Fin

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Fantôme de chair, il marchait dans un monde dont il ignorait les paysages. Seul face à ses démons, Axel poursuivait sa route.

Depuis combien de temps avançait-il, s'enfonçait-il dans ce qui semblait rester la Zone Fantôme, sans relâche, sans une minute de répit ? Le Destroya ne le savait pas. La tête basse, les pas lourds, les bras pendus le long de son corps, il ne faisait qu'avancer.

Ses blessures s'étaient infectées et le poussaient à l'agonie, mais Axel fit mine d'ignorer. Ses yeux le brûlaient de fatigue et ses jambes le menaçaient de le faire s'effondrer d'un moment à un autre, statue instable et marquée à jamais par les coups qu'on lui avait donnés. Le Destroya était exténué. Trop exténué pour se reposer.

Son corps le tiraillait et son âme le suppliait de renoncer, mais ses pensées le rendaient sourd. La faim lui torturait l'estomac, mais cela faisait des jours qu'il n'avait pu se nourrir. Les nuages gris l'accompagnaient dans son pèlerinage funèbre, mais ils ne pleuraient pas. L'air étouffant du monde lui donna assez d'oxygène pour lui permettre de progresser. Mais jusqu'à où ? Et pourquoi ?

Puis un bruit singulier attira son attention. Ses yeux s'écartèrent. C'était la première fois qu'il entendit un son comme celui-ci... répétitif, apaisant, tout droit venu du Paradis. Une odeur salée s'engouffra dans son corps, Axel accéléra le pas.

Il descendit une butte de sable sombre, en manquant plusieurs fois de chuter en avant. Le Destroya s'arrêta devant cette étendue infinie d'eau, ce miroir d'un triste azur de la Terre, s'étendant jusqu'au ciel triste qui voilait leur monde, il s'y approcha avec lenteur. Ses pieds ankylosés se heurtèrent à des cailloux et à des coquillages tranchants, mais Axel avança. Il avança jusqu'à que l'eau puisse le toucher, le frôler.

Le Destroya admira la mer, bouche bée. C'était la première fois qu'il la voyait, en quinze ans d'existence. Axel se rappela alors que la voir une fois dans sa vie était l'un des rêves de Morgane. Son cœur, déjà bien trop blessé et désespéré, se serra brutalement. Il laissa échapper un cri de douleur et de lamentation, des larmes se mirent à perler au coin de ses yeux.

Elle aurait tellement voulu être avec lui, dès maintenant, face à la mer, avec cette odeur de sel autour d'eux...

Ils auraient pu vivre heureux, malgré cette corvée d'être des Destroyas...

Axel et Morgane auraient pu faire de grandes choses, seulement à eux deux !

Mais il a fallu que la vie décide autrement. Que le temps désire de les voir se séparer, se déchirer, se mourir à petit feu.

- C'est magnifique, n'est-ce pas ? articula-t-il, de sa voix torturée. Hein ? Est-ce que tu es contente de l'avoir vue, maintenant, Morgane ?

S'attendait-il à une réponse de sa bien aimée disparue, transmise par les vagues qui dansaient devant lui ? Il l'ignorait. Axel explosa en sanglots en repensant à son âme sœur, en repensant à son visage, à ses rires, à ses baisers. Ses jambes cédèrent enfin.

Il tomba en avant, sa joue rencontra le sable froid de cette plage. De la délicate écume effleura son visage meurtri, emportant avec elle les larmes de souffrance de l'adolescent. Axel ne sentait plus son corps dans toute son intégralité. Ses paupières étaient devenues bien trop lourdes pour lui. Ses plaies étaient devenues aussi inquiétantes que son état en général. Le Destroya ne sentait même plus son propre cœur battre.

Un bourdonnement étrange prit d'assaut son crâne. Sa vue se rétrécit, Axel se laissa faire : il ne chercha plus à se battre d'avantage. Il était fatigué de tout cela. Il avait tout simplement renoncé.

Après tout, pourquoi continuer à lutter, lorsque il n'y avait plus aucune raison de se dresser contre l'horrible fatalité ?

Le Destroya ferma ses yeux brûlés par ses pleurs inarrêtables. Le bruit des vagues le berçait, comme une mère aimante qui endormirait son enfant. Il n'y avait personne, il était seul, seul contre son destin qu'il ne cherchait pas à combattre. L'adolescent crut entendre des voix, au loin, celles de ses amis et celle de sa bien aimée, lui disant qu'ils étaient là.

Qu'ils l'attendaient.

Qu'il n'était plus seul, à présent. Qu'ils allaient tous être de nouveau réunis, pour l'éternité et dans un monde sans peine ni souffrance.

Ce fut ainsi qu'Axel mourut, abandonné de tous et vaincu par cette tragédie qu'était sa vie de Destroya.

DESTROYAS III : War is the AnswerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant