Chapitre 26

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Ce fut Baptiste qui enterra le corps de son bras droit, devant les regards attristés des Destroyas survivants.

Des six autres Destroyas survivants.

Un silence sinistre les écrasa tous. Axel n'osa pas croiser le regard de quiconque, il fixa la tombe de son tout dernier ami, Mathys. Et c'était son propre meurtrier qui l'ensevelissait sous terre devant eux.

Quelle horrible ironie.

Son épaule lui faisait toujours aussi mal. L'inconnu au masque à gaz l'avait blessé avant qu'Axel ne le tue, un bandage écarlate entourait son bras jusqu'au coude. Le Destroya se demandait toujours pourquoi Baraka l'avait soigné, alors qu'elle aussi le détestait du plus profond d'elle-même.

Quand il eut terminé, leur chef se retourna vers les six derniers Destroyas. Son regard baissé reflétait toute sa peine, sa douleur, sa tristesse d'avoir perdu son bras droit, cet adolescent qui l'accompagnait jour et nuit. Baptiste se racla la gorge avant de déclarer :

- Aujourd'hui, nous avons de nouveau perdu des êtres chers à nos yeux. Ils étaient nos amis, des membres de notre grande famille. Ils ont rejoint ceux qui sont déjà partis, là-haut. Loin.

Le Destroya qui pouvait arrêter le temps voulait lui hurler de se taire. D'arrêter de jouer la comédie. Qu'il savait tout sur lui, que Baptiste n'était qu'un monstre, le Diable à l'apparence humaine et aux yeux de tempête. Axel en avait assez, de tout cela ! Il fallait que cela cesse !

Mais... qui le croirait, s'il disait toute la vérité ? Personne ne le prendrait au sérieux car, maintenant, Axel était seul. Il n'était qu'un spectre, un mauvais souvenir, une écharde qu'on chercherait à enlever à tout prix. Il baissa la tête et serra la mâchoire, pour étouffer un cri de rage, de frustration et de souffrance.

- Mathys était mon meilleur ami, poursuivit Baptiste d'une voix plus calme. Il a été une personne très importante pour moi, mais voilà qu'aujourd'hui, un soldat m'a retiré celui qui m'écoutait, me conseillait, m'aidait en permanence. Tout comme l'État nous a retiré nos amis, un par un, dans le seul but de nous affaiblir, de nous faire de la peine, de nous détruire.

Un silence s'installa. Les ongles de l'adolescent se plantèrent dans ses propres paumes, les jointures de ses mains devinrent aussi pâles que la Mort. Baptiste mentait depuis le début et ils buvaient ses paroles, sans se rendre compte la moindre seconde que sa bouche ne faisait qu'enchaîner des mots empoisonnés par l'hypocrisie ! Axel jeta un coup d'œil vers les autres Destroyas, Clara ravala un sanglot, la tête haute et fière, mais prête à exploser en larmes au moindre instant. Leur chef se tourna vers la tombe de son bras droit et s'agenouilla.

- Au revoir, Mathys. Tu me manques déjà et tu me manqueras cruellement, jusqu'à que je vous rejoigne tous, mais je ne me laisserai pas abattre pour autant. Repose en paix et dis aux autres de pas s'en faire, d'accord ?

Sa voix se fissurait progressivement. Les yeux rivés sur la motte de terre qui recouvrait le corps de l'adolescent à la chevelure brune, le Destroya qui pouvait arrêter le temps entendit Baraka pleurer, derrière lui. Elle fut vite accompagnée par Clara qui ne put tenir plus longtemps ce raz-de-marée d'émotions qui ébranlait son âme.

Baptiste se releva et leur fit de nouveau face, les regardant avec ses yeux bleu-gris légèrement embrumés. Il inspira lentement, tout en maîtrisant sa tristesse et en restant fier devant le peu de Destroyas qui lui restaient. Après un lourd silence affligeant, leur chef reprit la parole, d'une voix plus forte :

- Clara, Baraka, André, Guilhem, Armande et Axel. À présent, c'est nous contre Avignon toute entière. Si j'étais lâche, je vous proposerai de fuir loin, très loin, afin de disparaître aux yeux de l'État. Mais... non, cela ne se passera pas comme ça. Car nous sommes forts. Car nous sommes leur pire cauchemar. Car nous sommes des Destroyas !

DESTROYAS III : War is the AnswerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant