Chapitre 32

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- C'est donc ainsi que tu décides de nous quitter.

Baptiste arbora un sourire triste, les yeux sur le Destroya qui pouvait arrêter le temps. Clara et Guilhem se tenaient droit derrière leur chef, ne sachant pas quoi ressentir face à cette déclaration. Regret ? Soulagement ? Déception ?

Axel lui répondit d'un simple hochement de la tête, le regard cerné de noir, aussi noir que son lui intérieur. Il tournait le dos aux remparts d'Avignon, qu'il voulait effacer de ses souvenirs pour l'éternité. Le jeune homme, qui avait été son maître lors des jours les plus sombres de sa vie, accepta son choix sans rechigner.

- Je comprends. Si c'est ce que tu désires, Axel, je ne te retiendrai pas.

- Mais chef ! s'y opposa fermement celle qui pouvait tout faire exploser. Nous sommes plus que trois, si vous le laissez partir ! On peut pas...

- Silence, Clara. Je respecte son choix et tu n'as pas ton mot à dire, dans cette histoire.

L'adolescente le dévisagea, offusquée. Le Destroya qui pouvait arrêter le temps resta silencieux, le regard bas et vide. Baptiste posa une main sur son épaule avant de demander, calmement :

- Mais où comptes-tu aller, véritablement ?

- Je... je sais pas.

Si, Axel le savait. Il voulait aller loin, loin de tout cela, loin de ce cauchemar, loin d'Avignon, loin de la Ville, loin de la haine et de l'horreur qui lui collaient à la peau.

Il n'avait pu fermer l'œil, après leur effroyable bataille finale. À chaque fois que ses paupières s'abaissaient, Axel revoit cette Morgane sans vie, massacrée devant son regard par celui qu'ils détestaient tous. Clément était mort, mais la rage du Destroya envers lui ne s'était jamais éteinte, véritable étoile de colère, d'affliction et de détresse brillant dans une galaxie déprimée et inconsolable.

Et maintenant... il était là.

Axel était blessé, physiquement tout comme psychologiquement. Il se revoyait enterrer sa bien aimée de ses propres mains, devant les regards douloureux des trois autres survivants, à côté de ses amis qui l'avaient déjà abandonné lors de cette longue et pénible tragédie. Il n'avait plus la force de pleurer, de hurler à la mort, de se lamenter sur l'agonie qui vrillait son esprit. C'était comme si, en tuant Morgane, Clément l'avait aussi tué.

- Tu veux pas lui dire au revoir une toute dernière fois ? proposa Guilhem, d'un ton sans joie.

- C'est déjà fait, avoua le Destroya qui pouvait arrêter le temps, d'une façon absente.

Axel avait passé ces dernières heures devant sa tombe, à essayer tant bien que mal de communiquer avec elle. Il espérait entendre sa voix, une toute dernière fois. Le Destroya la voyait, la ressentait, l'entendait... mais Morgane n'était pas là. Il désirait la toucher, lui parler, lui dire tout ce qu'il avait sur le cœur, qu'elle efface tout ce sombre chagrin qui assombrissait son âme. Mais jamais elle reviendrait.

Elle ne serait plus jamais là, à ses côtés. Morgane avait disparu pour toujours, emportant avec elle la joie, les sentiments et l'espoir d'un meilleur lendemain du Destroya.

Baptiste soupira avant de jeter un bref regard aux remparts d'Avignon. Il fit un pas en arrière puis dit, en regardant son ancien élève droit dans les yeux :

- C'est alors ici que nos chemins se séparent, Axel. J'ai été très heureux de te rencontrer, tu sais ? Mais ainsi va la vie... tu trouveras ta voie autre part mais, sache quelque chose : la Ville t'ouvrira toujours grandement ses bras. Si un jour, tu reviens ici, je t'accueillerai sans se soucier de quoi que ce soit, je t'ouvrirai les portes de notre refuge. Car il est aussi ton refuge, et cela jusqu'à la fin des temps.

Le Destroya qui pouvait arrêter le temps hocha la tête avant de répondre tout simplement, de cette même voix :

- Merci beaucoup, Baptiste.

- Ne me remercie pas. C'est la moindre des choses. Maintenant, va où le vent t'amène. Reviens ou ne reviens pas, n'écoute que toi-même. Tu me manqueras, sache-le, mais je ne te retiendrai pas plus longtemps. Vas-y, Axel. Pars. Éloigne-toi le plus possible, si ton cœur te le chante.

Fuir, c'était le terme. Axel voulait seulement fuir. Fuir la Zone Fantôme, ces souvenirs tranchants qui le hantaient, mais aussi Baptiste. Il ne pouvait pas le nier : sous ces belles paroles, se cachait une vérité bien plus cruelle que tout le monde ignorait, sauf lui. Si Axel fuyait, n'était-ce pas pour éviter de subir le même sort que les autres ?

Puis, il leur tourna le dos. Il fixa la cruelle Avignon qui l'avait chassé, persécuté, moqué, privé de ce qui était, pour lui, vital. Axel leva une dernière fois sa main pour les saluer, sans se retourner, avant de s'éloigner de la Ville pour toujours.

- Adieu ! cria Baptiste, quand la distance entre eux et l'adolescent se fit plus importante. J'espère que nous nous reverrons, un jour. Que la chance te sourie, à présent. Nous t'oublierons pas, Destroya !

- Mais pourquoi vous l'avez pas retenu, chef ?! s'emporta Clara, quand Axel disparut de leur champ de vision. Nous ne sommes plus que trois ! TROIS !

Leur chef ne lui répondit pas... ce qui l'énerva encore plus :

- Comment voulez-vous que nous nous en sortions, à trois ? Et si l'État nous attaque, de nouveau ? Nous sommes fichus, chef !

- Mais non, Clara. Nous nous en sortirons très bien, sans lui.

- Il aurait pu nous aider, remarqua Guilhem d'un ton amer. Même si...

- Son état mental n'aurait fait que s'aggraver, lui coupa la parole Baptiste. Axel a besoin de changer d'air. De partir loin d'ici.

- Mais pourquoi ne pas l'avoir retenu ? Il aurait été bien mieux avec nous que seul et perdu dans la Zone Fantôme !

- Qu'est-ce qui te le prouve ? Assez paradoxales, ces paroles, surtout sorties de la bouche d'une Destroya qui le déteste...

Un silence s'installa entre eux. Leur chef contempla les déprimants murs d'acier d'Avignon avant de fermer les yeux. Clara grogna, en se tournant vers l'adolescent :

- J'espère qu'il va faire vite demi-tour. Parce que là... je sais vraiment pas comment on va faire.

- Ne dis pas ça, rétorqua Baptiste d'un ton cassant.

- Ah oui ? Et pourquoi je devrai pas le dire ?

Leur chef se tourna lentement vers les deux adolescents, puis fixa la Destroya qui pouvait tout faire exploser avec ses yeux de tempête. Son calme légendaire glaça le sang de Clara, ainsi Baptiste déclara d'un ton serein et posé :

- Car, malgré tout ce qui je lui ai dit, je sais pertinemment qu'il ne reviendra pas.

DESTROYAS III : War is the AnswerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant