Chapitre 22 ☽

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Les larmes aux yeux, je fixe mon assiette. Je sens le regard de mes deux amis sur moi. J'ai l'impression d'être en plein cauchemar : tout me paraît irréel et en même temps, si douloureux pour êtreréel. Edward et Eleanor finissent silencieusement leur repas alors que je ne touche pas au mien. Nerveusement, je tourne ma fourchette dans mes doigts si frêles. La vie est compliquée. Pour être sincère, elle est affligeante et amère. Elle vous inflige de profondes cicatrices qui prennent du temps avant de guérir et de disparaître. Soudainement, quelqu'un se met debout et je lève la tête avant de voir la silhouette d'Eleanor s'éloigner de mon champ de vision. Puis, ma vue se pose sur Edward qui reste. Je lui lance un regard plein de détresse et de peur : un appel à l'aide.

— Je ne peux pas te voir comme ça, souffle-t-il.

— Je n'y arrive pas, dis-je.

— Qui est-ce ?

— Encore elle, conclus-je avant de prendre mon plateau et de quitter la cafétéria.

Je pars, la tête baissée, le cœur fauché, les épaules raides. Comment puis-je porter autant de fardeaux sur mon dos ? C'est impossible. Pourtant, je connais l'unique moyen d'être heureuse mais je ne l'avouerai jamais. Tout simplement parce que cela n'arrivera pas et que c'est trop dangereux. Je ne dois pas baisser les bras, je dois être forte. Je ne veux rien d'autre que pouvoir me réveiller, un matin, le sourire aux lèvres, auprès de lui.

Le lendemain, mes larmes ont séché, ma peine a diminué mais les traces de l'amertume de Felicity sont toujours présentes au fond de mon cœur de cristal. Ni Edward ni Eleanor ne m'ont posé de questions à propos des évènements précédents. Eleanor sait à quel moment il faut me laisser et quand il faut persister. Edward lui, attend le bon moment, je le connais. Il ne m'abordera jamais devant sa sœur. Il attendra que l'on soit seul, quand je me sentirai en protection et qu'une confiance sera installée. Il a cette douceur si délicate et froide à la fois qui me fait chaud au cœur. Ensuite, il a ses sublimes fossettes qui ornent son magnifique et éclatant sourire. Dois-je parler de cette incroyable mélodie qu'est le son de son rire ? Ce que j'apprécie le plus, ce sont ses yeux car ils sont la porte de l'âme. Lorsque je m'y plonge, toutes sortes d'émotions pétillent au fond de mes poumons, de mon cœur et de mon estomac. Des millions de papillons volent et des étoiles brillent au fond de moi. Àchaque regard, je découvre une nouvelle parcelle de lui. Je peux lire sa sensibilité, sa gentillesse et toutes les attentions qu'il a exercé jusqu'à présent à mon égard. Personne n'a jamais fait autant pour moi et je crois que personne n'en fera jamais autant. En peu de temps, il est devenu le roi de mon cœur.

Installée sur le même siège qu'hier, mon regard est moins éteint. Je jette de temps en temps, quelques coups d'œil à mes deux acolytes et analyse parfois le décor autour de moi. Un silence s'installe. Personne n'ose parler. J'aimerais que ce silence dure pour l'éternité, pour qu'aucun mot ne me blesse, pour que personne ne cherche à savoir pourquoi je suis si faible, perdue et accablée. Aussitôt, mes yeux noisette s'arrêtent sur mon ancienne amie, aussi démunie que moi. Un sentiment étrange de culpabilité se forme au fond de mon estomac. Hier, elle m'a soutenu et aidé. En réalité, quand elle m'a sauvé, j'ai pu à nouveau apercevoir cette âme charitable qu'elle possédait auparavant. La veille, elle avait cette infime étincelle de bonté au fond de ses prunelles bleu pâle. Ces yeux pétillants pour lesquels je l'appréciais autant. Il suffisait d'un coup d'œil pour que je la comprenne et aperçoive toutes ses pensées les plus intimes.

D'une démarche déterminée, je me lève et m'élance vers Leïla. Devant sa table, j'hésite un instant avant de lâcher :

— Tu veux venir manger avec nous ?

Dernier EspoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant