31||°Une ribambelle de rubans colorés}

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Ruban, n.m. : morceau de tissus coloré ou bariolé de motifs en tous genres, que l'on accroche autour de votre poignet.

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- ET ELLE SE DÉROULE OÙ CETTE FÊTE ? Il y aura qui ? Est-ce qu'il y aura de l'alcool ? questionna Tante Olga alors que j'attendais la fameuse Agathe.

- Près de chez Noé, et il y aura beaucoup de gens du lycée du village, donc des gens que tu connais Tatie. Et pour l'alcool, y en aura pas, mentis-je en résistant avec peine à l'envie de gratter mon bouton.

À vrai dire, je ne savais absolument rien de cette soirée, enfin, mise à part le fait qu'il y avait de fortes chances qu'il y ait de l'alcool et/ou d'autres produits illicites. Je ne savais ni où se déroulait la fête, ni précisément les personnes qu'il y aurait à cette dernière. J'étais dans le flou total pour ainsi dire, et même mon copain n'était pas fichu de venir me chercher : c'était vachement rassurant si vous voulez mon avis ! Mais bon, c'était souvent le prix à payer pour passer une bonne soirée, enfin, encore faut-il que je passe une bonne soirée... Après tout, tout est mieux que de passer la soirée devant un téléfilm romantique diffusé à la télévision.

- Et tu veux que je t'y emmène ? continua ma tante en feuilletant son magasine.

Au même instant, quelqu'un actionna la sonnette de l'entrée. Une bouffée d'adrénaline s'empara de moi, et je sautai de ma chaise, pris mon portable et le fourrai dans la poche de mon short. Je déposai un baiser sur la joue de Tatie Bio et partis en lui promettant de ne pas rentrer trop tard. J'arrivai dans l'entrée, chaussai à la va-vite mes converses favorites et ouvris la porte. Derrière cette dernière se tenait une jeune femme au teint métissé. Ses longs cheveux crépus étaient ramenés en deux tresses africaines, et ses yeux bruns se rivèrent d'un seul coup sur ma personne, m'accordant un petit mouvement de recul.

- Hey ! Tu dois être Darla, n'est-ce pas ? commença l'inconnue en étirant ses lèvres pulpeuses en un large sourire.

- Et toi, c'est Agathe ?

- Exactement ! assura-t-elle en hochant la tête. Bonsoir Madame Devignet !

Je me retournai et vis que ma tante m'avait suivie jusque sur le pas de la porte.

- Bonsoir ma petite Agathe, cela faisait un moment que je ne t'avais pas vu dis donc ! Je vois souvent ta mère quand je vais à la supérette, mais toi, je ne t'aperçois presque plus !

- Je suis souvent avec mes amis en ce moment, et puis j'aide papa au camping, expliqua Agathe en faisant de grands gestes.

- Ah oui ! C'est vrai qu'il y a toujours du boulot là-bas ! Entre les vacanciers qui sortent tout droit des grandes villes, les retraités venus se rotirent au soleil et les enfants qui se baignent jusqu'à point d'heure... Ça ne doit pas être facile ! Mais dis moi... Vous organisez toujours votre concours de Miss Camping ? s'empressa-t-elle de renchérir en s'appuyant au chambranle de la porte.

- Ah oui ! C'est un moment incontournable pour Montdesbois ! Et cette année, on le fait suivre par un karaoké où tout le monde pourra participer !

- Eh bien, ma foi, c'est bien pour relancer l'activité du village ! Tu devrais t'y inscrire Dar...

- Hum Agathe...? Tu ne penses pas qu'on devrait plutôt y aller ? questionnai-je en jetant un coup d'œil à ma montre.

- Oh si ! Bien sûr ! Au revoir Madame Devignet, c'était un plaisir de vous parler ! Tu viens Darla ?

Pour toute réponse j'hochai la tête, tandis que ma tante nous souhaitait à toutes les deux une bonne soirée. Agathe s'approcha d'un vélo bleu ciel et l'enfourcha. Elle se tourna vers moi après cela et me demanda :

- J'espère que t'as un vélo, parce que c'est pas la porte à côté.

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La musique emplissait déjà l'atmosphère lorsque nous descendîmes de nos vélos, Agathe et moi. Des bulles de savon d'une taille démesurée volaient dans notre direction, et des confettis jonchaient l'herbe séchée. Finalement, nous n'étions pas perdus en plein milieu des bois, mais plutôt au centre d'une vaste clairière, une clairière spécialement aménagée pour la fête de ce soir. Je regardais, un petit sourire au bord des lèvres, les personnes s'agiter dans le champ coloré : j'avais l'impression d'être en plein cœur d'un festival, un festival clandestin mais génial.

Agathe posa son vélo contre un arbre et je fis de même. Puis elle enroula un anti-vol autour de chacun de nos vélos et les verrouilla fermement. Une bande de jeunes passa devant nous, en faisant de grands gestes et en rigolant comme des lamas enragés : eux, ils n'étaient pas très nets si vous voulez mon avis, mais bon, c'était bien le cadet de mes soucis. Agathe me fit signe de la suivre, ce que je fis. Nous esquivâmes de nombreux adolescents, tous plus joyeux et délurés les uns que les autres. Agathe s'arrêtait souvent pour en saluer quelques uns, et pour me présenter au passage. À vrai dire, je ne me sentais pas encore tout à fait à l'aise parmi tous ces inconnus, tant et si bien que lorsque j'aperçus Adrien, je ne pus m'empêcher d'aller lui courir dans les bras.

- Darla ?! Je m'attendais absolument pas à te voir ! s'écria le jeune homme d'une voix forte, étant donné que la musique couvrait sa voix.

- Et bien je suis là comme tu peux le constater ! répliquai-je en ouvrant grand les bras.

- T'as eu ton bracelet ?! reprit-il en me montrant son poignet gauche.

À ce dernier était accroché un petit ruban orange fluo, dont les bouts n'avaient pas été brûlés et s'effilochaient légèrement. Je fronçai les sourcils : personne ne m'avait jamais parlé de bracelet. Qu'est-ce que c'était encore que toute cette histoire ? Alors je fis non de la tête, ignorant totalement l'utilité de ce ruban, et Adrien me prit par le bras, puis me traîna jusqu'à un petit stand perdu à l'écart de la foule. Là-bas, une fille aux courtes tresses brunes me demanda mon nom. Elle feuilleta ensuite la liste qu'on lui avait attribuée, et pointa brusquement mon prénom du bout de son index.

- Darla Vallois... Vert sapin, déclara-t-elle d'une voix aiguë à l'attention de la fille assise à côté d'elle.

Cette dernière plongea sa main parmi l'amas de tissus colorés et bariolés, et au bout de quelques instants de recherches intensives, elle sortit un ruban vert sapin, des plus banales si vous voulez mon avis.

- Ton poignet droit, s'il te plaît, lâcha-t-elle d'un air las.

Je tendis alors mon bras droit, comme elle me l'avait indiquée, l'air tout de même perplexe. Je n'avais toujours pas compris à quoi cela rimait de m'attacher un fichu bout de tissus au poignet. Mais allez savoir pourquoi, cela semblait être normal par ici, puisque lorsque je jetai un coup d'œil à l'amas d'adolescents dansants, je remarquai qu'ils étaient tous affublés de rubans colorés. La fille du stand termina son nœud et serra d'un coup sec, tout en me souhaitant une bonne soirée. Je souris faiblement et m'éloignai, Adrien sur les talons.

- C'est quoi cette fichue histoire de ruban ?! déclarai-je une fois que nous fûmes assez loin du stand en question.

- Tu veux la version courte ou la version compliquée ?! s'écria le brun en s'arrêtant, essayant de couvrir la musique du mieux qu'il le pouvait.

- Version courte, j'suis pas prête à t'entendre blablater pendant une plombe !

- Ces bracelets... Seule une autre personne a le même que toi parmi tous les invités ! Jusque là tu me suis ?!

- Oui, j'suis pas conne quand même ! rétorquai-je en roulant des yeux.

Adrien ne releva pas, et c'était mieux pour lui.

- T'as vu qu'il y avait une liste de prénoms là-bas ?! Et bien, il y avait un autre nom inscrit en face du tien, et cette autre personne a le même ruban que toi ! En gros, le but de cette soirée c'est de faire des rencontres, et plus si affinité ! T'as un bracelet, tu dois trouver la personne qui a l'autre et puis...! Rohh je vais pas te faire un dessin quand même ! T'as compris je pense !

- Euh je...! Ouais mais...!

- Allez, bonne chasse !

Et il disparut sans me donner plus de détails.

MOI, DARLAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant