Dernier Espoir

Chapitre 2 ☽

Un mois plus tard, je m'en veux. Je ne serai plus jamais heureuse. En effet, depuis ma sortie de l'hôpital, je vis dans une famille d'accueil qui a accepté de me prendre sous leur responsabilité. Cependant, je ne veux pas de leur compassion.

Pendant cette trentaine de jours, j'ai vécu l'horreur en boucle. Le cercle vicieux m'a prise de court et me tétanise. Pendant toutes ces semaines, je me suis assise en face de la fenêtre et ai contemplé les bâtisses en brique rouge qui me rappelle le sang. Toutes ces journées, je ne faisais que ça ou éclater en sanglots, faire des crises, être prise de rage, m'en vouloir, pleurer à nouveau, culpabiliser et dormir avec une migraine qui me frappe tant j'ai pleuré. Je ne mange pas. Je n'avale rien. Je bois quand même pour rester en vie et mange un peu le soir avec la famille. Mais rien n'a de goût, tout me paraît fade.

Savez-vous pourquoi je reste en vie alors que je n'ai aucune raison ? C'est simple : j'attends. Je patiente depuis un mois à l'attente de la réponse des services sociaux. Ma sœur a fait une demande pour devenir ma nouvelle tutrice légale. Par chance, elle a eu dix-huit ans il y a quelques mois. En revanche, rien ne garantit qu'ils accepteront. Aria n'a pas encore de logement ni de travail. Elle devait entamer ses études d'art le lendemain de l'accident. Depuis, je la vois à notre séance hebdomadaire chez le psychologue : Will.

Chaque semaine se résume à des vérités, des pleurs et des crises de rage.

— Tu dois en parler, Faith, me force-t-il.

— Je ne veux pas en parler, vous ne comprenez donc rien ! dis-je en guise de réponse.

— Tu as besoin d'être seule, c'est ça ?

— Exactement !

— Mais pour combler ce manque, tu t'accroches à ta sœur. Et un jour, elle va exploser car le poids sera trop lourd.

Je baisse les yeux. Non, je ne m'accroche pas à elle, c'est faux.

— C'est faux ! Vous ne faites que mentir ! Arrêtez vos conneries !

Et puis, je suis partie. J'en avais marre que l'on me dise ce que je devais faire et Aria, elle, est restée silencieuse, encore perdue et trop brisée pour parler. Elle n'a plus d'âme, ni d'esprit d'ailleurs.

Je sais que ma sœur est en mauvais état, elle est brisée en millions de morceaux. Elle est dans un état pire que le mien et c'est ce qui me terrifie. Je ne sais pas si elle va réussir à tenir, à espérer. Chaque semaine, je vois dans ses yeux que toute âme a disparu et que, derrière ses cernes, se cachent des nuits hantées, de l'alcool à haute quantité et des pleurs à n'en plus compter. Elle perd le contrôle de toute sa vie. Moi ? Je suis silencieuse, brisée et ravagée. J'aimerais en finir. Je ne veux plus lutter sachant qu'ils sont morts ! Ils sont morts ! Je n'en reviens toujours pas ! Pourquoi ai-je survécu et pas eux ? Pourquoi devrais-je mériter de vivre alors qu'eux, sont au paradis ? J'aurais dû y rester aussi.

Aussitôt, quelqu'un toque à la porte puis entre. Je reconnais le visage de ma sœur. Je me lève et la prends dans mes bras. Puis, lorsque je m'écarte pour la laisser respirer, ses yeux bruns sont bouffis par les pleurs.

— J'ai honte, tu sais, me déclare-t-elle.

— Tu ne devrais pas, je vis la même chose. Tout serait plus simple si je pouvais être auprès de toi.

— Oui, à ce propos, j'ai reçu la lettre mais je n'ose pas l'ouvrir, m'avoue-t-elle.

Elle sort de sa poche une enveloppe que je lui arrache des mains et m'empresse d'ouvrir. Je passe les salutations et commence à lire les premières lignes. Tout stipule qu'ils sont d'accord ! Ils précisent quand même que si Aria ne trouve pas de travail dans les six mois suivant le jour où nous signons le contrat, je devrais être prise en charge par quelqu'un d'autre. Pour la première fois depuis une éternité, des étincelles de joie scintillent au fond de moi. Je sers ma sœur dans mes bras mais quelque chose m'attriste : elle n'est pas contente. Cela ne lui fait ni chaud ni froid qu'elle puisse vivre avec moi.