendant le ciel m'émerveillaient, tandis qu'elles effrayaient d'autres. Néanmoins, ce soir j'avais l'impression que tout ceci était de mauvais augure : comprenez-moi, je venais d'avoir mes règles hier, un bouton avait poussé sur mon menton et maintenant il y avait de l'orage.

C'était comme si une entité supérieure était contre mon départ de Montdesbois.

Car oui, nous étions Vendredi. Ce qui signifiait en tout et pour tout que je quittais Montdesbois Lundi, Mardi au plus tard. Enfin, dans tous les cas ça craignait un max. J'avais fini par m'habituer au train de vie des campagnards, j'avais même commencé à apprécier le fait de devoir toujours me déplacer en vélo. En somme, alors que je commençais enfin à m'attacher à ce petit village paumé, la vie m'arrachait de lui comme on enlève un pansement lorsque la plaie est refermée. Je trouvais cela injuste, c'est pourquoi j'avais décidé de m'asseoir en plein milieu de la place, sous l'orage, en signe de protestation.

- Darla ! Viens te mettre à l'abri ! Tu vas être trempée quand la pluie va arriver ! s'exclama Ulysse depuis la pâtisserie.

Je tournai la tête vers lui, les joues rougies par le coup de soleil que j'avais pris le soir où nous étions allés à la fête foraine. Mes cheveux volaient au vent, frappant mes pommettes de leurs pointes sèches. Certaines mèches caressaient l'affreux bouton siégeant sur mon menton. Je réprimai un soupir d'agacement et me contentai de fixer le brun. Ce dernier était accroché au chambranle de la porte de verre, le corps à moitié à l'extérieur de la boutique. La brise méditerranéenne frappait son doux visage, sa tignasse chocolat libre de toute entrave se soulevait doucement, tandis que de ses yeux verts, il me fixait avec une lueur d'impatience, d'inquiétude et d'amusement.

- Je bougerai pas Ulysse ! rétorquai-je en croisant les bras sur mon sweat-shirt jaune poussin. Je fais la grève, tu m'entends ?! La grève !

Pour toute réponse, Ulysse haussa les épaules avant de se retourner, un léger sourire au bord des lèvres. La porte se referma derrière lui et je fus de nouveau seule face aux éléments. Quand on y repense, l'orage n'est pas souvent jugé à sa juste valeur. Certes, il y a mieux comme intempérie, moins dangereux et plus agréable. Mais moi j'aime l'orage, je trouve cela même fascinant. Ces éclairs qui fendent le ciel en zébrure de lumière, le bruit assourdissant qu'ils produisent une fois en contact avec la terre ferme. On a toujours l'impression qu'ils s'abattent tout près de nous, alors que non, ils sont rarement à nos côtés.

Il m'arrive par moment de me comparer à l'orage, car comme lui, je suis plutôt sournoise. J'aime que tout le monde m'admire, me craigne. Les gens m'évitent lorsque je suis trop près d'eux, seuls les plus téméraires restent, ceux qui sont les plus courageux face à la tornade humaine que je suis. Comme les éclairs, je peux frapper à n'importe quel moment, sans pour autant me trouver juste à côté de mes victimes. Je suis imprévisible, imprévisible et indécise. Je n'ai rien inventé, c'est ma mère qui me l'a dit. Faire un choix m'ait impossible, ne pas changer d'avis l'est tout autant. Tantôt optimiste, tantôt pessimiste. Je suis comme la roulette russe : avec moi, ça passe ou ça casse.

MOI, DARLAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant