Prologue

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La gorge nouée, Philomène appuya sur le bouton d'enregistrement.

— Bon alors, voyons voir... Petit essai micro maintenant. Un deux ? Un deux ? Ici votre commandant de bord qui vous parle, eh oh allo ?

Tout en fronçant les sourcils, la jeune femme tapota son micro. Jouait-il au lâche en l'abandonnant dès le début de son live ? Si c'était le cas, elle ne trouvait pas cela drôle du tout !

— Ho ho ho ! Y a-t-il du monde dans les balcons ou plutôt derrière les écrans ? Je répète y a-t-il...

Le premier commentaire venait d'apparaître sur le bas de sa vidéo. Ouf, Philomène pouvait arrêter avec ses plaisanteries. Elle n'était plus seule.

— Salut à toi Justine7811 et bienvenue à tous mes Friendzoneurs timides qui ne veulent pas se manifester ! Je m'excuse d'être aussi matinale, mais c'était ça ou bien je me retrouvais au milieu d'un gros bordel... Enfin bon, comme vous savez tous, il s'agit de mon tout premier live, alors je vais vous demander d'être cléments avec moi. Euh... petite précision, je parle de l'adjectif et non pas du prénom hein, même si je connais un Clément. D'ailleurs si par hasard tu me regardes en ce moment, je te fais de gros bisous à toi et à ta chérie ! Bon sinon, pour en revenir à vous, mes chatons, vous pourriez très bien vous appeler Gertrude que je vous aimerais quand même. Voui voui voui !

Tout en avançant le visage vers l'écran, car le masque qu'elle avait enfilé, l'empêchait de bien voir les commentaires, elle fit claquer sa langue contre son palais.

— Alors qu'est-ce que vous voulez savoir... Oula oula, euh doucement là, pas tous à la fois s'il vous plaît ! Je ne peux pas répondre à trente questions en trente secondes, à moins que vous souhaitiez que je le fasse par monosyllabes. Ça je peux le faire. Ouais, je vous le jure, je sais faire ! Mais apparemment, les gens ne me comprennent pas.

Une gorgée de sa bouteille d'eau et voilà que Philomène était à nouveau prête à parler :

— Bon, pour répondre à la question qui est revenue le plus souvent dans vos messages, oui je vais mieux. D'ailleurs, je vous remercie pour tout votre soutien, vous êtes des amours. C'est vrai que je suis passée par des moments plutôt difficiles. Mais grâce à vous ainsi que d'autres personnes que je citerai sûrement plus tard, j'ai pu remonter la pente. J'espère que vous allez tous bien aussi. Ensuite, non mon... Roh mais dégage Java !

Le siamois, qui avait décidé de faire son pot de colle aujourd'hui en se frottant contre les gambettes de la jeune femme, se mit à miauler. Seulement c'était sans compter sur Philo qui d'un coup de main rapide, expulsa le chat de sur son lit.

— Ouais c'est ça, va pleurnicher dans les jupons de ta mère, marmonna-t-elle tandis que le petit félin prenait la fuite, les oreilles tirées en arrière.

Tout en gigotant sur sa couette, elle remua le doigt en signe de désaccord :

— Non, mon invité surprise ne viendra pas tout de suite, mais rien ne vous empêche de faire des suppositions quant à son identité.

La jeune femme rigola des scénarios que certains lui proposaient.

— Alors bon, que l'on se mette d'accord, je connais un beau British, une Miss frange, un Bichon, un Ron, un Matou, un Spartacus, un Bouffon du roi, mais pas de Prince Charmant, désolée, je ne vois pas de qui vous voulez parler... Ha ha, patience, patience mes chatons ! Et merci MademoiselleFanny ! En effet, c'est bien ma chambre. Exceptionnellement, je suis retournée chez mes parents. Ils me manquaient et j'avais trop besoin de leur faire un gros câlin. Donc ouais, tout ça pour dire que je suis rentrée au bercail... C'est vrai que je trouve que mes rideaux sont beaux aussi. Ma mère n'est pas de mon avis because avant que je les customise, d'après elle, ils ressemblaient à quelque chose. Mais c'est pas grave ! L'essentiel, c'est que je les aime, non ?

Quelques remerciements plus tard, la jeune femme continua enfin :

— Je sais que vous attendez tous que je vous donne des explications à propos de mon silence radio depuis plusieurs semaines. Ne vous en faites pas, je vais le faire, comme promis. OK, bon allez, tout d'abord, je pense que je vais commencer par retirer ce masque. J'étouffe avec !

C'était la première fois que la jeune femme se montrait derrière une caméra, mais elle avait déjà posté plusieurs photos d'elle et de ses amis sur son blog TheFriendZone.com qu'elle avait créé alors qu'elle était encore lycéenne. Bien évidemment, elle avait toujours caché les visages pour garder un certain anonymat pour les personnes qu'elle aimait.

Si au départ, son site avait semblé être un flop, après deux petits mois difficiles, étaient arrivées ses premières lectrices. Et tandis que certaines avaient continué leur route, d'autres lui étaient restées fidèles. Parmi tous ceux (oui, il n'y avait pas que des jeunes filles) et celles qui avaient partagé leurs aventures avec elle, personne n'avait encore vu son visage.

Philomène préférait se la jouer mystérieuse, car après tout c'était cool les auteurs anonymes, non ? En même temps, elle avait débuté tout cela suite à un énième refus d'un camarade au lycée, à trois mois du baccalauréat, alors à ce moment-là, elle ne souhaitait pas que quiconque découvre qu'elle racontait ses aventures sur le net.

Seulement ce qui devait à la base n'être qu'un simple journal intime numérique, était devenu bien plus. Car des jeunes, par dizaine, avaient commencé à lui envoyer des messages de réconforts et même des partages de déceptions amoureuses. À partir de cet instant, s'était créée la communauté des Friendzoneurs, puisque c'était ainsi que ses amis virtuels se surnommaient, quand Philomène ne les appelait pas Mes chatons.

C'était toujours plus valorisant de s'appeler un friendzoneur qu'un friendzoné, bien que cette version-là était plus proche de la vérité.

— Merci Justine7811, décidément, tu es la plus bavarde ! C'est gentil. J'aurais bien aimé que des mecs me trouvent « jolie » aussi à l'époque. Quoique...

Un sourire un peu triste étira les lèvres de la jeune femme. Des souvenirs, un peu douloureux venaient de lui revenir.

— Puisque nous avons le temps et que j'ai envie de jouer à la conteuse, je vais commencer par le commencement, si vous voulez bien. Donc tout d'abord, moi c'est Philomène. Je ne m'appelle pas l'Oracle de l'amour comme certains se sont mis à me surnommer, de façon plutôt ironique je crois bien. C'est pas bien petits farceurs, vous mériterez une bonne fessée ! Je ne parle pas dans le sens... Attention hein, ne dites pas des choses que je n'ai pas dites ! Quant à ceux qui disaient que je m'appelle Rose... Euh, seriously, ai-je vraiment une tête à m'appeler Rose ? Bref, revenons à nos moutons, et pour le coup, je ne parle pas de Bichon ! Bon, promis maintenant, j'arrête avec mes blagues pourries. En fait, je crois que je stresse un peu. J'ai peur que vous me haïssiez une fois que je vous aurai tout dit.

Une grande inspiration et Philomène se lança :

— Tout cela remonte à plusieurs mois, juin si je ne me trompe pas...

Quel phénomène cette Philomène 1 (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant