Chapitre 34 ☽

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Toute la journée, j'ignore Edward et tente de remonter le moral de ma meilleure amie. Inquiète, Leïla est repartie pour son travail. Pour la rassurer, je lui ai promis de prendre soin d'Eleanor. Il est déjà tard et un silence règne dans toute la maison. Cara est allée se coucher et sa fille aussi. Je pense que le brun a fait de même. Quant à moi, je suis juste dans ma chambre à me morfondre. Je suis incapable de dormir dans ce vacarme muet. Je tourne en rond pendant plus d'une demi-heure. Agacée, je décide de me rendre dans le jardin et de regarder les étoiles. Je veux entendre le subtil son que provoque la douce brise d'été. Je descends discrètement les escaliers et me dirige vers le jardin. Lorsque j'ouvre la porte vitrée, je remarque une silhouette allongée dans l'herbe. J'ignore qui cela peut-être et décide de me rapprocher. Immédiatement, je discerne le corps d'Edward. Mes jambes se stoppent. Elles sont incapables de faire un pas de plus. Contre ma propre volonté, je m'efforce de continuer et marche vers le fond de l'enclos. Sans adresser un regard au garçon qui m'a brisé le cœur, je m'assois sur la balançoire. Lorsque je me laisse tomber dessus, le métal usé fait un bruit qui résonne fortement. J'écoute le silence qui se propage dans le vide alors que les étoiles nous illuminent. Je sens ce vide si calme qui m'accable à travers tout mon être. Après un long moment, Edward se résulte à parler :

— Les choses ont changé, lâche-t-il.

— À qui la faute ?

— Je n'ai rien fait pour que ça arrive, ajoute-t-il.

— Tu n'es pas venu une fois me voir à l'hôpital.

Aussitôt, il relève la tête et finit par se mettre debout. Son visage est crispé et ses yeux expriment un choc. Sidéré, il avance en ma direction puis finit par s'asseoir à côté de moi.

— Comment peux-tu dire ça ? Je suis venu tous les jours pendant que tu étais dans le coma ! Tu n'as pas vu toutes les roses rouges que j'aie déposées pour toi ?

— Non, tu n'es pas venu, dis-je complètement perdue.

Je réfléchis longtemps et réalise que rien ne me prouve qu'il n'est pas venu.

— C'était toi ? C'est impossible ! Je ne comprends pas pourquoi Cara ne me l'a pas dit...

Il ne répond rien. Je ne comprends rien. Mon cœur se fissure et quelques regrets apparaissent au fond de mon âme. C'est comme si ces deux dernières années auraient pu être utilisées. Seulement maintenant, tout est brisé. Notre relation a changé et notre alchimie a disparu. Nos sentiments autrefois embrasés ne sont plus que le bruit des vagues contre les rochers. Pendant un instant interminable, nous sommes blêmes et muets. Quand le vent se lève, je jette un coup d'œilderrière moi, par peur de souffrir à la vue de l'absence de son sourire. Nous sommes tous les deux brisés par la même force. Nous étions deux verres qui se sont fracassés l'un contre l'autre et dont les morceaux ont éclaté en milliards de fragments. Je suis un débris, exactement pareil qu'après l'accident. Ce n'est pas la même importance, le même mal ni même la même cause mais c'est douloureux. M'éloigner de quelqu'un que j'ai aimé est affreux. Enfin, je ne sais même plus ce que je ressens ni même si je l'aime encore. En y réfléchissant, après avoir vécu tout ce qu'on a vécu, c'est impossible que je ne ressente rien pour lui. Je n'ai même pas réussi à l'oublier alors que mes sentiments aient disparu me semble impossible. En effet, perdre la personne à qui j'ai tout confié, qui a partagé une grande partie de ma vie, qui m'a sauvé la vie à de nombreuses reprises et qui m'a aidé dans mon deuil est la pire sensation. Si je n'y pense pas, c'est supportable. Seulement, dès que je commence à me souvenir, tous mes organes se crispent, mon cœur convulse, ma gorge se noue et mon estomac se contracte. Je suis en quelque sorte paralysée et bloquée dans un corps presque inconnu. Ainsi, on attend juste que le temps passe, que la douleur s'estompe, que les souvenirs s'effondrent et que la cicatrice se referme. On attend que les jours passent et que les nuits défilent. Seulement, rien ne s'efface.

Dernier EspoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant