Chapitre 28

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Assis sur son lit, noyé dans un silence parfait, Clément contemplait son masque à gaz, l'effleurant du bout du doigt avec lenteur et délicatesse. Seulement son couvre-chef brisait le blanc omniprésent qui entourait l'adolescent, il lui rappelait aussi à quel point il aimait cette couleur.

Le rouge lui rappelait le sang de ses ennemis.

Puis 000-C leva les yeux vers son tableau en liège. Une de moins, plus que deux à éliminer. Cette pensée le fit sourire. Morgane avait fait du bon travail, Clément ne pouvait pas le nier. Personne ne pouvait le nier.

Elle avait été vraiment utile. C'était fantastique.

Il posa son masque à gaz sur son lit et s'approcha des photos de ses ennemis. Plus que deux... les jours de Klein et d'Aelter était comptés, à présent. Le sourire de Clément s'élargit. C'était parfait.

Tout se déroulait comme il l'avait prévu.

Dans le meilleur des mondes.

000-C se mit de nouveau sur son lit, les yeux sur son tableau de liège. Bientôt, Clément allait pouvoir dormir en paix, après avoir détruit tous les démons qui hantaient son esprit. Armande et Axel allaient être les prochains sur la liste, et il allait prendre un malin plaisir à les voir mourir devant ses yeux. Quitte à les tuer de ses propres mains.

Clément se perdit dans ses sombres pensées, le regard vide mais un sourire malsain tirant les traits de son visage. Il ne réalisa donc pas qu'Andréa venait de rentrer dans sa chambre avant de s'asseoir sur le lit de l'adolescent, dos à lui, le regard loin de ce satané tableau. 000-A soupira avant de déclarer, fissurant ce calme qui écrasait la pièce :

- Le boss est furieux.

- Oh.

- Il m'a dit que nous étions seulement des erreurs.

000-C ne lui répondit pas. Ce que leur supérieur pensait, il n'en avait rien à faire : de toute façon, Clément commençait à en avoir marre, de servir un homme aveuglé par un objectif irréalisable, comme lui. Andréa poursuivit, d'une voix attristée :

- Il reste plus que toi, Morgane et moi.

- En effet.

- Nicolai est mort, Clément.

- Je ne l'aimais pas.

- Personne ne l'aimait ! s'exclama l'adolescente. Mais... ça me fait de la peine. On a grandi avec lui, Mathieu et Dina, et... ils sont tous les trois morts. Il reste plus que nous.

Clément comprenait ce qu'elle ressentait... mais n'en souffrait pas. Car 000-C ne ressentait rien, aucune peine, aucune colère, après la mort des autres Destroyas qui étaient ''ses camarades'', si on pouvait les appeler comme ça. Il soupira avant de lui répondre, d'une voix monotone :

- C'est comme ça.

- Ouais, c'est ça, cracha Andréa d'un ton amer, mais sans s'énerver. C'est comme ça, Clément. On y peut rien. Bordel, qu'est-ce que je peux te détester.

- Nous n'avons pas été crées pour aimer et lier des amitiés, tu sais. Même pas entre nous. Nous sommes ici pour servir l'État.

- Je le sais. On était pas censés voir le jour tout court. On est pas des humains.

- Nous sommes des Destroyas, entre autre, répondit 000-C.

- Même. On est pas des Destroyas normaux.

Andréa baissa la tête puis fit un sourire douloureux. Clément ne la regardait même pas, subjugué par le tableau horrifiant qu'il avait lui-même dressé.

- J'aurais préféré ne jamais naître, déclara 000-A d'un ton brisé. Pourquoi fallait que ça tombe sur moi ?

000-C ouvrit la bouche pour lui répondre mais elle lui coupa la parole, en ricanant d'une façon fausse puis en crachant :

- Oh, et me sors pas un ''c'est comme ça'' tout pourri, toi. Toi aussi, t'as jamais demandé à vivre, hein ?

- C'est vrai, avoua Clément d'une voix absente.

- Tu regrettes d'être là, toi ?

Un silence. Il ne s'était jamais posé la question et il ne voulait pas de la réponse. La seule chose qu'il put articuler fut :

- Je ne sais pas, Andréa.

- Peut-être que, dans un autre monde, t'es un adolescent parfaitement normal. T'as un nom de famille, une routine, une autre vie, des amis. Peut-être que, moi aussi, dans un autre monde, j'ai tout ça.

- Qu'est-ce que t'as dit le boss, à rapport à notre dernière bataille ? demanda Clément pour briser un calme bien trop pesant qui s'était installé, mais aussi pour changer de sujet.

- Les soldats s'affaiblissent et se font de moins en moins nombreux. Ils vont voir pour essayer de remplacer Mathieu, Dina et Nicolai par d'autres Destroyas artificiels. Ça va prendre du temps, donc on est libres pour le moment, jusqu'à nouvel ordre.

000-C fronça les sourcils. Il lui restait seulement deux cibles à abattre, il n'avait pas le temps de s'arrêter en si bonne route ! L'adolescent jura à voix basse, Andréa lâcha un autre soupir puis dit :

- C'est mieux comme ça. Toutes ces guerres qui se répètent inlassablement me fatiguent. Et toi aussi, en passant. Elles te rendent plus faible mais que tu t'en rends pas compte. Faut en profiter pour se remettre de tout ça, quoi.

- Probablement. Et Morgane ?

- Elle est blessée. La Destroya qu'elle a tuée, je sais plus son nom, bah...

- Laureline Crowed, lui coupa la parole l'adolescent après un ricanement inquiétant.

- Ouais bah, elle, Laureline, l'a quand même pas mal amochée. Morgane est coupée un peu de partout et elle a perdu beaucoup de sang. Mais ça va, d'après des scientifiques, elle va s'en sortir sans le moindre problème.

- Tant mieux.

Ils ne s'adressèrent plus la parole pendant un long moment. 000-A jeta un coup d'œil inquiet au tableau de liège qui était accroché au mur. Le feutre rouge qui balafrait les photos des cibles abattus de Clément ressemblait au sang de ces victimes en question. Ça lui donnait froid dans le dos.

000-C, lui, devait vaincre cette vague de préoccupation qui l'étouffait. Donc, accomplir sa vengeance allait prendre beaucoup plus de temps qu'il l'avait imaginé ? Lui qui était si pressé de voir ses deux dernières proies se vider de leur sang devant ses yeux ravis de ce spectacle macabre ! Clément se mordit la langue pour empêcher un grognement contrarié de s'échapper de sa bouche.

- Je vais aller me reposer, déclara 000-A en se levant et en s'approchant de la porte.

- D'accord. À la prochaine, Andréa.

- À plus tard. Ah, oui, avant que je m'en aille... Clément...

000-C se tourna vers elle, un sourcil levé. L'adolescente ravala sa salive avant de dire, en détournant le regard :

- Le boss est vraiment déçu de toi et de ton comportement. Il vaut mieux pour toi que tu le croises pas pendant un petit moment.

Puis Andréa disparut. Cette remarque le laissa parfaitement indifférent, l'adolescent se leva et s'approcha de son tableau. Il toucha la photo de ces deux derniers ennemis, un sourire satisfait au visage, avant de chuchoter :

- Ce n'est plus qu'une question de temps, Armande Klein et Axel Aelter. Tout simplement. Préparez-vous.

Leurs noms résonnèrent dans sa tête, tel un tambour sordide qui annonçait l'arrivée de cette fatalité que l'Homme craint plus que tout.

Armande Klein...

Axel Aelter...

Ce n'était plus qu'une question de temps.

DESTROYAS III : War is the AnswerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant