Chapitre 15

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Baptiste avait eu la clémence d'enterrer Quentin juste à côté de leur premier ami disparu.

Axel et ses trois amies ne pouvaient pas lâcher la tombe des yeux. Quatre. Ils n'étaient plus que quatre. Le Destroya qui pouvait arrêter le temps voulut hurler jusqu'à s'en casser la voix, mais il se mura dans ce silence morbide qui était celui qui régnait, lorsqu'on pénétrait le monde des morts.

Gwenn avait été enterré plus loin, des Destroyas se recueillaient devant la motte de terre qui ensevelissait son corps. Axel frissonna : c'était de sa faute, de sa seule et unique faute, si le jeune homme était à présent à six pieds sous terre. Il s'en voulait cruellement, si cruellement qu'il aurait voulu remonter le temps pour changer le cours de l'histoire.

Mais il pouvait seulement arrêter le temps, pas le manipuler...

Leur chef était absent, Mathys aussi. À part les quatre amis de Quentin, tous étaient agglutinés devant la tombe de Gwenn. Armande renifla tout en pleurant en silence. Mila tapait du poing le sol sec de la Zone Fantôme, à des intervalles réguliers, les yeux écarquillés et le corps grelottant. Quant à Laureline, agenouillée, elle marmonnait des paroles que personne ne pouvait entendre.

Et Axel était là, lui.

Debout devant cette planche de bois où était gravé ''QUENTIN''.

Impuissant.

Bouleversé.

Perdu.

Soudain, Clara se redressa, la tête baissée et la mâchoire serrée. Sa respiration était bien trop rapide pour croire qu'elle était calme, ou bien trop touchée pour exprimer sa colère. Elle fulmina, en tapant violemment le sol avec sa botte :

- On va la crever ! Je vous jure, la prochaine fois, je la rate pas !

- Calme-toi, fit d'une voix calme Léa. T'énerver ne servira à rien.

- Mais Gwenn est mort ! Et cette tarée va tous nous tuer ! Si c'est pas l'un de ses nouveaux copains qui nous massacre avant elle, bien sûr !

La Destroya qui pouvait tout faire exploser lança un regard meurtrier à celui qui pouvait arrêter le temps. C'est seulement à ce moment-là qu'Axel remarqua le bras intégralement bandé de Clara, rougi au niveau de son épaule. Elle s'approcha de lui avec une démarche rapide, la rage tirait les traits de son visage en une expression sauvage et incontrôlée. Léa et Gabriel s'empressèrent de la rattraper afin d'éviter tous dommages collatéraux... ils l'attrapèrent par la taille et par son bras intact pour l'empêcher d'empoigner l'adolescent par le col, de le mettre au sol et de lui faire comprendre sa haine à coups de poing bien placés.

Axel en resta abasourdi, il ne put que reculer, le regard rivé sur cette Clara blessée et enragée. Elle cria, d'une voix à en faire trembler le monde entier :

- Je te jure, ta copine, ta putain de copine, je la revois, je la fais exploser sans réfléchir ! Et tu sais quoi, Axel ? Gwenn serait encore vivant si t'avais bougé ton cul !

- Clara, calme-toi ! ordonna Gabriel d'une voix plus dure, en la tirant en arrière.

- Non, je me calmerai pas ! Gwenn est mort !

- Clara...

- GWENN EST MORT À CAUSE D'EUX DEUX !

La Destroya qui pouvait tout faire exploser laissa échapper un grognement digne d'une créature sordide avant de poursuivre, après un bref rire ironique :

- Morgane aurait dû te tuer, Axel. Pas Gwenn. Ou t'aurais dû la tuer, à la place de la contempler comme si c'était une déesse. Bordel... pourquoi il s'est sacrifié pour un gosse comme toi ?

- T'énerver ne fera qu'aggraver les choses, dit Léa en tentant vainement d'apaiser sa fureur explosive. Gwenn ne voudrait pas te voir dans des états comme celui-là.

- Sauf que Gwenn n'aurait pas voulu mourir non plus, Léa !

- Je sais, mais...

- Putain de Morgane de merde ! Que jamais, au plus grand jamais, elle se mette sur mon chemin ! Je lui ferai la peau !

- MAIS C'EST PAS ELLE, PUTAIN !

Un silence s'installa. Tout le monde remarqua Axel d'un air sceptique. Il tourna son regard vers ses trois amies, Laureline et Mila détournèrent le regard, Armande lui lança un regard noir. Des murmures retentirent autour d'eux, Clara explosa de rire.

Le Destroya qui pouvait arrêter le temps avait l'impression qu'il allait craquer. Qu'il n'allait plus avoir la force de rester dans cette situation éternellement. Pourquoi personne ne le comprenait ? Pourquoi personne ne le croyait ? Il disait la stricte vérité, et tout le monde le pensait fou ou suivant la route de la décadence !

- T'es totalement mongol, termina celle qui pouvait tout faire exploser. Tout simplement mongol. Tu crois faire ton héros, mais t'es juste un abruti. Tu crois quoi ? Que cette connasse va, du jour au lendemain, revenir et réaliser qu'elle a été du mauvais côté ?

- Je te permets pas de la traiter comme ça, s'emporta-t-il enfin, d'un ton caverneux, espèce de péta...

- Axel, c'est bon, cracha la Destroya qui pouvait se téléporter d'un ton glacial, en lui saisissant le bras. Laisse-la.

Cette fois-ci, ce fut lui qui la regarda d'un air mauvais. Clara lâcha un rire amer avant de donner un coup violent d'épaule, se libérant de l'emprise de Gabriel et de Léa. Elle tourna les talons et s'en alla du cimetière, tous les Destroyas la suivirent en silence. Ils regardèrent l'adolescent avec des yeux marqués par le jugement, par la haine et même parfois par la pitié, mais n'articulèrent pas le moindre mot, ne voulant pas rajouter de l'huile sur le feu.

Les ongles d'Armande se plantèrent dans la peau de l'adolescent, mais Axel ne ressentit aucune douleur. Laureline et Mila s'échangèrent un regard, inquiet comme fâché, avant de tous les suivre. Celle qui pouvait se téléporter le lâcha enfin, elle articula d'une voix indifférente :

- Ne prononce plus jamais son prénom quand tu seras parmi nous, pigé ? Enfin... même si je doute que l'on ait encore une valeur à tes yeux, à présent.

Puis, à son tour, Armande l'abandonna. Il se retrouva entouré de tombes de fortune, de Destroyas défunts qui avaient essayé de survivre à cet Enfer sur Terre. Axel tomba à genoux, tout simplement dépassé par tout cela, il martela le sol avec des poings serrés par une colère noire et un profond désespoir.

Que faire ? Tout le monde lui tournait le dos... sauf Baptiste. Seulement lui comprenait pourquoi l'adolescent agissait ainsi, mais était-ce le chef qui savait le mieux ce qu'il ressentait pour Morgane ? Non. Ses amies, encore vivantes, le savaient très bien. Mais elles refusaient d'admettre qu'Axel pourrait bien avoir raison...

Si ce n'était pas sur le champ de bataille où l'adolescent allait trouver la mort, cela serait la folie qui le pousserait à bout. Comment s'échapper de cette vie machiavélique qu'il menait à contrecœur ?

De cette vie de Destroya ?

DESTROYAS III : War is the AnswerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant