41||°"J'aime faire rire les gens"}

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Voiture, n.f. : Moyen de locomotion pouvant accueillir jusqu'à sept personnes, et où l'air est tellement chaud que l'on a l'impression de se trouver dans un sauna ambulant.

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- MOI J'DIS qu'il n'y a rien de tel qu'une petite virée à la fête foraine après cette merveilleuse victoire ! s'exclama Noé tendit que nous étions serrés dans le monospace de mon oncle.

À l'avant, Adrien avait enfoncé ses écouteurs dans ses oreilles et avait le coude appuyé contre le rebord de la fenêtre. De temps à autre, sa tête dodelinait légèrement et vu le rythme qu'elle prenait, je soupçonnais fortement le voisin de ma cousine d'écouter cette nouvelle chanson, Despacito. Mon oncle avait les yeux rivés, soit sur la route, soit sur le poste de radio, qu'il n'arrêtait pas de trafiquer à chaque fois que nous croisions un panneau stop ou un feu rouge.

Sur la banquette arrière, serrée entre mes deux amis (et plus et affinités pour un des deux) se trouvait mon corps de lâche. Je sentais mes cuisses suer suite au contact de ma peau et du siège en cuir bouillant, et espérais secrètement que mes jambes n'allaient pas se décoller en émettant un horrible bruit de succion. À ma droite, vêtu d'un polo blanc, d'un short beige et d'une casquette masquant ses boucles blondes, s'agitait Noé, qui ne semblait pas savoir comment s'installer. Il avait le bras en l'air et se tenait à la poignée de maintien à chaque fois que mon oncle s'engageait dans un virage.

Quant à Ulysse, il était blotti contre moi, le dos tourné vers la portière. Son bras était posé sur ma cuisse, et j'avais fort peur qu'il ne découvre à quel point je transpirais. Sa main était ouverte et ne semblait attendre que la mienne pour se refermer. Néanmoins, vu que mon oncle avait une vision directe sur moi - grâce à son rétroviseur - je me résignai à la prendre et fis comme si je ne l'avais pas remarquée.

Enfin, tout au fond du monospace, dans les places situées dans le coffre, étaient assises Chloé et Fanny, qui ne cessaient de déblatérer sur la dernière soirée du camping. Je dois tout de même vous avouer que mon ego avait particulièrement été flatté lorsqu'elles avaient mentionné mon petit show improvisé, et avaient dit que j'avais géré. Peut-être que cette peste qui me sert de cousine était sympa tout compte fait, ou peut-être qu'elle agissait ainsi juste parce que son père était dans la voiture. Humm... Ça restait à déterminer.

- Eh Papa ! T'aurais dû voir le show de Darla pendant la soirée karaoké du camping ! Il était trop cool ! s'écria soudainement la brune en souriant de toutes ses dents baguées.

- J'avais jamais vu ça avant ! renchérit Noé en retirant sa casquette. Et je pensais pas que Darla aurait été capable de monter sur scène, juste pour nous remonter le moral après le passage du gars et de son Céline Dion adoré !

- Ah bon ? Tu as chanté au karaoké, Darla ? répéta mon oncle en arquant un sourcil. C'est... Je ne m'attendais pas à cela.

Moi non plus à vrai dire. Mais je l'avais fait parce que j'aime faire rire les gens, pensai-je dans ma tête, un petit sourire aux lèvres.

- Écoute, faut bien que la jeunesse se dévoue pour amener de la nouveauté ici ! Parce que j'avoue que My heart will go on ça va cinq minutes ! ris-je en replaçant une mèche de cheveux derrière mon oreille.

Noé acquiesça avant d'imiter le quadragénaire en short de bain, qui avait fait des vocalises sur cette chanson totalement dépressive. Ulysse, à mes côtés, riait suite aux idioties de son meilleur ami, et je sentais mon dos se soulever au rythme de sa cage thoracique. Je me décalai de quelques centimètres et le ramenai contre le dossier en cuir du monospace : ce n'était pas parce que je n'appréciais pas le contact rapproché du jeune homme, mais disons que j'avais déjà très chaud et si je souhaitais éviter de coller à Ulysse, il valait mieux pour moi que je change d'appui.

- Moi j'ai bien aimé la chanson du Monsieur, ajouta finalement Chloé d'une voix lointaine, tandis que mon oncle se garait sur le parking de la fête foraine.

Personne ne lui répondit, et tout le monde sortit de la voiture transformée en sauna ambulant. Adrien délaissa ses écouteurs et les rangea dans la poche de son short. La ceinture avait fait une marque rouge le long de son cou, ce que Fanny ne manqua pas de lui faire remarquer. Le jeune homme se contenta alors de hausser les épaules et aida sa sœur à sortir du coffre de la voiture, puisque visiblement, Fanny n'avait pas été fichue d'aider sa meilleure amie à descendre. 

Dans notre rangée, ce fut Noé qui sortit le premier, sa casquette sur la tête cachant ses boucles dorées. Il me tint la porte alors que je passais, tel un gentleman, puis fit semblant de la refermer sur Ulysse. Le brun lui adressa un jolie signe du doigt et je ne pus m'empêcher d'exploser de rire en voyant la tête rouge de Boucle d'or, qui suffoquait littéralement dans son polo en coton. Il tira légèrement sur son col alors qu'Ulysse sortait de la voiture, et referma la porte derrière lui.

- J't'avais dit de pas mettre ça, déclara le brun à l'attention de Noé.

- Sauf que t'es pas ma mère à ce que je sache, reprit tout bas le blond tandis que mon oncle s'apprêtait à effectuer les dernières recommandations avant de s'en aller.  

- Les enfants... Enfin, les ados, se reprit Oncle Paul en constatant le regard noir de Fanny rivé sur lui. Je vais bientôt vous laisser sous la surveillance d'Adrien, mais en attendant, j'aimerais tout de même vous rappeler quelques petites choses. Tout d'abord, veillez à rester groupés et ne vous dispersez pas : on ne sait jamais si une personne mal intentionnée débarque et profite du fait que vous êtes seuls pour vous enlever. De deux essayez de ne pas vous attirer d'ennuis et n'hésitez pas à m'envoyer un message ou à me téléphoner s'il y a le moindre souci. Enfin, je vous souhaite à tous de vous amuser et de profiter de ce dernier vendredi soir tous ensembles ! acheva-t-il en ébouriffant légèrement mes cheveux. 

Fanny fit une dernière bise à son père avant que ce dernier ne parte, nous laissant seuls, livrés à nous même en plein cœur d'une fête foraine bruyante à souhait. Fanny et Noé furent les premiers à avancer, tandis que Chloé et son frère se chamaillaient à propos de l'argent que leurs parents leur avaient accordés : Chloé voulait tout récupérer pour elle, en prétextant que c'était elle la plus jeune et la plus propice à s'amuser, mais Adrien ne semblait pas l'entendre de cette oreille.

Quant à Ulysse et moi, nous nous mîmes en marche d'un pas lent, les bras ballants. Le jeune homme à côté de moi se racla la gorge et m'adressa un rapide coup d'œil, avant de détourner le regard lorsque je me rendis compte de son petit manège. Un sourire s'esquissa alors sur mon faciès brûlé par le soleil et j'attrapai la main de mon copain. Je sentis sa peau frémir à mon contact et lâcha un petit rire. 

- Je te fais tant d'effets que ça ? demandai-je d'un air taquin, une lueur joueuse perdue dans mes iris noisettes. 

- Pff, crois pas que tout est toujours à cause de toi non plus. J'ai froid, voilà tout, rétorqua le brun en faisant semblant de se désintéresser totalement de moi. 

Je lâchai sa main, rentrant à pieds joints dans son petit jeu, et m'arrêtai alors que nous venions juste de rentrer dans le parc d'attraction. Ulysse fit de même et me toisa, un sourcil arqué. Ses mèches folles tombaient devant ses yeux verts et je n'avais qu'une envie, qu'il les dégage afin de contempler son doux regard. Néanmoins, le jeune homme ne sembla pas recevoir le message que je venais de lui envoyer par télépathie, et se contenta de rester planté là, tandis que des gens devaient l'esquiver pour éviter de lui rentrer dedans. 

- Et bien... Si je ne te fais aucun effet, je pense que tu ne vois pas d'inconvénients à ce que j'aille voir Noé, pour lui déclarer ma passion pour lui encore inavouée, fis-je avant de m'élancer en courant en direction du blond. 

À peine avais-je effectué un pas qu'Ulysse encercla ma taille de ses bras fins et me tira vers lui. Puis il déposa un nombre incalculable de baiser sur mes joues, sous mon fou-rire grandissant. 

Ouais, c'est vachement démonstratif pour quelqu'un qui s'en fiche.

MOI, DARLAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant