Chapitre 3

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La main contre cette vitre teintée, Clément l'observait comme si elle était une lionne prisonnière d'un zoo, plongé dans les ténèbres de la pièce.

Elle ne le voyait pas, elle, non. Elle fixait le vide, assise sur cette chaise en bois, entourée d'un blanc omniprésent. Les murs étaient blancs. La porte scellée était blanche. Le plafond et le sol aussi. Ce qui faisait tâche, c'était elle. Simplement et seulement elle.

On lui avait coupé les cheveux. Sa chevelure châtain clair ne touchait plus ses épaules, avec un côté plus long que l'autre qui cachait son œil gauche. Elle était habillée d'une simple combinaison grise, comme celle que Clément portait en permanence.

Elle fixait le vide, d'un regard froid animé par une rage inconnue. 000-C ne put s'empêcher de sourire. Puis une porte s'ouvrit, derrière lui.

- Tu fous quoi ? demanda sèchement 000-A, Andréa. Le boss veut nous voir, on t'attend depuis dix minutes !

Remarquant alors que Clément n'avait absolument pas fait attention à elle, Andréa s'approcha pour voir ce qu'il contemplait. Ses yeux s'écarquillèrent quand elle la vit. 000-A tourna son regard vers lui avant d'articuler :

- C'est...

- Oui, lui coupa la parole 000-C, ce même rictus satisfait sur le visage. Morgane.

- Oh mon Dieu. Ils ont réussi.

- À la perfection, même.

Lui effacer tous ses souvenirs de sa vie d'avant avait été un brio. Lui retirer toutes les émotions qu'un humain pouvait ressentir avait été une réussite. À présent, Morgane n'était qu'une chose : un robot de chair qui allait être entraînée pour tuer tout ce qui se mettrait sur son chemin.

- Pourquoi t'as choisi elle ? voulut savoir Andréa. À ce que tu m'as dit, il y en avait, des Destroyas, qui avaient un pouvoir bien mieux que contrôler des piafs.

- Car je veux les voir pleurer.

- Hein ?

Clément ne répondit pas instantanément. Il fit un rire mauvais avant de poursuivre, d'un ton détendu :

- Pour voir toute leur incompréhension quand ils la verront comme ça. Pour les voir pleurer de désespoir. Pour les voir détruits car l'un des leurs est de notre côté, à présent.

- Ouais... mais ça aurait aussi marché si tu avais pris celle qui contrôlait son ombre, par exemple.

- Ça n'aurait pas été pareil, déclara 000-C.

- Ah ouais ? Et pourquoi ?

Il repensa à Morgane. Puis à Axel. Son sourire s'élargit en imaginant le jeune adolescent anéanti en voyant celle qu'il l'aimait contre lui.

- Tu comprends pas, Andréa. Tu comprendras peut-être plus tard. Bref... le boss veut nous voir, c'est ça ?

000-A, assez perplexe, hocha la tête pour lui répondre. Ils sortirent de la pièce sombre, laissant Morgane seule face à ce qui semblait être un miroir, avec elle-même.

Avec le monstre qu'elle était devenue.


Face à leur supérieur, l'équipe 0 se murait dans le silence. Le dos droit et le regard imperturbable, ils le fixaient en attendant qu'il parle enfin. L'homme fit un rire jaune en les observant.

- Vous êtes enfin au complet, cracha-t-il. Parfait. Tout d'abord... je voudrai manifester ma déception de voir que vous ne L'avez toujours pas attrapé.

- Il est beaucoup trop fort, Monsieur, se défendit Mathieu. C'est...

- Silence, 000-M ! Nous avons besoin de Lui, dois-je te le rappeler ? C'est une arme à Lui tout seul ! Nous ne pouvons pas Le laisser libre dans la Zone Fantôme !

Un silence s'installa. 000-C baissa les yeux. L'attraper, c'était saisir l'insaisissable. Battre l'imbattable. Vaincre l'invincible.

- Enfin bon, grogna l'homme, contrarié. Que voulez-vous que l'on y fasse ? Nous y parviendrons bien, un jour, à force d'épuiser ses hommes, les Destroyas qui Le suivent sans réfléchir comme de stupides esclaves. Oh, en parlant de ça...

Leur supérieur riva son regard sur Clément. Il fit un sourire en coin avant de lui dire :

- Malgré tout, félicitations pour en avoir capturer une. Même si ce n'est pas la plus utile.

- Les scientifiques vous ont-ils fait le rapport sur les tests qu'elle a subis ? demanda calmement 000-C.

- Oui. Un franc succès. Ils ont fait du bon travail.

Il se leva de sa chaise, les yeux toujours posés sur le Destroya qui contrôlait la télékinésie, des feuilles dans la main. Les quatre autres membres de l'équipe 0 fixèrent Clément d'un regard froid, Nicolai pesta en chuchotant.

- Morgane Othello, rappela l'homme en examinant les papiers qu'il avait en sa possession. Seize ans et originaire d'Avignon. Contrôle des volatiles.

- Exactement, acquiesça 000-C.

- Elle s'est réveillée avec un regard noir, sans vie, sans émotion. Elle dévoile une agressivité accrue avec toute personne s'approchant un peu trop d'elle.

- C'est pour cela que les scientifiques l'ont isolée dans une pièce, coupée du monde, Monsieur.

- Pourquoi elle, 000-C ?

- Car elle a des amis, de très bons amis, et même un copain à ce que j'ai remarqué. Et j'ai envie de les voir se décomposer devant mes yeux, quand ils seront face à elle. J'ai envie de les voir la supplier de redevenir comme avant.

Un rire s'échappa de la gorge de leur supérieur. Tous les autres, à l'exception d'Andréa, regardèrent Clément avec des yeux ronds. Dina semblait dégoûtée, Nicolai et Mathieu s'échangèrent des regards satisfaits. 000-A resta de marbre.

- Astucieux, avoua l'homme après s'être éclairci la voix.

- Merci, Monsieur.

- Enfin, cessons de t'envoyer des fleurs comme si tu avais fait quelque chose de véritablement exceptionnel, comme Le capturer par exemple. Si j'ai demandé à vous voir, équipe 0, c'est pour vous prévenir que vous allez bientôt repartir dans la Zone Fantôme. Nous L'avons localisé, après tout. Nous allons les attaquer, les massacrer, jusqu'à qu'Il se rende enfin.

- Quand, exactement, Monsieur ? voulut savoir 000-D.

- Ouais, quand ? s'impatienta 000-N, un cruel rictus tirant ses traits.

- La nuit prochaine, je pense, déclara leur supérieur. Nous enverrons Morgane avec vous.

- Parfait, souffla Clément en souriant machiavéliquement.

- Je compte sur vous pour me Le ramener. Je veux Le voir dans mes laboratoires, le plus tôt possible. Tout cela a trop duré, vous comprenez ?

- Oui, Monsieur, répondirent en chœur les Destroyas.

- Maintenant, disposez. Je vous donnerai des informations sur votre mission demain, dans la matinée.

Ils hochèrent tous la tête pour le saluer avant de sortir de son bureau. Les membres de l'équipe 0 se regardèrent, 000-N étouffa un rire cruel avant de cracher :

- C'est moi qui Le choppera, je vous le garantis.

- Arrête tes conneries Nicolai et tente déjà de faire ton taf correctement, le corrigea Andréa d'un ton sec.

- Ta gueule, toi.

- Oh, vous allez pas commencer à vous battre, tous les deux ? s'interposa Mathieu, d'une voix forte. C'est bon. Demain, on retentera le coup. Et puis... euh... Clément, tu vas où ?

Mais 000-C ne l'écoutait pas.

Clément s'éloigna, se dirigeant tout droit vers la cellule de Morgane.

DESTROYAS III : War is the AnswerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant