18||°Exploration du grenier. Yo Gipsy l'araignée !}

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Grenier, n.m. : Endroit puant le renfermé, sujet à la moisissure et à la poussière. Attention ! Possibilité de tomber sur un nid d'araignée.

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QUI N'A JAMAIS RÊVÉ d'explorer un vieux grenier empli de poussière, et regorgeant d'histoires mythiques et de robes datant des années folles ?

Moi visiblement.

- Darla, tu peux me passer la lampe frontale, s'il te plaît ? questionna Fanny, agrippée à l'échelle menant au grenier.

- Tiens, grognai-je en lui tendant ce qu'elle souhaitait.

Ma cousine me remercia d'un bref sourire et poursuivit son ascension périlleuse. Aujourd'hui, mon oncle et ma tante, ces personnes perpétuellement occupées à bichonner leurs foutus animaux, s'étaient mis en tête que, Fanny et moi, nous allions passer notre après-midi à fouiller le grenier. Et vu que ce serait encore plus barbant s'il n'y avait pas eu de but précis, nous devions en plus de tout cela, trier les vieilles affaires et garder celles qu'on pouvait vendre à la broquante de samedi.

Youpi. Encore une superbe après-midi en prévision.

- Tu viens Darla ? Il fait vachement sombre ici..., commenta la brune en arrivant en haut de l'échelle. Heureusement que t'es pas phobique du noir, ajouta-t-elle d'une voix lointaine.

- Qu'est-ce qui te fais dire que je ne le suis pas, rétorquai-je en posant un pied sur un barreau de l'échelle.

- Tu serais pas venue me voir dehors en pleine nuit si ça avait été le cas.

- Touché.

- Allez, ramène tes fesses de rouquine au lieu de commenter tout ce que je dis.

Je levai les yeux suite à l'absurdité de ces propos et commençai mon ascension d'un air peu rassuré : il faut dire que la dernière fois que j'ai dû monter quelque chose, je m'étais retrouvée propulsée vers le sol. Heureusement, ce ne fut pas le cas cette fois et bientôt, j'atteignis le grenier où poussière et souris mortes régnaient en maîtres. Fanny me donna une lampe torche et m'aida grossièrement à me relever.

- Tu vois, t'es pas blessée ni morte.

- Ça ne saurait tarder..., râlai-je en jetant un coup d'œil aux alentours.

- Dis, pourquoi est-ce que tu ressens toujours le besoin de râler ? T'es jamais contente où ça se passe comment ? J'sais pas, c'est cool non ? Imagine qu'on tombe sur une malle pleine de déguisements comme dans les films ? On pourrait les mettre et s'inventer une vie. Mais comme d'hab', on peut pas faire des trucs comme ça avec toi, parce que le truc, c'est que t'es une grosse coincée qui sait pas rire ! s'exclama Fanny en me pointant rageusement du doigt.

- Moi une grosse coincée ? Moi je sais pas rire ? Excuse-moi de ne pas avoir un humour aussi lourd que le tien ! Et puis si j'râle, bah ça regarde que moi à ce que je sache ! Moi et moi seule ! m'exclamai-je en m'asseyant sur un vieux fauteuil qui traînait par là. Aïe !

- Qu'est-ce que t'as encore ?!

- Quelque chose m'a piquée dans le dos...

Je me relevai d'un seul coup et examinai, aussi bien que ma lampe torche me le permettait, le dossier de la chaise de style Voltaire sur laquelle je m'étais assise. Un bout de métal, pas plus grand qu'une pièce de deux euros, était enfoncé dans le bas du dossier, son bout tranchant dirigé vers moi. Je passai le doigt dessus et le retirai rapidement dès que j'eus une nouvelle fois touché l'objet. Je regardai mon index et vis qu'un petit point rouge menaçait de se former. Je détournai le regard, tout en me promettant que plus jamais je ne m'assiérai sur quelque chose alors que la lumière est absente.

- C'était quoi ? demanda Fanny en plissant le nez.

- Un bout de métal, rien de grave.

Le grenier était une vaste pièce regorgeant de vieilleries couvertes de draps blancs ; la poussière semblait s'être accumulée sur les meubles depuis des décennies et des décennies ; une odeur de renfermé emplissait l'atmosphère, tandis que des champignons semblaient pulluler dans les coins. On ne distinguait pas grand chose, et ce, même si les piles des lampes torches avaient été changées avant notre ascension. Des formes floues, des spectres d'antan occupaient la salle intimidante dans laquelle nous nous trouvions.

Fanny s'avança doucement vers le côté où le toit s'abaissait. D'une main hésitante, elle chercha du bout des doigts quelque chose que je ne saurais deviner. Enfin, dans un petit craquement, elle abaissa une sorte de poignée, et un faisceau lumineux traversa le grenier, nous aveuglant au passage. Ma cousine se décala, fière d'avoir pu trouver une source de lumière convenable, et rangea sa lampe dans la poche de sa salopette. Je fis de même et jetai un coup d'œil aux antiques objets.

Il y avait une malle posée au centre de la pièce. Le cuir était usé au coin et elle semblait avoir été fermée avec difficulté. La serrure était noircie et retenait difficilement le couvercle. Fanny s'avança et poussa ce dernier du bout des doigts. Un nuage de poussière s'éleva lorsqu'il heurta le sol, et une odeur de renfermé sembla sortir de la vieille malle. À l'intérieur reposait une petite pile de robes aux teintes fades, ainsi qu'un vieux bouquin : "Le mystère du Général Gauthier".

- La vache... Mais c'est là depuis quand ça ? s'étonna Fanny en s'emparant d'une des étoffes.

Ma cousine l'éleva dans les airs et la contempla d'un air admiratif. Je m'appuyai contre le fauteuil qui avait failli me transpercer le dos, et attendis qu'elle prononce quelque chose, parce que franchement, je me faisais grave chier. La brune aux dents ferrées plaqua la robe contre son frêle corps et lissa les pans tout en dansant légèrement. Elle semblait heureuse, comme une gamine à qui on aurait annoncé un séjour inédit à Disneyland : elle souriait telle une idiote, les yeux emplis de joie.

- Tes rêves se sont réalisés, t'as vu ? lançai-je en lâchant un petit rire. Maintenant il te reste plus qu'à la mettre et à t'inventer une vie.

- T'as raison, je vais faire ça..., rétorqua Fanny en baissant les yeux vers la malle en cuir. Mais je vais pas être la seule...

- Ah non. Non, non, non, objectai-je en voyant clair dans son petit jeu. Il est hors de question que je mette un truc aussi vieux et poussièreux !

- Allez Darla, c'est pour le fun ! argumenta-t-elle en attrapant une deuxième robe à froufrou.

- Non. Je refuse de mettre un truc comme ça. C'est totalement im... monde ! Fanny bouge pas t'as une bête d'araignée sur l'épaule ! m'écriai-je en pointant du doigt le monstre poilus.

Comprenez-moi, Fanny est arachnophobe depuis qu'une araignée s'est glissée dans sa chaussure et l'a piquée. Je me devais donc de la prévenir. Eh oui ! Je pouvais être une bonne cousine quand je le souhaitais !
En plus, l'araignée semblait être sortie de nulle part : elle avait l'air de nous fixer de ses dizaines d'yeux inexpressifs et monstrueux. Sûrement se demandait-elle ce qu'elle faisait là ? Sûrement regrettait-elle de s'être posée sur l'épaule de ma cousine, cette tueuse d'araignée en série ?

- Où ça ?! Où ça ?! cria-t-elle en lâchant le bout d'étoffe défraîchi.

- Bouge pas ! Bouge pas ! Je vais la dégager ! rétorquai-je en m'emparant de ma tong.

- Non, Darla ! Pas avec ça ! Je veux pas avoir le sang d'un des gosses de Spiderman sur moi ! protesta Fanny en agitant les bras dans tous les sens, tel un pantin désarticulé.

Et j'assainis un grand coup sur son épaule. Et Fanny hurla. Et je lui gueulai dessus en lui disant que sans moi elle serait morte. Et elle renchérit en disant que sans moi elle serait, certes, couchée par terre et roulée en boule, mais que son épaule ne serait pas souffrante. Et je m'écriai qu'il n'y avait pas de quoi en faire tout un plat et que ce n'était qu'une chochotte. Et Fanny affirma qu'elle n'était pas une chochotte. Et une centaine - bon, j'exagère peut-être - d'araignées sortit de la malle entrouverte, se déversant sur le parquet usé et poussièreux tel un flot de mini-monstres poilus.

MOI, DARLAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant