Chapitre 4

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Comme prévu, Axel se tenait devant l'entrée de la cour intérieure de l'hôtel, à l'aube. Il attendit leur chef, le dos contre un mur.

Il n'avait pas assez dormi, pour ne pas dire qu'il avait fait une insomnie. L'angoisse permanente ne lui permettait pas de fermer l'œil, tout comme elle lui volait son appétit. Le regard dans le vide, l'adolescent se laissa submerger par une vague déchaînée de pensées sombres.

Et si Morgane était déjà morte ? S'il allait ne plus jamais la revoir ? S'il faisait tout cela pour rien ? Était-elle sujet d'expériences inhumaines au moment où, lui, vivait et respirait ? Souffrait-elle pendant que lui était torturé mentalement par une colossale sensation de manque ?

- Eh oh, tu m'entends ?

Axel sursauta. Baptiste le jugea du regard avant de rire d'une façon assez moqueuse. Il lui fit signe de le suivre, tous les deux allèrent au cœur de la cour intérieure. Leur chef se plaça devant l'adolescent, à quelques mètres de lui, ils se regardèrent dans les yeux pendant un long moment.

Puis Baptiste fit un sourire en coin.

- J'espère que tu es prêt. Cet entraînement sera éprouvant pour toi, je le sais. Nous avons beaucoup de travail. Mais je ne te pousserai pas au-dessus de tes limites... pour le moment.

Il claqua des doigts avant de désigner le sol.

- Assieds-toi, ordonna le chef d'une voix bien plus froide.

L'adolescent s'exécuta sans réfléchir, assis en tailleur contre le sol herbeux de la cour. Baptiste le rejoignit, en seiza, le silence régna entre eux. Leur chef ne le quitta pas du regard pendant un long moment, les yeux plissés comme s'il examinait de fond en comble... puis il soupira.

- Bien, commença le jeune homme. Pour l'instant, tu dois seulement arrêter le temps.

Axel le regarda puis haussa un sourcil. Il demandait cela comme si c'était une tâche quotidienne, comme se lever ou manger ! Le Destroya prit un grand bol d'air avant d'activer son pouvoir, tout ce qui était autour de lui s'arrêta. Le vent ne soufflait plus, les nuages ne se chassaient plus dans le ciel, la Ville plongea dans un silence irréel. La Terre ne tournait plus, les grains du sablier avaient cessé de chuter.

- Très bien, lança Baptiste. Maintenant, voyons combien de temps tu tiens, précisément.

- Mais...

- Silence ! Pas un bruit et pas le moindre mouvement. Concentre-toi, c'est tout.

Axel ferma les yeux. Il sentait une douleur sournoise lui perçait la poitrine, celle qui hurlait à chaque fois qu'il utilisait un peu trop son pouvoir. L'adolescent serra les dents, essayant du mieux qu'il pouvait de lutter contre ce mal intérieur qui se propageait dans son corps, à la vitesse du son. Baptiste le regarda souffrir en silence, sans intervenir.

Puis le Destroya craqua. Le temps se remit à couler normalement, l'adolescent se courba en avant en se maintenant le ventre. Il avait l'impression qu'il allait vomir, tout son corps tremblait, intégralement incontrôlable. Il respira la bouche ouverte, comme s'il venait d'échapper à la noyade in extremis.

- Dix-sept secondes, marmonna Baptiste. Je m'attendais à mieux de ta part.

- Comment ... ?

- Calme-toi et respire. Le but de cet exercice est de déterminer combien de temps, en moyenne, tu peux garder ton pouvoir activé. Pas besoin de parler, ni même de bouger, tout est une question de concentration.

Axel reprit lentement sa respiration, son cœur se calma progressivement. Leur chef avait le regard figé sur le vide, comme perdu dans l'immensité des abysses de son imagination. L'adolescent se demanda alors à quoi il pensait, à qu'est-ce qui se passait dans sa tête exactement.

- Ça va mieux ? demanda Baptiste en le regardant enfin.

- Ouais, ça va.

- Bien. On reprend. Concentre-toi puis arrête le temps. Ne bouge pas, ne parle pas, ne pense à rien. Il faut que rien ne te perturbe.

Le Destroya ferma de nouveau les yeux et tenta d'obéir à ses demandes. Il arrêta le temps une seconde fois et ne pensa à plus rien. Axel se noya dans une obscurité qui prit d'assaut sa vision, son âme et son imagination, s'efforçant à ne penser à absolument rien, au vide absolu. Pourtant...

L'adolescent la voyait.

Il voyait Morgane.

Elle courut vers lui, l'adolescent se crispa. La douleur le frappa de nouveau, il interrompit brutalement son pouvoir. Axel se recroquevilla sur lui-même, la mâchoire serrée par l'agonie.

- Treize secondes, conclut le chef avant de soupirer. Cela va être bien plus compliqué que l'avais imaginé... je t'ai dit de te concentrer, bon sang, tu m'écoutes quand je te parle ?

- Mais elle était là ! se défendit désespérément le Destroya. Elle...

Baptiste plissa de nouveau les yeux, comme sceptique. L'adolescent ne trouvait pas les mots, il baissa la tête pour ne pas montrer le fait qu'il était à deux doigts de fondre en larmes. Axel se mordit l'index pour se retenir d'hurler, le chef observa cette pathétique scène d'un air critique.

- Je vois, fit le chef d'un ton étrangement tendre. Le problème, c'est Morgane. Et c'est compréhensif.

Il marqua une pause puis leva le regard, afin d'admirer le ciel assombri de la Zone Fantôme. Baptiste ferma à son tour les yeux avant de poursuivre :

- Je sais que tu ne contrôlais pas entièrement ton pouvoir, quand tu es venu ici. Mais depuis qu'elle a disparu, je constate que c'est devenu presque... incontrôlable. Sa disparition te perturbe.

- Non, sans blague ? rétorqua l'adolescent d'une façon violente.

- À la place de te lamenter sur ton sort, de pleurer sa disparition, tu dois te servir de ça pour avancer. Ta tristesse doit se transformer en colère. Pas partiellement... mais entièrement.

Leur chef lâcha un petit rire jaune avant de cracher, d'une voix provocatrice :

- Tu es un homme, ou non ? Tu es un Destroya, ou un vulgaire humain ? Relève la tête et recommence !

L'adolescent enleva les larmes précoces qui perlaient au bord de ses yeux, d'un violent revers de la main. Il expira profondément avant de refaire le même exercice. Les ténèbres le dévorèrent, mais cela pas pour très longtemps.

Axel n'arrivait tout simplement pas à la faire disparaître de son esprit, à la chasser de ses rêves. Malgré la douleur qui lui calcinait le corps et l'esprit, l'adolescent garda le temps en suspens. Ses dents s'entrechoquèrent, il avait l'impression que quelqu'un venait de lui lancer une flèche incandescente en plein cœur. Puis tout cela devint insupportable, le Destroya hurla.

Il se mit à vomir devant le regard froid de Baptiste. Le dos courbé en avant, les mains devant lui pour ne pas tomber la tête la première dans ce qu'il venait de recracher, l'adolescent se demanda sérieusement s'il n'allait pas mourir.

- Vingt-huit secondes, déclara leur chef, parfaitement indifférent de l'état du Destroya en face de lui. T'améliorerais-tu, en fin de compte ?

- BAPTISTE ! hurla une voix. BAPTISTE, ON RENCONTRE UN PROBLÈME, LÀ !

Axel se retourna, malgré l'agonie qui lui vrillait le thorax. Mathys courait vers eux, il s'arrêta brutalement quand il vit l'autre adolescent, à terre et devant une flaque de son propre vomi. Il fit une mine dégoûtée avant de jeter un regard noir à Baptiste.

Ce dernier se leva et demanda, toujours aussi sereinement :

- Que se passe-t-il ?

- Clara, Baraka et Gabriel sont revenus de leur expédition.

- Oui... mais alors, quel est le problème ? l'interrogea leur chef.

- Ils sont pas seuls. Ils ont ramené deux autres Destroyas, avec eux.

DESTROYAS III : War is the AnswerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant