Une dangereuse attirance

Chapitre 1 : Savannah

-« Savannah ! » me réprimande une voix sévère.

-« mange tant que c'est chaud ! Je déteste jeter la nourriture »

Alysson, ma meilleure amie et colocataire est debout en face de moi, les mains posées sur ses hanches. Ses yeux d'un émeraude brute me scannent, mécontents.

Je tente de lui sourire mais échoue lamentablement, consciente que sous son regard, je ne suis plus qu'une petite fille prise en train de faire une vilaine bêtise et d'habitude, je perds très vite mes moyens devant son écrasante présence. Alysson peut être très intimidante lorsque l'envie lui prend de l'être.

-« je vais bien si tu veux tout savoir » je déclare en premier.

Vous voyez les films d'horreur où la majorité des personnages principaux sont simplement idiots et agissent la plupart du temps de manière irrationnelle ? Voila, c'est exactement ce qui vient de se passer. Ne jamais laisser à Alysson l'occasion de vous démonter, elle n'hésitera pas à le faire et là, je viens de lui servir sur un plateau d'argent, une raison de penser qu'en effet quelque chose me tracasse. Ce n'est pas si éloigné de la réalité que ça mais une certaine fierté m'empêche d'immédiatement craquer devant elle. J'attendrai encore un peu.

-« mauvaise réponse » répond-t-elle en secouant sa tête.

-« essaie encore » ajoute-t-elle.

Je soupire, vaincue à plate couture. Je ne m'attendais pas vraiment à tenir plus de cinq minutes sous son regard pénétrant qui s'échappe de ses sombres cils recourbés mais savoir que je n'ai pas tenu plus de trente secondes ne fait rien pour me remonter le morale. La personne qui aura le mérite de clouer le bec à mon amie, n'est pas encore née je le crains bien.

-« je ne sais pas ce qui m'arrive, j'ai juste envie d'un peu m'évader » j'explique distraitement, laissant ma cuillère remuer sans ménagement le contenu de mon bol à présent refroidi.

Je n'ai aucune idée de la manière dont je pourrai expliquer cette étrange sensation qui prend racine en moi. Je n'ai pas très envie de parler, mon seul désir se trouve en la satisfaction de m'éloigner de toute civilisation et de me terrer quelque part dans une compagne lointaine à vivre aux grés des vents et des saisons. Je ne veux pas de ce quotidien, revivre cette même journée encore et encore. Je rêve de renouveau, d'une nouvelle vie et c'est égoïste de ma part de penser qu'Alysson ne peut pas comprendre, je la connais, du moins, j'essaie de m'en convaincre, elle a vécu bien pire que tout ce que je pourrai imaginer.

-« je m'inquiète pour toi, parle-moi, dis-moi ce qui ne va pas » s'inquiète-t-elle en prenant place sur le tabouret vacant près de moi. Elle entoure mes épaules de ses mains puis m'attire contre elle dans une étreinte qui se veut rassurante.

J'ai conscience qu'Alysson est la pour moi, elle le sera sans doute encore très longtemps mais je ne suis pas d'humeur à converser. Pour une raison qui m'échappe, mon cœur saigne, incapable de me dicter quoi faire. J'en ai presque honte, j'ai une amie qui se préoccupe de moi, un appartement superbement décoré par nos soins alors de quoi ai-je envie ? Je ne suis qu'une ingrate.

-« ne t'inquiète pas Ally, ça va passer » je décrète en me servant sans grande conviction un verre d'eau bien froide.

-« ce n'est pas grave d'être déprimée de temps en temps, tu ne peux pas être souriante tout le temps, tu deviendrais creuse et sans fond » m'informe-t-elle en se saisissant d'une énorme part de gâteau qu'elle a préparé la veille.

Je médite sur le sens de ses paroles, elle n'en a pas vraiment l'air mais Alysson est très sage pour quelqu'un d'aussi jeune qu'elle. A tout juste vingt-et-un ans, elle me surprend toujours par sa façon de penser, ses réflexions sur la vie comme si plus rien ne pouvait l'impressionner, en comparaison, j'ai surement l'air d'une jeune femme de vingt-cinq un peu égoïste et sans grande personnalité. Oui, en d'autres termes je suis barbante.