MOI, DARLA

16||°Comment je me suis retrouvée à danser la macarena sur un pédalo}

Macarena, n.f. : danse ridicule et contagieuse mais qui peut vous empêcher de perdre du fric.

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ÉVIDEMMENT, il est clair que j'ai remporté haut la main le défi de Noé.

Désormais, nous étions tous les deux en train de barboter dans l'eau quelque peu verdoyante et sûrement peuplée de milliers de bactéries. Néanmoins, ce détail ne m'obsèdait pas comme il aurait dû en temps normal et je savais pourquoi : je ne m'ennuyais pas. Noé m'éclaboussait allègrement, ne se souciant guère de m'envoyer de l'eau en plein visage alors que je lui sommais d'arrêter. Mais non, il n'en faisait qu'à sa tête et avait même essayé de me couler plus d'une fois. Il était juste un très mauvais perdant, il ne souhaitait pas payer sa tournée de glace et pourtant, il le fallait !

- Hey ! Ulysse ! s'exclama le jeune homme alors que je m'agrippais à lui dans l'espoir de lui faire boire la tasse.

Je stoppai net mes mouvements lorsque le prénom du brun sortit de la bouche de mon ami. Ulysse. Oh mon dieu mais qu'allait-il penser en nous voyant ainsi ? Moi, accrochée au cou de Noé telle une sangsue, et le jeune homme me tenant serrée contre lui. Allait-il penser que nous étions ensembles ? Allait-il s'imaginer des choses toutes plus folles les unes que les autres ? Allait-il... Mais attendez, pourquoi je pense à ça d'un coup ? Ça n'a aucun sens, je n'ai pas le béguin pour Ulysse - du moins je crois - et lui se fiche complètement de moi, enfin, de moi en tant que potentielle copine. Alors pourquoi je me soucie tant de ce qu'il pense d'un seul coup ?

- Yo ! s'exclama le nouvel arrivant en checkant son meilleur ami. Salut Darla, déclara-t-il plus posément en glissant un regard vers moi. Je m'attendais pas à te voir, mais c'est cool que tu sois là !

- Ouais... C'est Noé qui m'a invitée à venir, expliquai-je en me détachant du jeune homme, quelque peu gênée.

- Dis plutôt que tu m'as supplié de t'emmener car tu ne voulais pas passer une seconde de plus avec ta cousine ! rétorqua le blond en lâchant un petit rire.

- C'est moi ou j'ai loupé un épisode ? questionna Ulysse, intrigué par je-ne-savais-quoi.

- Comment ça ? ajouta mon compère en passant son bras autour de mon cou.

Mes joues prirent une teinte carmin au fur et à mesure que je sentais les orbes verdoyantes d'Ulysse nous décrypter tous les deux. Je ne m'étais pas trompée, il s'imaginait bien des trucs alors qu'il n'y avait absolument rien entre Noé et moi, mis à part une amitié grandissante peut-être. Les battements de mon cœur s'accéléraient sans que je ne sache pourquoi : c'était sûrement dû à la présence du jeune brun, ce si beau jeune homme qui ne semblait pas me remarquer, surtout depuis que je traînais avec son ami.

- Bah j'sais pas. Vous êtes hyper proche d'un seul coup alors que jusqu'à lundi, je vous avais jamais vu vous adresser la parole. J'trouve juste que c'est bizarre, argumenta Ulysse en se pinçant la lèvre.

Il passa une main dans ses cheveux mouillés et jeta un petit coup d'œil dans ma direction. Oh mon dieu... C'est hyper gênant. Je ne savais plus où me mettre, ce garçon avait le don de me faire perdre tous mes moyens, et je ne les perdais presque jamais en temps normal ! Noé, à mes côtés, semblait plutôt satisfait à l'idée qu'Ulysse pense que nous étions ensembles : il allait pouvoir pavaner devant le restant de ses potes tout en criant haut et fort qu'il avait "pécho" contrairement à eux. Mais moi, je n'avais pas du tout envie de cela.

- On est potes, répliquai-je doucement en retirant le bras du blond. Juste potes.

- Ouais c'est ça, on est potes, répéta Noé en feignant un petit sourire. Enfin, j'avais proposé un rencard à Darla, mais il s'est avéré qu'on a fini par manger au mexicain comme deux vieux potes !

Ulysse se contenta d'hocher de la tête et esquissa un petit sourire, comme s'il était satisfait de la réponse de son meilleur ami. Soudain, un flot d'eau percuta mon visage, sans que je puisse m'y être préparée. Je retirai avec rage l'eau que j'avais dans les yeux et aperçus Noé, loin de moi, un petit sourire en coin au bout des lèvres, faisant des messes-basses au brun. Oh toi mon coco... Tu vas manger chaud ! Ni une ni deux, je renchéris, balayant la surface de l'eau avec force. Néanmoins, l'effet escompté ne fut pas celui que j'avais espéré, puisque ce fut Ulysse qui reçut tout sur lui. Il rigola légèrement et secoua sa tête dans tous les sens pour chasser toutes perles mouillées indésirables. À ses côtés, Noé était pris d'un fou rire et me regardait avec des yeux emplis de malice.

- Tu veux jouer à ça ? Viens on va jouer ! menaça Ulysse d'un ton amusé tout en s'approchant dangereusement de moi.

Et cinq minutes plus tard, il me sautait dessus et essayait de m'entraîner sous l'eau.

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- Est-ce que quelqu'un peut me dire pourquoi on a pris ce truc au lieu d'acheter des glaces ? demandai-je en pointant du doigt le pédalo jaune canari que mes deux compères venaient tout juste de louer pour une une heure.

- Parce que c'est vachement plus cool ! rétorqua Noé. Allez, fais pas ta princesse Darla ! Si tu veux tu pédales pas mais je t'en prie, ne fais pas la gueule.

- De toute façon, je comptais pas pédaler à la base.

- Et bah comme ça tout le monde est content !

- Bon, vous venez au lieu de déblatérer sur ce pauvre transport aquatique qui vous a rien fait ? lâcha Ulysse en se retournant vers nous, déjà installé sur le pédalo canari.

Nous courûmes à sa suite et nous nous installâmes à nos places respectives : Noé à l'avant à côté du brun, moi à l'arrière. Je m'allongeai sur la coque aux reflets banane, et manquai de basculer lorsque les deux garçons mirent en marche les pales rouges. Nous glissions doucement sur la surface verdoyante du lac et cela aurait été vraiment de la mauvaise foi de dire que ce spectacle n'était pas magique. L'étendue d'eau douce était encerclée d'arbre aux feuillages verdoyants, des enfants sautaient des plongeoirs en effectuant des sauts tous plus improbables les uns que les autres, et des familles se reposaient tranquillement, un soda à la main, assises sur les chaises en plastique du snack-bar.

J'avais vraiment l'impression d'être en vacances, enfin. J'avais l'impression de me retrouver dans un coin paradisiaque perdu au milieu de nulle part, et où la vie active aurait proliféré, donnant une touche de gaieté à cet endroit déjà si idyllique. Je rabattis mes lunettes de soleil devant mes yeux et fermai les paupières, savourant l'air parfumé de cette après-midi d'été. La conversation de mes deux accompagnateurs me paraissait lointaine, tant et si bien qu'il me fallut du temps pour réagir lorsqu'ils prononcèrent mon prénom.

- Darla ? Je parie cinq euros que t'es pas capable de danser la macarena en direction du sauveteur, lança Noé en se retournant vers moi.

- Mon cher, sache que c'est mal de parier avec moi..., rétorquai-je mystérieusement en commençant déjà à me relever.

Danser la macarena ? Pfff... Trop facile !

Aussitôt, je me redressai et tins bientôt debout à l'arrière du pédalo. Je cherchai du regard le sauveteur en... Bah en lac du coup, et glissai un regard de défi à mes deux camarades. Je fermai les yeux, pris une profonde inspiration et commençai à exécuter les mouvements ridicules qui constituaient cette danse que l'on appelait la macarena. Dans mon dos, j'entendais les deux adolescents fredonner approximativement les paroles jusqu'à ce qu'un tonitruant "Hey ! Macarena !" ne m'oblige à sauter sur la coque - pour changer de sens - et ne me fasse tomber dans l'eau gelée et trouble du lac de Montdesbois.