29||°Pluie d'étoiles filantes et guimauve fondue}

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Darla, n.f. : Être possédant un penchant pyromane et à qui il ne faut jamais, au grand jamais, donner de briquet.

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JE M'ÉLANÇAI AVEC ENTRAIN en direction des ruines de la tour, bien décidée à trouver mes compagnons au plus vite. Le silence m'accompagnait dans mon périple, même s'il était perturbé lorsque je marchais sur quelques brindilles un peu trop sèches. Je respirais à plein poumons cet air pur, tout en ayant les yeux mobiles, et j'avançais, non sans une once de difficultés, parmi les pierres décrochées de la structure. La première personne que je trouvai fut Chloé. Elle s'était roulée en boule derrière un muret ayant résisté aux intempéries.

La deuxième fut Noé, puis vint Adrien et ensuite Fanny. Il ne me restait plus qu'Ulysse et j'avais beau les supplier, aucun de ceux que j'avais découvert ne voulait me dire où le brun s'était caché. Je soupirai, reprenant ma chasse, les bras croisés contre ma poitrine, les lèvres pincées. Il ne devait pas être bien loin : si ça se trouve, il était juste sous mes yeux depuis le début ! Je m'arrêtai suite à cette pensée, et m'accroupis derrière un rocher. Où me cacherais-je si j'étais dans sa situation ? Derrière une pierre ou dans un renfoncement. Mais oui ! C'est ça !

- Ulysse ! J'arrive ! m'écriai-je, un sourire de satisfaction au bord des lèvres.

Et je courrai en direction du petit talus que j'avais aperçu quelques instants plus tôt, et qui ne m'avait pas tapée dans l'œil au premier abord. Mais oui ! C'était ça ! Ulysse se trouvait derrière depuis le début ! À grandes enjambées, j'avançais en direction du petit buisson, savourant déjà ma victoire prochaine : je vais tous les exploser, je vais tous les exploser ! Néanmoins, lorsque j'arrivai près du talus, je ne remarquai pas la pierre qui se trouvait devant. Et pour mon plus grand damne, mon pied buta dessus et je tombai en plein sur le buisson, et sur Ulysse accessoirement.

- Trouvé...

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- Ça va ton dos ? m'inquiétai-je en posant une main apaisante sur le bras de mon copain.

- Ouais... T'inquiète, répondit ce dernier en souriant, même si la légère douleur qu'il ressentait se lisait sur son visage.

Je déposai en signe de pardon, un baiser sur son front, et m'emparai de sa main droite, regardant d'un œil distrait Adrien s'activer près de son téléscope. À ma droite, Fanny était en pleine discussion avec Chloé : toutes deux débattaient avec ardeur au sujet de la protection des cigales. Passionnant. Et puis un peu plus loin, Noé croquait avec vigueur dans un sandwich à la mortadelle. Ses cheveux blonds et bouclés, encerclaient sa tête pareille à un halo doré. Sa tignasse s'agitait à chaque fois qu'il prenait une bouchée, et une expression de satisfaction venait illuminer son faciès lorsqu'il avalait son repas.

Je souriais devant ce spectacle, et m'emparai d'un sandwich jambon/beurre, avant d'en lancer un à Ulysse. Ce dernier l'attrapa aisément et retira l'aluminium rapidement, avant de croquer dedans, comme s'il avait été privé de nourriture pendant des jours et des jours. Je souris de plus bel et pris également une bouchée de mon en-cas. C'est vrai que cela faisait du bien de manger, surtout lorsqu'on avait fait un plongeon dans un buisson.

Au bout d'un certains temps, et quand tout le monde eut fini son maigre repas - essentiellement constitué de sandwichs et de chips - Noé sortit de son sac un paquet de guimauve.

- Ça vous dit on les fait griller ? questionna Boucle d'or en ouvrant le paquet d'un seul coup, avant d'en piquer un - juste pour la forme.

- Je veux bien, mais il est hors de question qu'on fasse un feu. L'herbe est trop sèche, c'est trop dangereux, répliqua Adrien en laissant son téléscope de côté.

- Et on fait comment dans ce cas ?

- Et bien on les fait pas gri...

- Quelqu'un a un briquet sur lui ? demandai-je en coupant la parole au frère de Chloé.

- Tiens..., commença Noé en sortant un petit tube bleu de sa poche. Mais pourquoi tu veux un briquet au juste ? T'as des pulsions pyromanes ?

- Quoi ? Non, bien sûr que non ! Mais si tu veux absolument faire griller tes guimauves, t'as qu'à les passer au-dessus de la flamme d'un briquet. T'inquiète c'est sûr, j'fais ça tout le temps avec mes potes, assurai-je en saisissant le briquet et en l'actionnant.

Bon, j'avoue que j'aime bien jouer avec le feu, au sens propre du terme. Mais chut... Faut pas le dire.

- Darla... T'as un peu l'air d'une psychopathe, ne put s'empêcher d'ajouter Noé en piquant une autre guimauve.

- Je sais que c'est tentant de critiquer la façon d'être de Darla, mais tu pourrais pas plutôt arrêter de bouffer le paquet à toi tout seul ? intervint Fanny en rivant ses iris chocolatés sur le blondinet.

- Man kann hier nicht einmal das machen, was man will...*, murmura Noé dans sa barbe inexistante.

- Quoi ? Qu'est-ce que t'as dit ? ajouta Fanny sur un ton de reproche.

- R-i-e-n, termina-t-il en détachant chaque lettre.

Adrien, qui avait abandonné la conversation inutile et infructueuse qui se déroulait entre Noé et ma cousine, leva la tête vers la voûte céleste aux teintes sombres. Il observait avec attention, de ses yeux clairs en amande, les étoiles qui commençaient à apparaître au fil des secondes et des minutes passées. Je cessai de le regarder et fis de même, rivant mes pupilles dilatées vers ce champ d'astres sans fin. Je ne me souvenais pas non plus d'avoir assisté à une telle nuit étoilée : comme quoi, ce séjour passait de découverte en découverte. Il suffisait juste que j'ouvre les yeux et que je prenne conscience de ce qui m'entourait, au lieu de pester contre ma cousine et mon horrible statut d'habitante de la ferme à temps partiel.

Et bah... Je vais finir par ne plus me reconnaître si je continue à avoir de tels propos. Ça fait bizarre, les gars.

- Regardez, regardez ! s'écria Chloé en pointant la voûte indigo du doigt. Une étoile filante vient de passer !

Et aussitôt, tout le monde riva ses pupilles en direction du ciel, la bouche entrouverte, comme un enfant béat devant une montagne de bonbons recouverte d'un nappage au chocolat. Le silence s'était installé entre nous six, et seul le hululement du hibou d'à côté se faisait entendre dans cette nuit sombre. Mes yeux émerveillés contemplaient avec attention les astres lumineux, et pour la première fois de ma vie, je me rendis compte de ma petitesse face à l'univers tout entier.

Adrien se leva de la couverture et rejoignit son téléscope. Il apposa son œil contre la lentille et ferma l'autre : on aurait dit qu'il était constipé, mais je me garderais bien de lui révéler. Pendant ce temps-là, je m'emparai d'une main d'une guimauve, et de l'autre j'actionnai le briquet bleu de Noé. Je portai la flamme sous la substance sucrée, et observai cette dernière caraméliser sous les assauts de la chaleur. Un petit sourire au bord des lèvres, j'éteignis le briquet et soufflai légèrement sur ma guimauve grillée.

- Allez, c'est ma tournée ! m'exclamai-je en ne faisant qu'une bouchée de mon si délicieux met.

Étrangement, personne ne me répondit, et il ne me fallut pas plus d'une seconde pour deviner le pourquoi du comment. Les étoiles filantes, elles déferlaient enfin dans le ciel, scintillantes, magiques. C'était magnifique, c'était le spectacle le plus spectaculaire auquel j'ai pu assister. Et pendant que je terminais ma guimauve grillée, Ulysse s'empara de ma main et la serra fort.

Comme s'il venait de lancer un souhait en direction des cieux.

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Man kann hier nicht einmal das machen, was man will... = on ne peut même pas faire ce qu'on veut ici...

MOI, DARLAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant