Chapitre 23

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Repenser à cette Mila dépourvue de visage, à son sang rependu sur le sol, aux morceaux de son cerveau éparpillés aux quatre coins du champ de bataille, procurait un plaisir fou à Clément.

Il barra la photo de l'adolescente de cette même croix écarlate, un sourire forcé par la fatigue, l'euphorie et l'obsession. C'était si incroyable, si surprenant... si beau ! Ils mouraient, chutaient un par un, se détruisaient, se brisaient, pleuraient. Et Clément, lui, les observait, rigolait et se nourrissait de leur désespoir.

Plus qu'Armande Klein, Laureline Crowed et Axel Aelter. Plus que trois sur six.

Pourtant, une question le tracassait...

Que faire de Morgane, après cette malsaine vengeance personnelle ? La garder dans les laboratoires de l'État ? L'abandonner dans la Zone Fantôme ? S'en débarrasser comme un vulgaire déchet ?

000-C ferma les yeux et expira avec lenteur. Il y avait plus urgent à régler... comme le cas de ses trois dernières cibles, par exemple. Il frôla la photo de Mila avec son index puis murmura, en fixant la défunte photographiée, dans les yeux :

- Les autres vont bientôt te rejoindre, ne t'inquiète pas. Bientôt, les autres iront eux aussi en Enfer, comme vous tous. Vous n'auriez jamais dû exister, toi et tes ordures de...

- TU TE FOUS DE NOTRE GUEULE, C'EST ÇA ?!

Clément virevolta. Andréa venait de rentrer dans sa chambre, la porte s'était ouverte dans un bruit fracassant, tonnerre de fer hurlant entre quatre murs sourds. L'adolescent le fixait avec des yeux écartés par la haine et la lamentation, la respiration beaucoup trop rapide qu'en temps normal. 000-C leva les yeux au plafond avant de cracher, d'une voix amère :

- Quoi, encore ?

- ''QUOI, ENCORE'' ?! répéta 000-A, folle de rage. MAIS PUTAIN DE MERDE, CLÉMENT !

Elle s'élança sur lui, les mains en avant et prêtes à l'attraper par le cou avant de l'étrangler sauvagement. 000-C plissa seulement les yeux, Andréa fut projetée contre un mur avec une violence inouïe. Elle échappa un cri de douleur et de colère, avant de fusiller l'adolescent du regard. 000-A se releva avec difficulté, le corps entièrement ankylosé, en tenant son épaule avec sa main gauche, devant le regard indifférent de Clément.

- Pourquoi t'as fait ça ?! aboya l'adolescente, toujours aussi furieuse.

- Je déteste quand les gens hurlent comme ça, marmonna-t-il en détournant le regard.

- C'est ça, ouais ! C'est donc avec horreur que je constate que Mathieu avait raison depuis le début. Bordel, mais, est-ce que tu vas te rendre compte, un jour, que tu suis le mauvais chemin, Clément ?!

Il haussa les épaules avant de lui tourner le dos... ce qui énerva grandement Andréa. Elle l'attrapa violemment par l'épaule et le retourna, afin qu'ils puissent se faire face comme de fidèles rivaux. 000-A le fixa avec des yeux meurtriers avant de tonitruer :

- Dina est morte, et toi t'en as rien à foutre ! On se fait pourrir par le boss, mais toi tu n'as même pas le courage de lui faire face !

- Hm.

- Il reste plus que Nicolai, toi et moi ! Le boss est furieux car Il est toujours en liberté ! Les pertes sont de plus en plus importantes ! Et toi, tu t'éclates à voir ces putains de Destroyas mourir, un par un, alors que ce n'est même pas le but !

- Tu as tué Mila Relik, Andréa, répondit avec calme 000-C, en souriant légèrement. Je te dois une fière chandelle.

- C'ÉTAIT UN ACCIDENT ! ELLE M'EMPÊCHAIT DE RECUPÉRER LE CORPS DE DINA ! JE N'AVAIS PAS LE CHOIX !

- Et tu l'as laissé pourrir là-bas.

000-A l'empoigna par le col de sa combinaison, un vide de quelques maigres centimètres se creusait entre leurs deux visages. Contrairement à la haine qui animait le visage de l'adolescente, Clément resta parfaitement serein et indifférent. Il lui adressa un autre sourire avant de continuer :

- Après tout, qu'est-ce qu'une mort, à présent ?

- Mais ça peut Le rendre plus fort ! Putain, mais t'écoutes ce que le boss dit parfois, ou quoi ?

- Car tu crois véritablement que nous pourrons L'attraper, Andréa ? rétorqua-t-il d'un ton brutalement sec.

- Il le faut, répondit cette dernière. Tu sais ce qu'Il représente.

- Je le sais, oui. Mais je sais aussi que c'est peine perdu. Il est irrécupérable. On ne peut pas Le dompter comme s'Il était un simple animal. Le boss ne veut seulement pas admettre qu'il est perdant depuis le début.

- Mais on peut pas Le laisser comme ça, là-bas... !

- Andréa. Rends-toi à l'évidence. Il a gagné, l'État a perdu. Nous sommes condamnés à suivre les ordres du chef car il est obsédé par l'idée de remettre la main sur Lui. Alors que c'est tout simplement impossible.

Ils se regardèrent dans les yeux pendant un court moment. Andréa était passée de la colère aussi sombre que la nuit, à un grisâtre désespoir. Elle baissa la tête, la mâchoire serrée, au bord des larmes. Ce fut à ce moment précis qu'elle réalisa qu'ils avaient tous tort, dans cette histoire, et que 000-C avait, malheureusement, raison. Tout cela n'avait aucun sens.

- Qu'est-ce qu'il faut faire ? demanda 000-A, déboussolée. Se laisser mourir ? Croire que, demain, tout ira mieux ? Penser que nous sommes vraiment utiles ? Mais quel est notre véritable but, Clément ? Sommes-nous destinés... destinés à servir un homme aveuglé par l'envie de l'inaccessible ?

Sa voix se brisait comme un miroir fissuré, aussi tranchante que des bouts de verre qui tombaient au sol. 000-C ne savait pas quoi lui répondre, à part qu'il restait seulement ici le temps d'éliminer ceux qui le hantaient, chaque nuit, chaque minute, chaque seconde. Qu'allait-il faire, après ? Très bonne question. Probablement fuir les laboratoires de l'État, comme Il l'avait fait, auparavant...

Quand Clément n'avait pas encore vu la triste lumière du jour. Quand Clément n'était pas encore sur cette Terre blessée par les guerres et les désastres écologiques.

Tout simplement avant que Clément existe.

Andréa ravala un sanglot et essuya les larmes qui coulaient le long de ses joues. Pleurait-elle de dégoût, de tristesse ou de colère ? L'adolescente inspira lentement, avec l'espoir de pouvoir calmer cette tempête de sentiments qui ravageait son âme, avant d'articuler :

- De toute façon, c'est probablement trop tard pour s'enfuir de ce cauchemar.

- C'est-à-dire ? lança 000-C en haussant un sourcil.

Andréa ne lui répondit pas directement. Elle tourna les talons et se dirigea vers la porte qu'elle ouvrit sans un bruit. 000-A jeta un dernier coup d'œil à Clément avant de dire, puis de disparaître :

- Le chef souhaite qu'on y retourne demain. Et tu sais pourquoi.

000-C se retrouva de nouveau seul. Après un court moment à rester immobile, les yeux écarquillés, parfaitement silencieux, il esquissa un sourire malsain avant de ricaner.

Clément se retourna vers son tableau en liège. Il se frotta les mains et passa sa langue sur ses lèvres, prédateur cruel en quête de sa prochaine proie. Tout se passait à merveille, alors que le chaos omniprésent régnait en maître, autour de lui.

Armande, Laureline, Axel... qui allait donc mourir, demain ?

DESTROYAS III : War is the AnswerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant